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des « Espèces d’Espaces »

II. La diversité des contextes vient brouiller les référentiels juvéniles

2. Entre villes et villages, des centralités créatrices de polarités

2.1 Des mobilités au cœur d’un double jeu périurbain

Les communes périurbaines de notre étude le sont en raison des mobilités quotidiennes

de leurs actifs. Toutes envoient au moins 40% de leurs actifs travailler dans une autre commune que celle où ils résident. Dans le cadre du zonage en aires urbaines (INSEE,

2010), l’espace à dominante urbaine rassemble des espaces ni trop lointains, ni très proches de la ville, plus ou moins bien reliés mais reliés tout de même dans lesquels se déroule un double jeu périurbain.

Figure 14 – Les mobilités des actifs dans un double jeu périurbain

Réalisation Catherine Didier-Fèvre

Dans les communes du terrain Est icaunais, les actifs ne sont pas uniquement attirés par Sens mais aussi par Paris, Troyes, Montereau-Fault-Yonne, ou d’autres communes pourvoyeuses d’emploi. Les communes situées autour de Montereau-Fault-Yonne, comme celles où le Lycée de La-Queue-Lez-Yvelines recrute ses élèves, sont incluses dans l’aire d’influence du pôle parisien mais la présence de pôles secondaires d’emplois dynamise ce territoire. Ainsi Houdan, chef-lieu de canton et d’intercommunalité, constitue une polarité centrale d’un bassin de vie (Aragau, 2013) comprenant des communes appartenant à la fois aux Yvelines et à l’Eure-et-Loir, ensemble structuré autour de la N12 reliant Dreux à Versailles.

La distance à Paris-Centre, plus réduite à l’Ouest (une soixantaine de kilomètres) qu’à l’Est (entre 80 et 110km), renforcée par l’inclusion ou pas des communes dans le périmètre Transilien, explique une plus forte attirance des actifs pour des emplois situés dans la capitale alors que les destinations de leurs navettes sont plus diversifiées pour

les communes situées dans l’Yonne30. Contrairement à l’intercommunalité organisée autour de Houdan ayant pensé un réseau de transports en commun par car faisant fi des limites administratives, un véritable effet-frontière se joue dans le Nord de l’Yonne, tant au niveau de tarification SNCF que dans l’absence d’un réseau de bus permettant de rallier Montereau-Fault-Yonne pour les habitants des communes du Nord ou de l’Ouest de l’Yonne, non desservies par la voie ferrée. Cela n’empêche pas près de 5000 actifs31 sur les 12 000 navetteurs du nord de l’Yonne32 d’aller travailler quotidiennement en Seine-et-Marne ou à Paris en rejoignant une gare TER en automobile.

Le contexte métropolitain allié à un emboîtement des échelles périurbaines complexifie la lecture de ces espaces, attirés à la fois par la métropole parisienne mais aussi par les ressources des polarités plus ou moins renforcées.

2.2 Des polarités secondaires, au centre des mobilités quotidiennes

Un effet de contexte périurbain distingue très nettement les communes ouest franciliennes de celles de notre terrain Est.

Les terrains Est sont marqués par la présence de deux pôles concentrant l’offre marchande ou les emplois : Sens et Montereau-Fault-Yonne. Très fortement dotés en zones commerciales périphériques (au sud de Montereau-Fault-Yonne et au nord comme au sud de Sens), ces agglomérations présentent nombre d’atouts pour des populations juvéniles : centres commerciaux, multiplex, bowling, discothèque… En dehors de ces deux pôles, les tissus économiques sont peu présents, même si quelques communes (Pont-sur-Yonne, Villeneuve-La-Guyard, Villeneuve-sur-Yonne, Montigny-Lencoup, Marolles-sur-Seine, Bray-sur-Seine) disposent d’une offre commerciale plus ou moins développée : quelques commerces et un supermarché permettant de subvenir aux besoins les plus courants de leurs populations. Cette offre locale est appréciée par quelques-uns de nos enquêtés : « Y’a tout ce qu’il faut : épicerie, terrains de basket, de foot. On peut se baigner dans la Seine. Y’a un bar et une pizzeria, y’a tout ! Pas besoin d’aller à Montereau pour acheter un paquet de chips ! » Tony (16 ans, Marolles, Seine-et-Marne, 16 ans de résidence). Ailleurs, dans les cantons les plus ruraux (Cerisiers, Villeneuve-L’Archevêque), le faible maillage d’équipements oblige les habitants à se déplacer en voiture vers la ville pour s’approvisionner ou pour trouver un emploi. Cette obligation apparaît comme une contrainte pour les plus jeunes ne disposant de modes

30 Sens, Troyes, Montargis, Orléans, Auxerre, Montereau-Fault-Yonne, Melun attirent les actifs du terrain Est quand ils n’ont pas leur emploi à Paris-centre et dans la première couronne.

31 Source : SNCF d’après http://www.lyonne.fr/yonne/actualite/pays/senonais/2015/02/16/trajets-domicile-travail-plus-de-5-000-navetteurs-senonais-chaque-jour_11331817.html

32 Enquête de la CCI de l’Yonne, 2010. Paris (27%), la Seine-et-Marne (36%) et Neuilly-La Défense (10,2%) sont les destinations privilégiées des actifs. Ceux se rendant en Seine-et-Marne utilisent davantage l’automobile que le train.

de transports autonomes à défaut d’un service régulier de transports collectifs.

Le cas de l’Ouest francilien se distingue de cette configuration puisque dans les cantons d’Houdan et de Montfort-L’Amaury-Méré, des petites centralités prennent le relais – entre l’agglomération de type sénonaise et le petit bourg – dans le cadre d’une économie de proximité et abritent des petites zones industrielles ou artisanales, pourvoyeuses d’emplois. Ce phénomène se lit plus particulièrement dans la stabilisation des trajets domicile-travail comme celle des budgets temps qui leur sont consacrés. Il s’explique, par l’accroissement et la densification de la population, de l’offre de commerces et de services de proximité étoffée, à l’origine de l’accroissement du nombre d’emplois relevant de l’économie présentielle (ou résidentielle). Même si les communes périurbaines restent encore déficitaires en termes d’emplois, elles bénéficient de l’amélioration de l’offre de proximité et de l’évolution polynucléaire du système urbain francilien, avec la montée en puissance des pôles d’emplois des villes nouvelles de Cergy-Pontoise et Saint-Quentin-en-Yvelines (Poulot et Aragau, 2014). En dehors de ces pôles d’emplois, des communes, telles qu’Houdan ou Orgerus, disposent d’une offre commerciale à la fois localisée dans le centre-bourg et complétée par un supermarché située en entrée de ville. Une configuration similaire est à noter à La-Queue-Lez-Yvelines, même si le centre-bourg n’y tient pas la même place qu’à Houdan ou à Orgerus, l’essentiel de l’activité économique étant concentrée dans les petits centres commerciaux situés à proximité du lycée.

Ainsi, les terrains Est et Ouest franciliens, au-delà de leur statut de franges, présentent des éléments de distinction non négligeables (tant démographiques, économiques que sociologiques) jouant un rôle central dans l’organisation spatiale mais aussi dans la manière dont les jeunes voient et vivent ces espaces.