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Aller au lycée pour prendre du champ avec sa famille

I. Des transports organisés pour se rendre au lycée

1. Un transport public spécialement organisé pour eux

1.1 Deux réseaux de transports, témoins d’une périurbanisation plus ou moins avancée

Deux réseaux de transports, présents sur le territoire de l’aire urbaine de Sens, concernent les communes périurbaines où résident les jeunes inscrits au lycée de Sens.

Le réseau Intercom est celui mis en place par la Communauté de Communes du Sénonais (CCS). Si la géographie de l’intercommunalité en 2014 inclut davantage de communes appartenant à la couronne d’un grand pôle qu’en 201069, la situation à la date du passage des questionnaires fait de ce réseau aux cadences de passage régulières un réseau de bus de type urbain. Depuis 2009, les lignes scolaires ont été fusionnées avec les autres lignes afin de répondre aux besoins des habitants de l’agglomération sénonaise. Toutefois, toutes les communes ne sont pas desservies de manière régulière, aussi un système de transport à la demande (Cartobus) a été mis en place. Un minibus ou un taxi vient chercher l’usager, pour un prix identique à un déplacement en car, à l’arrêt de bus, à la condition d’avoir effectué une réservation au minimum deux heures avant le déplacement. Le réseau Intercom dessert des communes urbaines ou périurbaines aux densités importantes ou se trouvant dans l’aire d’influence directe du pôle urbain sénonais. L’intégration de nouvelles communes dans les circuits de bus Intercom se lit dans le paysage par le biais des arrêts de car.

La commune de Collemiers, située à 10 km de Sens, est désormais intégrée au réseau Intercom. L’installation de mobilier urbain rend compte de l’avancée de la périurbanisation. Les habitants peuvent désormais emprunter ce mode de transport calé sur les horaires de train TER reliant Paris, même si la faible amplitude des horaires ne correspond guère à ceux d’actifs travaillant dans la capitale70. En revanche, pour les jeunes, ces heures de passage des bus peuvent leur permettre d’aller à Paris en journée, pendant les vacances, sans avoir besoin que leurs parents les véhiculent à la gare. Ces horaires se rajoutent à ceux, très contraignants71 et uniques, mis en place par le Conseil général, jusqu’à l’intégration de Collemiers à la CCS.

69 Neuf communes membres contre dix-neuf communes en 2014.

70 Train de 9h26 ou 14h27 au départ de Sens, retour à Sens à 11h32 ou 16h32

71 Départ pour le lycée de Sens à 6h40 pour un retour à 19h08.

Figure 49 - Arrêt de car de Collemiers (en 2011 et en 2014), Yonne

Photographie de l’auteure, juin 2011 Photographie de l’auteure, novembre 2014

En revanche, dans les autres communes appartenant à la couronne d’un grand pôle comme dans celles classées par l’INSEE comme des communes multipolarisées des grandes aires urbaines, il n’existe pas de système équivalent. Le Conseil général assure la desserte par car dans le cadre de lignes régulières (Transyonne) et de circuits scolaires proprement dits. Les premières, comme les secondes ne fonctionnant qu’en période scolaire, bénéficient toutefois d’un transport à la demande calqué sur le système intercommunal présenté plus haut. Malgré tout, la fréquence des passages des cars est réduite72, le plus souvent, à un aller et à un retour par jour, selon des horaires calqués sur celui des scolaires, limitant en cela la fréquentation de ces lignes par des actifs. La fréquence même réduite des cars ayant un coût important73 pour la collectivité territoriale, la fin de la gratuité des transports scolaires a été votée et mise en application depuis septembre 2013. Désormais, les parents des lycéens doivent acquitter entre 10 et 14% du cout total du transport74 ou acheter des titres de transport à l’unité75.

72 La ligne 14 qui dessert la commune périurbaine de Domats fonctionne selon les horaires suivants : 6h57 dans le sens Domats – Sens, 12h15 ou 18h10 dans l’autre sens au départ du lycée.

73 Le coût forfaitaire du transport d’un élève sur circuits scolaires s’élève à 750€/an alors qu’il atteint 1600 €/an et par élève lorsqu’il s’agit d’une ligne régulière.

74 120€/an pour les lycéens et les étudiants post-bac.

75 2€ le trajet quelque soit la distance parcourue.

1.2 Le réseau Transyonne, un service de transport encore rural

Les véhicules utilisés sur le réseau Transyonne sont des cars de tourisme ou des cars scolaires avec autant de places assises qu’il y a de voyageurs. Jessica (15 ans, Champigny, Yonne) dit de ceux-ci à propos de son arrivée dans l’Yonne : « J’ai rigolé des bus scolaires. Je m’attendais à ce qu’il y ait des bus normaux ». Pour cette jeune fille venue de la région parisienne, ce type de véhicules ne permet pas de rattacher Champigny à l’espace urbain ou sous influence urbaine. Les jeunes habitant à la fin d’un circuit sont souvent confrontés au manque de place assise dans le car et doivent se serrer dans l’allée au mépris de la sécurité.

La localisation des arrêts de car est souvent critiquée par les jeunes. Si 91% des élèves utilisant Intercom et 88% des élèves utilisant les cars « Transyonne » se rendent à pied à l’arrêt, les autres viennent en voiture en raison de la distance les séparant de l’arrêt.

Certains arrêts de car peuvent être éloignés de près de 3 kms du domicile de l’élève. Le tracé des circuits scolaires et réguliers, redessiné tous les ans, une fois les inscriptions enregistrées, prévoit la création d’un point d’arrêt de car si trois lycéens sont situés à plus de 3 km du point d’arrêt le plus proche. Aussi, quand ces conditions ne sont pas remplies, les parents doivent conduire leur enfant à l’arrêt le plus proche ou celui-ci doit s’y rendre en scooter. D’autres trouvent des solutions alternatives comme Jossia (17 ans, Chaumot, Yonne) qui, après avoir expérimenté les transports scolaires, vient désormais au lycée le matin grâce à un covoiturage organisé par son voisin. Le soir, elle rentre par le car et doit trouver un moyen de faire les trois kilomètres qui séparent l’arrêt de car de son domicile. Les observations participantes que nous avons pu réaliser dans le transport scolaire nous ont permis de constater que nombreux étaient les parents à emmener en voiture leurs enfants à l’arrêt de car en hiver. Tous attendent au chaud dans l’habitacle avant que le parent ne continue sa route pour se rendre à son travail.

Les autres, telles des « lucioles » égrainées le long du trottoir en l’absence d’un arrêt, consultent frénétiquement leur téléphone en attendant le car.

Les commentaires des jeunes sur leur arrêt de car sont souvent peu amènes sur la qualité de ce « mobilier urbain ». L’absence d’arrêt (« Ce n’est pas vraiment un arrêt. Il n’y a pas de « panneaux ». Il se situe devant une maison en face de l’église. » Océane, 17 ans, Gisy-les-Nobles, Transyonne ; « Mon arrêt est un croisement. Il n’y a pas d’abri. C’est au milieu des champs. » Whitney, 16 ans, Fouchères, Transyonne) ou son mauvais état sont soulignés : « C’est un abribus en béton et cassé. » (Antoine, 17 ans, Vaudeurs, Transyonne), « dégradé (vitres cassées) et sale. » (Clarissa, 17 ans, Thorigny-sur-Oreuse, Transyonne , « Un abri en ciment avec des tags sur une petite route de campagne. » Agathe, 15 ans, Marsangy, Transyonne.

La rénovation des abribus engagée par le Conseil général de l’Yonne à partir de 2011 a uniformisé le parc et permis d’équiper des arrêts qui en étaient dépourvus : « Il est à la place de la source. Une grande cabane toute neuve en bois. Avec des bancs autour. » (Amandine, 15 ans, Vernoy, Transyonne).

Figure 50 - Arrêt de car, Domats (Yonne)

Photographie : Julie, 16 ans, 2013

Figure 51 - Arrêt de car de Villiers-Louis (Yonne)

Photographie : Catherine Didier-Fèvre, 2011

1.3 Qui rend l’automobile attractive

Lorsque la question d’une alternative aux transports utilisés est posée, les élèves plébiscitent globalement l’automobile (Bachiri et Després, 2008). Ainsi, parmi ceux utilisant Intercom, 74% préféreraient venir en voiture au lycée. 62,5% de ceux qui ont un mode de transport alternant (car ou voiture) préfèrent venir au lycée en voiture.

Enfin, parmi les usagers de « Transyonne », seuls 57% des élèves mettent en avant la voiture pour venir au lycée. 24% des usagers de « Transyonne » estiment qu’ils ne prendraient aucun autre mode de transport à l’exception de celui qu’ils utilisent actuellement. Il semble donc que le seuil de satisfaction soit plus important à propos des transports mis en place par le Conseil général que dans le cadre d’Intercom. Malgré tout, la voiture remporte encore de nombreux suffrages quelque soit le mode de transport en commun emprunté.

Raisons objectives et psychologiques se mêlent pour expliquer cette préférence : « Car on est avec ses parents donc c'est plus intime et tranquille » (Cassandra, 17 ans, Cerisiers, Transyonne) ; « Si j'avais mon permis, je prendrais ma voiture, comme ça on n'est pas obligé de mettre des écouteurs pour écouter les musiques que l'on aime » (Marion, 17 ans, Michery, Transyonne) ; « Si je pouvais, je viendrais en voiture, car c’est plus la classe ! » (Lisa, 15 ans, Saint-Agnan, Transyonne).

Aux arguments évoquant le confort de l’automobile ou à l’image qu’elle renvoie, c’est surtout le trajet en lui-même qui est dénoncé : « Car le car arrive beaucoup trop tôt. » (Cindy, Foissy-sur-Vanne, 16 ans, Transyonne) ; « La voiture, ça va plus vite ! » (Julie, Rosoy, 16 ans, Intercom) ; « Il n'y a pas le trajet maison - arrêt de bus : environ 1 km. » (Jason, Cuy, 17 ans, Transyonne) ; « Car on ne peut pas rater le transport. » (Caroline, 15 ans, Nailly, Transyonne). Aussi, Catherine (19 ans, Sergines), possédant le permis de conduire depuis le mois de février, dit qu’elle vient de plus en plus en voiture : « J’ai tellement la flemme ! Je peux me lever plus tard. Je gagne une demi-heure. » Elle estime que les transports en commun sont une perte de temps. En voiture, le trajet ne dure qu’un quart d’heure contre 35 minutes en car.

Ceux appréciant les transports en commun du Conseil général écrivent : « C'est pratique et il n’y a pas d’arrêt. La ligne est directe, ça dure autant de temps que si on roulait en voiture. » (Océane, Gisy Les Nobles, 16 ans, Transyonne) ; « car c'est gratuit. » (Walter, 15 ans, Gisy les Nobles, Transyonne).

Des considérations très personnelles, rendant compte d’un désir de prise de distance, justifient aussi l’appréciation de ces transports : « Je n'aime pas que mes parents m'accompagnent. » (Agathe, 15 ans, Chaumont, Transyonne) ; « Je m'y sens bien et cela me permet de me retrouver un peu seule. » (Evelyne, 17 ans, Villeneuve-L’Archevêque, Transyonne) et relativisent l’idée de captivité des lycéens (Mondou, 2006).

Malgré tout, les transports en commun souffrent d’une image négative (Kaufmann et al., 2004) si bien que dès que les jeunes le peuvent76, ils ont tendance à s’en affranchir. Leur usage est associé à un âge de la vie, les adolescents les emploient, ne pouvant faire autrement. Ils en sont relativement contents mais dès qu’ils le pourront, ils s’en échapperont. Il y a l’idée qu’accéder à la vie adulte, c’est se libérer de toutes les contraintes (de temps de trajet et de flexibilité : itinéraires, horaires).

2. L’importance prise par les navettes scolaires au cours de