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DES JEUNES DE QUARTIERS POPULAIRES « GHETTOÏSÉS » ?

3. LA SÉGRÉGATION URBAINE VUE PAR LES LYCÉENS DE VAULX-EN-VELIN LYCÉENS DE VAULX-EN-VELIN

3.1. La « ville » versus le « quartier »

L’a al se des e t etie s e s a e les l e s des deu ta lisse e ts a e à u premier résultat structurant : les adolescents se déplacent dans différents espaces urbains de l’agglo atio l o aise. Ils diff e ie t es espa es o seule e t pa leu localisation géographique, mais également dans la manière de les nommer et de les caractériser. Au-delà des noms affectés aux différents lieux de la ville qui sont souvent des noms issus des stations de métro et des quartiers, noms communément partagés, deux te es appa aisse t f ue e t da s les dis ou s des l e s : il s’agit des te es « ville » et « quartiers ».

Les discours recueillis auprès des lycéens de Vaulx-en-Velin laissent entrevoir une définition pa ti uli e de l’e p essio « e ille ». Le te e ’est pas e plo da s so usage le plus ou a t, ’est-à-di e des espa es ph si ues a a t is s pa u e e tai e de sit de l’ha itat et u o e d’ha ita ts elati e e t i po ta t. Il d sig e des pa ties sp ifi ues de l’espa e u ai , e pa ti ulie , pou les espa es ue les l e s f ue te t, des espa es de l’h pe -centre, et ce, de manière quasiment exclusive.

« Caluire-et-Cuire49 des fois j’ ais. Mais e ’est pas e ille ça. »

Soumaya, 2nde, lycée Doisneau, habitante de Vaulx-en-Velin (la Thibaudière)

49 Caluire-et-Cuire est une commune limitrophe de la ville de Lyon, elle fait partie de la Métropole et son tissu urbain est dans la continuité de celui de Lyon.

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Au lycée Récamier, les lycéens rencontrés utilisent ce terme pour désigner tout espace urbain (que ce soit Lyon où les communes périphériques), même si certains mobilisent ce terme comme synonyme de « centre- ille ». L’usage du te e « ille » pou d sig e le centre- ille d’u e o u e u ai e est ou a t. Cepe da t, hez les l e s de Vaul -en-Velin cela semble être lié à des représentations et des expériences urbaines singulières. La « ville » est souvent opposée au « quartier » dans les discours des jeunes. Cette opposition di hoto i ue le u appo t à l’espa e u ai sp ifi ue des adoles e ts et ota e t des adolescents vaudais.

Le terme « quartier » est également utilisé de manière récurrente dans les entretiens avec les adoles e ts de Dois eau. “elo le sujet de la o e satio et les jeu es ui l’e ploie t, le terme peut avoir différentes acceptions. Dans certains cas, il fait référence à une « partie

d’u e ille a a t e tai es a a t isti ues ou u e e tai e u it »50. Le plus souvent, le terme « quartier » fait référence aux différentes entités urbaines des communes périphériques populaires. À Vaulx-en-Velin, divers quartiers sont évoqués par les jeunes et si les li ites de ha u de es espa es ’o t pas t a o d es sp ifi ue e t, les dénominations reprennent en partie les divisions administratives de la ville. Ainsi, les quartiers du Mas du Taureau, de la Thibaudière, de la Grappinière, de la Tase, de La Soie et le Village sont autant de divisions urbaines vaudaises qui font sens pour les lycéens rencontrés, et plus largement pour les habitants de Vaulx-en-Velin51.

Le terme « quartier » est très fréquemment employé pour évoquer son propre espace résidentiel, il p e d alo s le se s d’ « environs immédiats, dans une ville, du lieu où on se

trouve et, en parti ulie , du lieu d’ha itatio »52.

« Vot e ille, ’est L o ou ’est Vaul ?

L o . Moi… Moi ua d… La plupa t du te ps je ais à L o pa e u’il a les agasi s et tout. Aussi o Ca de “oie ua d je ’ai pas le te ps, ais si je este aussi da s mon quartier à Vaulx-en-Velin et tout. »

Loubna, 2nde, lycée Doisneau, habitante de Vaulx-en-Velin (la Thibaudière)

50 Source : Dictionnaire Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/quartier/65536

51 Les habitants de Vaulx-en-Velin nomment parfois les différents quartiers de Vaulx-en-Velin avec des termes diff e ts des o s ad i ist atifs. Les l e s o t pa fois o u « les fa ’ » di i utif de fa elas ou e o e les « froms » pour désigner un quartier où des populations « blanches » habitaient il y a quelques décennies.

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Le te e « ua tie » lo s u’il fait f e e à leu p op e espa e side tiel est sou e t associé à une dimension affective forte.

« El as : à Vaul , ’est u e fa ille aussi. C’est u e fa ille, tu as dit ?

Elmas : ouais. Nous, quand on grandit dans u ua tie , e fi o est… A is : ’est t s o u autai e.

El as : C’est… O est… O g a dit tous e se le et tout. E fi là o e se pa le plus trop quand on grandit. Et quand on est petit, on descend dans le quartier, nos parents e s’i ui te t pas. O est e as de l’all e e fi … Moi des fois je estais jus u’à heu es ua d j’ tais petite, et a e, elle s’e foutait.

Anis : ouais le soir.

El as : pe da t le a ada , tout le o de est deho s, et tout. C’est… O sait ue… Notre espace entre nous. »

Anis et Elmas, TSITDD, lycée Doisneau, habitants de Vaulx-en-Velin (Vaulx La Soie et Mas du Taureau)

Vaulx-en-Veli est o sid o e u e se le de ua tie s. L’ide tit audaise est u e appa te a e fo te. Da s les ha ges e t e eu , l’atta he e t au quartier est également t s fo t. Pou u jeu e audais, d age da s u aut e ua tie , e s’il este à Vaul -en-Velin, est un évènement très marquant. Chaque quartier est différent et désigne une unité physique restreinte dans lequel les habitants inscrivent leur quotidien. L’i te o aissa e est u e a a t isti ue au e t e de l’e p ie e pa ti uli e ue les adoles e ts o ue t lo s u’ils d i e t le fait de g a di da s u ua tie de g a d ensemble53.

Employé de cette manière, le terme « quartier » est révélateur des enjeux sociaux qui caractérisent les communes particulièrement concernées par la ségrégation urbaine à l’i sta de Vaul -en-Velin. En effet :

53Lo s d’u e a he o e t e au sei de so ua tie , Mael ss ’e pli ue a, d o st atio à l’appui u’elle o ait des pe so es da s p es ue tous les âti e ts se so t ua tie s. Et pa i les o aissa es u’elle o ue, o eu so t des e es de sa fa ille.

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« Les ots de la ille pa ti ipe t à u jeu d’ ti uetage ou d’ ti uettes, selo la formule de Howard Becker) qui, en fixant, en ancrant au moins pour un temps-, ais a e e t de a i e ph e u e se le de sig ifi atio s d’o d e spatial et/ou social), classent des lieux et des groupes. » (Depaule, 2006 : 1)

Ainsi, le terme « quartier », issu du langage courant, prend une connotation péjorative lo s u’il ep e d le o a ulai e de la s g gatio et de la stig atisatio . Il fait alo s f e e aux espaces relégués des grandes villes, ces « banlieues » associées à des phénomènes de viole e u ai e, à u e g a de pau et et à l’i ig atio . Ai si, l’usage de e o a le fait écho au glissement sémantique qui a été opéré dans la presse depuis la fin des années 1980 ainsi que dans le langage officiel des politiques de la ville où il a constitué le noyau dur de di e ses e p essio s euph isa tes telles u’ « opération de développement social des quartiers » (DSQ) (Topalov, 2013).

Pourtant, dans les discours des lycéens rencontrés, le terme « quartier » est à nouveau détourné de ce dernier usage. E effet, s’il fait f e e à u o te te sp ifi ue, elui des communes périphériques défavorisées souvent caractérisées par un urbanisme de grand e se le, le « ua tie » est a a t tout u espa e u ai fa ilie , d’i te o aissa e et de solidarité. Les éléments de langage mobilisés par les lycéens de Vaulx-en-Velin reprennent les ots de la stig atisatio u ai e sa s u’il soit toujou s ide t de sa oi si les te es ont une connotation positive ou négative.

Il ’e a pas de e a e les élèves du lycée Juliette Récamier ou la mobilisation du langage de la stigmatisation urbaine est davantage présente. En effet, si les lycéens de R a ie ’ o ue t pas tous les « ua tie s hauds » des p iph ies, eu ui l’ o ue t le font toujours de manière péjorative et généralement pour évoquer la délinquance ju ile. Les aleu s positi es, telles ue la solida it , ’o t pas t o u es da s les entretiens.

Ces premiers éléments de langage expriment donc la dichotomie entre « ville » et « quartier », récurrente dans les discours des lycéens de Vaulx-en-Velin. Cette vision dichotomique de la ille s’a o pag e d’u appo t a i ale t à la stig atisatio u ai e a i ale t.

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