• Aucun résultat trouvé

Le délire : la dimension culturelle des styles de vie

LE LYCÉE COMME MICROCOSME

2. LES OPTIONS RARES À DOISNEAU : UNE ALTERITÉ FORTE ALTERITÉ FORTE

2.2.2. Le délire : la dimension culturelle des styles de vie

Au cours des entretiens, les éléments de discours où les lycéens semblaient identifier un groupe ou des individus différents étaient directement questionnés. Formuler la différence et la caractériser est souvent apparu comme un exercice difficile pour les lycéens de Doisneau. Une expression générique a été utilisée par la majorité des lycéens : « e ’est pas le même délire » fût l’a gu e t le plus sou e t is e a a t, faisa t e ti e e t se s pou les l e s. L’id e de « délire », e p essio ele a t de l’a got adoles e t, recouvre des aspects divers dont la caractérisation passe pa u e su essio d’e e ples th ati ues. Le terme « délire », dont « mentalité » est souvent utilisé comme synonyme, fait référence à différentes dimensions : il désigne à la fois le style vestimentaire, la manière de parler, de pe se , l’hu ou , les fo es de lie s so iau t e plus ou oi s solidai e , la a i e de g e les o flits, le appo t à la se ualit , les loisi s ou e o e la a i e de s’a use et de faire la fête. Ce terme et les di e sio s u’il e ou e o stitue t do le œu de la ise en altérité.

Ce te e est o ilis de a i e si ilai e pa les l e s pou e pli ue la diff e e u’ils pe çoi e t d’u e pa t, e t e eu et les i assie s et pa fois les footeuses , et d’aut es pa t, entre eux et les « froms ». Les « froms » sont perçus comme différents parce que leurs ressources financières, leur éducation, leur environnement urbain engendre un « délire » différents. Les circassiens sont différents parce que leur style vestimentaire, leurs centres d’i t ts les fo t i e da s u e aut e « délire ». La ise à dista e s’effe tue de la e manière dans les deux cas, mais les caractéristiques associées au groupe mis à distance diffèrent. Quand les lycéens parlent des « froms », ils les décrivent comme des « bourgeois », des « blancs » du centre- ille de L o . Pou d i e les i assie s, ’est le fait u’ils fasse t du cirque et dans une moindre mesure u’ils ne soient pas vaudais139 qui est déterminant. Les l e s ’o t do au u l e t su le ilieu d’o igi e des i assie s. “a s doute, les tenues vestimentaires des circassiens font que les lycéens de Vaulx-en-Velin ne les associent pas aux « bourgeois » de L o . Et d’ailleu s, peu ie e t de L o puis u’ils so t inte es pou la plupa t d’e t e eu . E fi , au u p o essus d’eth i isatio ’a t o se dans les discours. Les expériences vécues au sein du lycée diffèrent des expériences de l’alt it ues e deho s de elui-ci et ne semblent pas être mises en regard par les lycéens. Cette idée de « délire » est gale e t o u e pa les l e s de l’ ta lisse e t Juliette R a ie e o t s. Au sei de et ta lisse e t l o ais, il ’est pas appa u de g oupe spécifique engendrant une mise en altérité importante. Toutefois, certains lycéens ont o u , de a i e plus diffuse, l’e iste e de st les de vie différents, ce qui pouvait limiter l’ ta lisse e t de lie s a i au .

193

« Non, enfin je lui en avais parlé et tout, mais elle avait dit que si la proviseure, genre elle ne voulait pas, elle pourrait lui parler. Et du coup, ça ’est fait et j’ tais e seconde 3, maintenant je suis en seconde et f a he e t ’est ool.

D’a o d, tu t’es fait des ou eau a is depuis ?

Ca d pe d, pa e u’e fait, es potes, ’est pas trop trop mon délire ici. C’est-à-di e, u’est-ce que tu entends par délire ?

E fi , je ’e te ds ie a e les pe so es, ais ge e, il doit e a oi deu ue je vois en dehors.

OK, et d li e ’est uoi ?

D li e…je sais pas, o a di e ’est …eu aussi, ils ie e t d’aut es ta lisse e ts, ce ’est pas t op la e hose.

Et ’est uoi les diff e es ? Ils ie e t d’où et ’est uoi les diff e es ?

Je sais pas, j’a ais l’i p essio de fai e u o e uat i e. Pa e u’ils taie t u peu….e fi o a di e ’ tait pas t op la e hose, ous o ’ tait pas t op pa eil en troisième mais ça va sinon.

Concrètement tu as des exemples de choses qui te font dire ça ?

Ils sortent jamais, mais après, ils habitent tous loin, genre ils prennent des trains et tout. Je sais pas, ils so t e fe s, ge e ils taie t u peu adi s et tout…e fi ’ tait iza e, ous ’ tait pas t op o e ça au oll ge, ais du oup ça a, o s’ fait, o s’ha itue o a di e.

Et ai te a t …?

Maintenant ça va, genre tout le monde se connait, tout le monde voit, même moi je change, eux ils changent aussi selon les personnes donc ça va. »

Hamid, 2nd, lycée Récamier, habitant de Lyon (Perrache)

Il apparaît, d’ap s e l e e lasse de se o de, ue les ta lisse e ts d’o igi e, et au-delà, les origines urbaines ont une influence sur les a i es d’ t e des adoles e ts et leu s habitudes. Cette différence de « délire » a été évoquée par des jeunes habitants en centre-ville de Lyon, à l’i sta de Ha id, ou des jeunes habitants des communes périphériques

ota e t Fe zi . Toutefois, la dista e ’est pas aussi i po ta te ue elle pe çue pa les lycéens de Vaulx-en-Velin à propos des circassiens par exemple. Surtout, cette différence est dépassée au fur et à mesure que les réseau a i au s’ la gisse t.

L’id e de « délire » ’est pas ou elle, elle a d jà t e tio e da s diff e ts t a au su les jeu es de es ua tie s. Pa i d’aut es, ito s l’ou age de “t pha e Beaud et You es

194

Amrani où ce « jeune de cité » rapporte que la manière de faire la fête constitue une « des principales coupures qui existent avec les autres » (Beaud & Amrani, 2005 :113). Dans la même optique, Fabien Truong évoquera la « fracture sociale » que peuvent constituer les différentes manières de faire la fête, notamment entre les jeunes issus des quartiers populaires périphériques et les jeunes de centre-ville (Truong, 2015).

Toutefois, si les différences de « délire » fondent la mise en altérité de certains autres g oupes so iau , il s’agit i i d’u e te da e g ale ui ’est pas effective pour tous les lycéens. En effet, cela a été montré précédemment, les mises en altérité se font selon des deg s a i s. Pa ailleu s, si l’ide tit audaise se le o stitue u pa a t e i po ta t, elle ne conditionne pas tous les adolecents de la même manière.

Les p opos de l’adoles e te circassienne précédemment cités amènent à la question des rapports de genre au sein du lycée Doisneau. Comme nous allons le voir, un fort contrôle social est exercé sur les jeunes filles au sei de l’ ta lisse e t à t a e s les o e tai es que leurs vêtements suscitent. Les catégories genrées, femmes et hommes, sont largement i t g es et o ilis es pa les adoles e ts da s leu ide tit et da s l’ide tifi atio d’aut ui. Cet aspect doit do essai e e t t e p is e o pte da s l’e p ie e de l’alt it au lycée.

195