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Les « jeunes de banlieue » : un stigmate médiatique

DES JEUNES DE QUARTIERS POPULAIRES « GHETTOÏSÉS » ?

2. LES CONSÉQUENCES URBAINES ET SOCIALES DE LA SÉGRÉGATION DE LA SÉGRÉGATION

2.4. Les « jeunes de banlieue » : un stigmate médiatique

La stig atisatio l e pa l’e p essio « jeu e de a lieue » est pa ticulièrement importante envers les adolescents des quartiers populaires périphériques. Cette expression désigne de manière générique les adolescents de ces quartiers, qui sont ainsi associés à la d li ua e da s l’i agi ai e olle tif f a çais. Ce st ot pe est loin de correspondre à la alit o posite de la jeu esse des ua tie s dits « diffi iles », ais la sph e diati ue a

48 Et e d’auta t plus ue l’ou age, pu li au Editio s Ro e t Laffo t ise u la ge pu li e deho s de la sphère scientifique.

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fortement alimenté et perpétué cette représentation à travers un discours sensationnaliste et dramatisant, surtout lors des révoltes sociales des années 1980, 1990 et 2005.

Le st ot pe est a al s pa les he heu s e s ie es so iales à l’i sta de Ma o O e ti et Ed o d P te eille ui appelle t ue da s les dias, « jeu e de a lieue » est de e u synonyme de : « jeune issu de l’i ig atio agh i e ou af i ai e, sida t da s u e it de loge e t so ial de e ue u ghetto, e situatio d’ he s olai e et au o po te e t d ia t e s la iole e, le t afi de d ogue, oi e le te o is e dijihadiste ! » (Oberti &

Préteceille, 2016 : 8). Le rapprochement entre ces adolescents et le terrorisme est relativement récent. Cet aspect est également mis en avant par Thomas Guénolé. De manière plus virulente, dans son essai Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ?, le politologue ep e d l’e se le des a a t isti ues ui so t asso i es à la jeu esse des ua tie s populai es d fa o is s. “i l’ou age p o de da a tage de l’essai ue d’u ou age s ie tifi ue au se s p op e, il est i t essa t e e u’il pe et de d o st ui e ce mythe véhiculé par la sphère médiatique. Le traitement médiatique et politique de ces jeunes p o de d’u e ita le « alia opho ie »:

« Le « jeu e de a lieue », u pa les alia opho es ’est u A a e al as de 13- a s tus d’u su te e t à capuche. Il se promène avec un cocktail Moloto da s u e ai et u outeau à a d’a t da s l’aut e. Il fu e du shit da s les ages d’as e seu . Il ûle des oitu es. Il gag e sa ie g â e à des t afi s et en fraudant les allocations sociales. Sa sexualité consiste à violer les filles en a de da s des a es ; sa spi itualit , à oute les p hes djihadistes de l’« islam-des- a lieues», da s des a es gale e t. Il hait la F a e, l’o d e et ie sû , il d teste les F a çais o p e d e : « les Blancs»). Il aime le djihad et l’isla is e. “o e : pa ti e “ ie se att e au ôt s d’Al Qaïda ou de Dae h, pour ensuite revenir en France commettre des attentats » Gu ol ,  :  

Pou ali e te so p opos, Tho as Gu ol s’appuie à la fois su une enquête scientifique, un ensemble de données chiffrées permettant de déconstruire les représentations ainsi que su di e s fil s f a çais et dis ou s de figu es diati ues. De la so te, l’auteu d it la a i e do t se o st uit et s’ali e te e st ot pe. Il o t e ai si ue ’est à t a e s la g alisatio d’u e alit a gi ale la ge e t ela e pa e tai s dito ialistes et les g a ds dias u’u e ajo it des f a çais % de la populatio f a çaise d’ap s u so dage de l’AFEV ue T. Gu olé reprend) a une image négative des adolescents des quartiers populaires périphériques.

De e, pou G go De ille, la stig atisatio des « jeu es de a lieue » p o de d’u e dou le o st u tio , diati ue et politi ue, de l’i age d’u e f a tio de la jeunesse des « g a ds e se les » De ille, . Ces deu e teu s so t i te d pe da ts. Les dias

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f a çais o st uise t u e i age d fo e des e e ts so iau u’ils o se e t au uotidie . L’auteu ote ue « la tendance générale des médias est au rapprochement,

i pli ite ou e pli ite, e t e les " jeu es de a lieue " et e tai s " p o l es so iau  " o e la délinquance, la violence et la drogue » De ille,  : . Cette stig atisatio p o de de l’usage pa les dias de deu at go ies du t i es : elles de « jeu es » et de la «  a lieue ». Da s u as o e da s l’aut e, l’e ploi de es at go ies do e u e isio ho og e d’u e situatio u ai e ou d’u g oupe so ial au d t i e t de la o ple it et de la diversité observable dans les faits. Le traitement médiatique des quartiers populaires de g a ds e se les est d’auta t plus d fo a t u’il se fo alise esse tielle e t su les e e ts ui s’ a te t de la «  o alit  » et e pa ti ulie les e e ts d a ati ues (Derville, 1  : . Au-delà d’u e isi ilisatio pa tielle de la alit de es ua tie s, la manière même dont sont commentés les faits est orientée et stéréotypée (Derville, 1997). Ainsi, la violence et le trafic de drogue sont généralement mis en avant quand il s’agit d’ o ue les a lieues populai es des g a ds e se les et e e e deho s des émeutes urbaines. Un autre stéréotype évoqué par Grégory Derville est celui de la o positio de la populatio de es ua tie s populai es ui se ait toute d’o igi e immigrée pa ti uli e e t «  agh i e » et ui efuse ait de s’i t g e De ille,  : . Le traitement médiatique des violences urbaines, souvent appelées « émeutes urbaines », a largement participé de la stigmatisation de ces jeunes et a favoris leu asso iatio à l’id e de violence. Les différents épisodes de violences urbaines, par le traitement médiatique, mais aussi politique qui en a été fait, ont focalisé les discours autour de la recherche des «  oupa les » de es a tes et justifi u « dis ou s s u itai e » Beaud & Pialou ,  : . Les violences sont alors associées à la déviance de quelques adolescents et jeunes adultes sa s ue les p o essus so iau à l’o igi e de es iole es e soie t elle e t i te og s dans les discours politiques et médiatiques.

Dans son ouvrage La banlieue du 20 heures, Jérôme Berthaut montre que le traitement médiatique qui est fait de la jeunesse de ces quartiers ne tient pas seulement aux préjugés politiques quant à ces quartiers (Berthaut, 2013). En effet, à travers un ensemble d’o se atio s eth og aphi ues, le so iologue des dias a al se la a i e do t l’o ga isatio du t a ail au sei des da tio s, e pa ti ulie elles du jou al t l is du heures, participe de cette construction stigmatisante.

« […] le appo t p ati ue des jou alistes à la a lieue e te due i i o e u e at go ie op atoi e e ta t u’elle se t au p o essus de p odu tio se o st uit à t a e s l’i i atio fi e de diff e tes fo es de so ialisatio au tie et cont i ue ai si à la p e isatio et à l’a tualisatio des fo es o te po ai es de traitements médiatiques des quartiers populaires. » Be thaut,  :

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Ainsi, les priorités éditoriales, les habitus professionnels de ces corps de métiers et les o es i pos es pa la hi a hie so t auta t d’ l e ts ui i ite t les jou alistes de terrain à produire une certaine forme de reportage. De plus, l’audie e e ge d e pa les reportages sensationnalistes encourage la sphère médiatique à alimenter ce stéréotype. Ainsi, le stéréotype du « jeune de banlieue » tel u’il s’est p og essi e e t o stitu au sei de la sphère médiatique et politique constitue un réel stigmate pour une jeunesse qui ne se réduit pas à la marginalité décrite. Assimilés à la délinquance, la violence, au trafic de drogue et aujou d’hui au te o is e, les adoles e ts des ua tie s populai es p iph i ues d jà défavorisés, voient leurs difficultés se renforcer.

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3. LA SÉGRÉGATION URBAINE VUE PAR LES