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Une hiérarchisation des catégories : la domination

1. UN RETOURNEMENT DU STIGMATE CONTRE LES « FROMS » LES « FROMS »

1.2. Une hiérarchisation des catégories : la domination

1.2.1. Une domination ethnicisée

La pe eptio du o de so ial ui se d gage de l’a al se des dis ou s des l e s de Vaul -en-Velin se développe sur des rapports de domination entre les différents groupes sociaux. En particulier, la rhétorique que les lycéens de Vaulx-en-Velin mobilisent pour exprimer les différences entre les groupes sociaux fait régulièrement référence au colonialisme. Certains l e ts de dis ou s atteste t d’u e i t g atio d’u dis ou s a iste p se t da s l’espa e public, o e le o t e l’ ha ge a e es deu l e es.

« Et du coup si vous deviez décrire ou caractériser Vaulx-en-Veli à uel u’u ui ne o aît pas du tout, u’est-ce que vous diriez ?

Asma : C’est u e d oit ui est ag a le. Qui est ou e t… Ou e t au… Qui est a essi le au… a essi le au este. Bo ap s ’est ai u’il a… Il a… Yamina : E plus ’est u e i it e fait.

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Asma : Voilà. Il a du ie et du… f a he e t da s ette ille, il a du ie et du al. Mais… ap s ’est ai ue il a… o e t di e… Il a eau oup d’A a es. C’est le as.

Ça fait partie du mal ça ? De la façon dont tu me le dis. Asma : Non. Non. Non. No , ais…

Je ne sais pas ’est la faço do t tu le dis ui do e ette i p essio .

Asma : No . No . Moi pe so elle e t au o t ai e je le suis de toute faço do … Mais il a eau oup de ge s ui… Qui ’ai e t pas les A a es, ou… Pa e ue oilà les Arabes, ’est des sau ages. Ou je e sais pas.

Yamina : En fait ils y a trop de stéréotypes. Il y a trop de stéréotypes. Asma : E fait je pe se ue ’est pou ça ue la… Que Vaul -en-Veli ’est st ot p , pa e u’il a eau oup d’A a es. Et les A a es ’est des sauvages do … »

Yamina et Asma, 1èreS, lycée Doisneau, habitantes de Vaulx-en-Velin

Pour ces deux adolescentes, la diversité des origines est vécue positivement au sein de la commune, mais constitue un stigmate en dehors de celle-ci. Des termes tels que « animaux » et « sauvage77 » pour parler des vaudais ainsi que « civilisé »78 pour évoquer des « froms » est courant dans le langage quotidien des adolescents de Vaulx-en-Velin rencontrés79. Cela atteste de la violence symbolique perçue.

1.2.2. Une domination renforcée par la hiérarchie scolaire

Le rapport des lycéens de Doisneau à leur établissement scolaire permet de mettre en lu i e les hi a hies de pe eptio s du o de so ial des l e s. L’ide tit l e e dépasse le cadre même du lycée où les adolescents sont scolarisés. Etre au lycée, devoir passe le a alau at, fl hi à l’o ie tatio s olai e, et ., o stitue t auta t d’e p ie es o u es à l’e se le des l e s. Ces e p ie es so t li es et pa tielle e t o ditio es pa l’ ta lissement dans lequel sont scolarisés les adolescents.

77 Rappelons que le terme « sauvageons » a été employé par Jean-Pierre Chevènement en 1999 à propos des i eu s ulti idi istes alo s u’il tait i ist e de l’I t ieu . Le e te e a gale e t t e plo pa Be a d Caze eu e e , alo s u’il tait gale e t i ist e de l’I t ieu , pou d sig e des i di idus ui ont attaqués des policiers.

78Nous au o s l’o asio d’illust e

79 Cette opposition en les « civilisés » et les « sauvages » fait écho le lexique mobilisé dans la littérature coloniale du début du XXème siècle pour justifier la colonisation française (Costantini, 2008).

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Le parcours scolaire des lycéens et les choix qui leur avaient été offerts lors du passage au lycée ont été évoqués avec les adolescents des deux lycées. Pour les collégiens vaudais, le lycée Doisneau est le seul lycée de secteur auquel ils peuvent prétendre. Toutefois, plusieurs d’e t e eu se so t us e ou ag s pa les p ofesseu s du oll ge à se tou e e s u l e de L o afi d’ ite le l e Dois eau.

« D’a o d. Pa e ue ua d ous tes au oll ge o ous p opose d’alle à A père ou au Parc ?

Soumaya : Ils nous poussent. Elga : Oui. Ils ous pousse t…

Soumaya : E fi ot e p of pa e u’o tait e lasse eu op e e. Do elle ous poussait.

Elga : Et on avait de bonnes moyennes.

Soumaya : Elle nous disait : vous avez les capacités. Vous pouvez aller. D’a o d. Et ils ous dise t uoi o te e t ?

Elga : Ils ous dise t ue, ua d o peut ise plus haut ’est ieu de… D’alle plus loi . Ce ’est pas g a e, les dista es et tout ais…

Et pourquoi « viser plus haut » ?

Soumaya : Pa e u’o ie t de Vaul -en-Veli d jà do …

Elga : Pou p ou e ue e si o ie t d’u … D’u ua tie ou d’u e ille, ui ’a pas une très bonne réputation, on peut réussir.

Soumaya : Pa e ue Dois eau d jà, il ’est pas t s ie … E fi ua d o dit u’o est de Dois eau, ’est… Ils e pe se t pas ue ’est u o l e. Alo s ue je suis d’a o d pa e ue les se o des, ot e p of, il ous a dit u’o est pa i les… O est les pi es se o des de l’a ad ie l o aise. Mais il nous a que en première et en te i ale, les p ofs, ils a i e t à ous fai e t a aille , ais si o oi je suis d’a o d

u’e se o de ’est u peu ’i po te uoi.

Elga : Pa e ue u ue ’est le l e de se teu , tout le o de ie t, e eu qui o t des… Des t s asses o e es. »

Elga et Soumaya, 2nd, lycée Doisneau habitantes de Vaulx-en-Velin (centre-ville quartier la Thibaudière)

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Le lexique mobilisé ici met en avant la hiérarchie des valeurs accordées aux différents établissements par les p ofesseu s ui o t o seill au jeu es filles d’alle da s u l e lyonnais. Ce type de propos engendre une réflexion au sein de la famille et pour les adolescents. Implicitement, il leur est proposé de choisir entre leur carrière scolaire et leurs amis. Elga a été encouragée par ses parents à aller dans un lycée à Lyon, tandis que Soumaya a été encouragée à rester à Doisneau pour éviter de trop longs trajets. Le discours institutionnel et les « on-dit » sur les différents lycées sont intégrés par les adolescentes et ont des répercussions sur leurs représentations des autres lycéens. Cela influence également l’i age u’elles se fo t de leu p op e ta lisse e t.

« Alo s ue ’est le e a do je e sais pas, j’ai l’i p essio ue e si o réussit notre bac bien ici, bah on sera toujours en dessous des gens du Parc ou d’A p e, ais ça je e sais pas. »

Elga, 2nd, lycée Doisneau, habitante de Vaulx-en-Velin (centre-ville)

Dans le discours des lycéens de Doisneau, il est frappant de constater la manière dont les discours négatifs à propos de leur « lycée de banlieue » ont été intégrés, et ce, même dans les fili es les plus alo is es. Co e l’e pli ue t Du et et Ma tu elli :

« Les nouveaux lycéens80 sont dans une situation paradoxale. Dans leur famille, ils so t sou e t la p e i e g atio à s’e gage da s des tudes se o dai es lo gues et à s’i s i e pa -là dans un projet de mobilité. Mais, dans le cadre scolaire, ils se retrouvent en bas de la hiérarchie des filières générales et dans les filières techniques. » (Dubet & Martuccelli, 1996 :258).

À t a e s la lo alisatio du l e, ’est le stig ate po t pa la ille de Vaul -en-Velin qui émerge. La dépréciation des performances scolaires des élèves de Doisneau est réitérée au sein même de l’ ta lisse e t. D’ap s les l es, il se le ue e tai s p ofesseu s véhiculent régulièrement un discours sur la faiblesse de leur niveau scolaire vis-à-vis des aut es ta lisse e ts de l’a ad ie. Pou les p ofesseu s ue ous a o s e o t s, le discours ne vise pourtant pas à stigmatiser les élèves. Si les professeurs constatent le faible niveau scolaire des élèves des classes de seconde, il y a en parallèle une revalorisation des l es ui f a hisse t le ap de e i eau. L’o je tif pou e tai s p ofesseu s se le d’ t e de motiver les élèves et de leur faire prendre conscience de leurs lacunes pour les encourager à progresser.

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Les dis ou s e o s au sei de l’i stitutio s olai e, ais aussi e deho s ais à p opos de l’i stitutio a e tue t l’i t g atio des hi a hies so iales. Toutefois, tous les l e s rencontrés ne se positionnent pas de la même façon face à cette stigmatisation. Les hiérarchies entre les établissements scolaires constituent un des aspects stigmatisants auxquels les adolescents de Vaulx-en-Velin sont confrontés. Les rapports de domination qui s’ ta lisse t e t e eu et les « froms » so t e t ete us pa l’i stitutio s olai e.