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2.3 UN SERVICE COMMUN D’ANIMATION SPIRITUELLE ET

2.3.2 La vie spirituelle

Pour le MEQ, « la vie spirituelle est une démarche individuelle située dans une collectivité, qui s’enracine dans les questions fondamentales du sens de la vie et qui tend vers la construction d’une vision de l’existence cohérente et mobilisatrice, en constante

évolution »79. Les derniers termes de cette définition, en particulier, laissent transparaître

77 SAR-DASSC, Pour approfondir sa vie intérieure et changer le monde, p. 5. 78 Ibid., p. 6.

79 Ibid., pp. 7 et 23.

combien, pour le MEQ, sont valorisées les recherches, les « quêtes de sens » des élèves et non la découverte d’une réponse à celles-ci.

Également, on peut se questionner sur la signification de la première partie de la définition qui spécifie que la démarche individuelle du jeune est située dans une collectivité. Quel sens doit-on donner ici aux termes « située dans une collectivité » ? Est-ce l’appartenance religieuse ? L’inscription administrative, ou plus engagée, dans une communauté de quartier ? La famille ? La société ? Tout cela ? Dans tous les cas, l’intitulé est problématique. Pourtant, cette inscription ou non dans une communauté est un point très important car les AVSEC doivent « accompagner » les élèves et leur montrer les travers, les fossés à éviter tout au long de leur quête spirituelle. Ainsi, en plus de ne pas froisser les parents catholiques pratiquants, de ne pas effrayer les laïcistes militants et d’intéresser les jeunes, les AVSEC doivent respecter ce Cadre fixé par l’État et qui place l’accompagnement du jeune dans sa quête spirituelle comme le centre de leur travail. Or, pour accompagner, animateurs et animatrices doivent se poser la question – et dans une certaine mesure y répondre – de ce qu’est la « bonne religion », celle que l’on pourrait dire universellement acceptable80, ne serait-ce que pour fixer les garde-fous au bord de la route empruntée par le jeune.

On a vu précédemment, dans le document d’orientation ministériel, combien le ministère de l’Éducation du Québec perçoit appartenance religieuse et vie spirituelle comme deux réalités distinctes, et tend à privilégier le second concept lorsqu’il est question de faire grandir les élèves et de les intégrer à la société. On retrouve dans le Cadre cette distinction, plus largement développée. En effet, refusant de s’insérer dans la promotion d’une religion figée, d’une philosophie particulière ou autre, le Cadre ministériel met de l’avant pour les jeunes la dimension spirituelle et sa « constante évolution ». Bien que justifiée par la volonté de laisser le champ religieux disponible aux religions, la présente volonté de promouvoir ce type particulier de religieux – la quête et le refus de la réponse définitive plutôt que, par exemple, l’adhésion définitive à un groupe – pose question.

En fait, cette préférence pour le « religieux individuel en constante évolution » s’explique en grande partie si l’on s’intéresse aux fondements théoriques du Cadre ministériel. En effet, cette emphase n’était pas si forte dans le document d’orientation ministériel de M. François Legault : les confessions religieuses y occupaient une place beaucoup plus importante que dans le Cadre ministériel. Dans le Document d’orientation de M. Legault, rappelons-le, il était notamment question pour l’animateur « d’offrir une variété d’activités à caractère […] interconfessionnel ou confessionnel »81. Or, dans le Cadre ministériel, ce type d’activités doit être exceptionnel et surtout ne pas viser la croissance de la foi des élèves mais le dialogue entre les communautés de croyances82. Ici, les auteurs cités plus haut – Jacques Languirand, Jean-Luc Hétu ou Jean-Claude Breton – ont sans doute influencé la conception théorique d’une spiritualité neutre, sans affiliation religieuse et qui participe d’une évolution perpétuelle. Ce n’est pas le contenu de la spiritualité qui importe ici, mais ses fonctions mobilisatrices et surtout son caractère universel : on retrouve la dimension spirituelle chez tous les êtres humains. Cela peut donc les réunir autour d’actions communes, et ce, dans une même société. Ce qui rassemble les religions, c’est la vie spirituelle et la fonction de cette dernière est de réunir les élèves, de leur montrer ce qu’ils ont de commun.

C’est le vivre ensemble qui prime dès lors sur l’affermissement des croyances. Cette tendance était déjà présente, énoncée en principes, dans le Document d’orientation de M. Legault ainsi que dans le rapport Proulx, mais elle trouve ici un lieu précis de mise en pratique. Concrètement donc, cela signifie que le nouveau service doit viser le vivre- ensemble, la cohésion sociale et le développement spirituel mais individuel de l’élève :

Tout en étant partie intégrante des programmes de services complémentaires, le service d’animation spirituelle et d’engagement communautaire possède un but qui lui est propre, soit :

80 Sur ce sujet, les liens entre vie spirituelle et engagement communautaire dans le Cadre ministériel (p. 7) sont

fort révélateurs de cette volonté de mettre de l’avant le souhait de l’UNESCO de formuler une « éthique universelle ».

81 Legault, Dans les écoles publiques du Québec, p. 15.

82 SAR-DASSC, Pour approfondir sa vie intérieure et changer le monde, p. 18.

- favoriser, chez les élèves, le développement d’une vie spirituelle autonome et

responsable et leur contribution à l’édification d’une société harmonieuse et solidaire.

Les objectifs que le service propose aux élèves sont les suivants :

- vivre des situations de réflexion et d’expérimentation qui les aideront à faire librement des progrès dans leur vie spirituelle ;

- s’engager dans des projets personnels et collectifs susceptibles d’améliorer leur milieu et la société ;

- construire des liens entre leur vie spirituelle et leur engagement communautaire en vue d’une plus grande cohérence personnelle et sociale.83

Il est certain que le Cadre n’interdit pas les activités qui reconnaissent les appartenances religieuses. Toutefois, par sa volonté de se différencier de l’animation pastorale, le nouveau service présenté dans ce document apparaît clairement concerné uniquement par « la vie spirituelle en dehors d’une confession religieuse »84. Cette vie spirituelle est donc centrée sur l’élève et son appartenance à une société à laquelle il doit participer directement, sans l’intermédiaire d’une communauté et sans référence transcendantale affichée.