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1.2 DEPUIS LE RAPPORT PARENT : MOINS DE RELIGION(S) À L’ÉCOLE

1.2.1 Le rapport Parent : pour une prise en main de l’éducation par un État

1.2.1.1 Les recommandations de la Commission Parent et le bill 60

Cette commission, présidée par Mgr Alphonse-Marie Parent, vice-recteur de l’Université Laval, est composée de personnalités du monde éducatif, économique, journalistique et religieux16.

Elle se veut « un corps public émanant du pouvoir politique »17, ce dernier se devant d’être neutre religieusement, aux yeux des membres de la commission :

12 Dufour, Histoire de l’éducation au Québec, p. 85.

13 Commission royale, Rapport sur l’enseignement, tome 1, 1963.

14 Voir sur ce thème Claude Corbo et Jean-Pierre Couture, Repenser l’école : une anthologie des débats sur

l’éducation au Québec de 1945 au rapport Parent, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, Coll. « PUM-

CORPUS », 2000.

15 Loi instituant une commission royale d’enquête sur l’enseignement (9-10 Elizabeth II, ch. 25). Loi adoptée le 28

février 1961 et sanctionnée le 24 mars 1961 ; cité dans Commission royale, Rapport sur l’enseignement, tome 1, 1963, p. xiii.

16 Catholique en fait, aucun représentant des communautés protestantes ne siégeant sur ce Comité. 17 Commission royale, Rapport sur l’enseignement, tome 4, 1966, n. 48, p. 30.

Tout comme l’État doit le faire, notre commission s’est efforcée de comprendre et de respecter les conceptions des différentes Églises et de tous les citoyens en matière scolaire ; il n’était cependant pas de son ressort d’en adopter une plutôt qu’une autre.18

Selon la Commission, l’objectif premier de l’éducation est la « [p]réparation à la vie en société »19. Pour réaliser ce projet, « [l]es écoles du Québec doivent donc être accessibles à chaque enfant, sans distinction de croyance, d’origine raciale, de culture, de milieu social, d’âge, de sexe, de santé physique ou mentale »20.

Neutralité des structures du système d’éducation

Pour les commissaires, le système d’éducation québécois doit former des citoyens ; faire en sorte que ceux-ci soient capables d’exercer les métiers les plus modernes ; et que, seulement si les parents le désirent, l’éducation de leurs enfants soit religieuse.

Comme son mandat le spécifie, la Commission rend ses avis rapidement. Les premiers tomes du rapport paraissent en 1963 et, en ce qui concerne les structures supérieures du système scolaire, la Commission formule trois recommandations :

(1) Nous recommandons la nomination d’un ministre de l’éducation dont la fonction sera de promouvoir et de coordonner l’enseignement à tous les degrés, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

(2) Nous recommandons la création d’un conseil supérieur de l’éducation dont la fonction sera d’agir auprès du ministre à titre consultatif.

(3) Nous recommandons que le conseil supérieur de l’éducation fonctionne de façon unifiée.21

18 Ibid.

19 Commission royale, Rapport sur l’enseignement, tome 1, 1963, n. 118, p. 84. 20 Ibid., n. 116, p. 83.

21 Ibid., n. 143, p. 96.

Le bill 60, qui reprend ces recommandations, est présenté en juin 1963. Les évêques, et en particulier le cardinal Paul-Émile Léger, s’opposent à cette structure et même Jean Lesage se déclare tout d’abord hostile à son adoption. Pourtant, après une tournée de la province pendant laquelle Église et gouvernement s’opposent sans réelle écoute de la population22, d’importantes modifications sont apportées et le projet de loi est sanctionné le 19 mars et promulgué le 13 mai 1964.

Il s’agit réellement d’un changement de stratégie de la part du gouvernement québécois. En effet, parce qu’il veut gérer de manière efficace le système d’éducation, il s’oppose à l’Église et récupère une partie des prérogatives qu’il avait totalement délaissées depuis presque 90 ans.

Concrètement, si la Loi 60 maintient l’enseignement chrétien, l’organisation et la gestion du système scolaire ne sont désormais plus du ressort des Églises. Cette loi institue le ministère de l’Éducation – qui est confié à Paul Gérin-Lajoie – et le Conseil supérieur de l’éducation, qui est chargé de conseiller et d’aider le ministère. Ce Conseil est composé de 24 membres nommés par le gouvernement, après consultation des évêques et des associations représentant le milieu scolaire. À ce Conseil supérieur de l’éducation sont rattachés les Comités catholique et protestant – qui dépendaient jusqu’alors du Conseil de l’instruction publique – et deux sous-ministères sont également créés (un responsable des écoles catholiques et l’autre des écoles protestantes), et placés sous l’autorité du ministre de l’Éducation.

22 Léon Dion, Le bill 60 et la société québécoise, Montréal, HMH, Coll. « Aujourd’hui », 1967 ; cité dans Pierre

W. Bélanger et Guy Rocher (éd.), École et société au Québec, éléments d’une sociologie de l’éducation, Lasalle (Qc), Hurtubise HMH, 1975, p. 311.

Une confessionnalité réduite à l’enseignement religieux

Les commissaires recommandaient également l’instauration d’une confessionnalité large dans les écoles, c’est-à-dire un système où l’enseignement religieux est bien distinct du reste des matières et duquel les élèves qui le désirent peuvent être exemptés23 :

Nous recommandons que le système d’enseignement public du Québec respecte la diversité des options religieuses des parents et des élèves et offre le choix entre un enseignement catholique, un enseignement protestant et un enseignement non-confessionnel, dans la mesure où la qualité de l’enseignement pourront [sic] être respectées [sic] dans chaque cas.

Nous recommandons que l’école publique non-confessionnelle offre un ou plusieurs cours de religion, répondant aux convictions religieuses des enfants qui la fréquentent et un enseignement moral à l’intention des enfants n’optant pour aucun cours de religion.

Nous recommandons que l’école élémentaire confessionnelle qui accueille des élèves n’appartenant pas à la religion à laquelle elle se rattache s’assure que l’enseignement et l’organisation de la vie ne blessent pas la conscience de ces élèves, et qu’elle leur offre, si c’est possible, un enseignement religieux approprié ou un enseignement moral.24

Le même type d’aménagements est demandé aux écoles secondaires, aux universités confessionnelles et aux Instituts25. Dans le même souffle, le Rapport demande d’ôter le caractère confessionnel des commissions scolaires et des corporations d’instituts26. Ainsi, – et comme le fait remarquer Jeanne Bizier – pour les commissaires, « [l]a confessionnalité des écoles se situe au plan du simple enseignement, et non dans les structures du système »27. « Quant à son application, au Québec, surtout aux niveaux secondaire et préuniversitaire, elle

23 Ce dernier type de confessionnalité semblait particulièrement en phase avec les objectifs de la Commission qui

étaient de doter la majorité des Québécois d’un système d’éducation qui leur corresponde, tout en évitant de négliger les demandes des minorités. Commission royale, Rapport sur l’enseignement, tome 4, 1966, n. 100, p. 63.

24 Ibid., n. 147, rec. 1, 6 et 7, p. 91. 25 Ibid., rec. 9, 10 et 14, p. 92. 26 Ibid., rec. 2, p. 91.

27 Jeanne Bizier, L’éducation chrétienne et le rapport Parent, Ottawa, Fides, Coll. « Foi et liberté », 1969, p. 69.

ne peut se réaliser selon le rapport Parent, que par une déconfessionnalisation légale des structures aux niveaux local, régional et provincial »28.