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3.2 L’ÉTUDE DU SASEC SUR L’ÎLE DE MONTRÉAL : DÉSÉQUILIBRES ET

3.2.2 Les résultats des enquêtes et observations

3.2.2.6 L’utilité de l’engagement communautaire

Il est possible de classer les activités organisées par les AVSEC dans leurs écoles secondaires selon quatre grands thèmes que nous allons présenter ici : le civisme (local, national et international), l’environnement, le leadership et la santé de l’élève76

Le civisme : utile à tous les niveaux

Le premier ensemble d’activités est regroupé autour de la notion d’esprit civique ou de citoyenneté. Il s’agit de l’ensemble le plus important en termes de temps et d’investissements consentis par les AVSEC au cours de l’année. Sans jamais définir précisément ce qu’ils entendent par “ citoyenneté ”77, les AVSEC organisent de nombreuses activités autour de cette notion qu’ils jugent significative.

76 Autrement dit : la Citoyenneté, la Solidarité, le Bénévolat et la Croissance personnelle, thèmes que l’on retrouve

dans le Cadre ministériel et que nous avons présentés dans le Tableau 2.3, p. 115.

77 La présentation des diverses significations des concepts utilisés par les AVSEC fait l’objet du chapitre 4.

Dans la communauté environnante

Dans ces activités, on trouve tout d’abord ce que l’on pourrait appeler la prise de conscience et le soutien aux personnes défavorisées de la communauté locale. Il peut s’agir ici de secourir les plus pauvres de l’école, du quartier ou de la ville ou encore de venir en aide à ceux et celles qui ont des difficultés physiques ou intellectuelles. Les AVSEC peuvent par exemple encourager les élèves les plus doués à offrir de l’aide aux devoirs78. Également, pour les personnes défavorisées économiquement, les AVSEC organisent annuellement les traditionnelles “ guignolées ”79 et la cueillette des paniers de Noël80. C’est aussi pour aider les moins fortunés du quartier ou de la région que les élèves sont invités à aider certains centres d’accueil81 ou des organismes qui leur viennent en aide82. Il peut également s’agir de “ prendre conscience des oubliés et des damnés de notre société ”83 que les élèves côtoient chaque jour : les personnes âgées du quartier que les élèves vont visiter et divertir84, les personnes handicapées85, les enfants malades86, les “ rejects ” dans l’école87, les prisonniers et les sidéens88.

Dans la communauté humaine

78 “ K ” et “ L ” (de la CSPI).

79 “ B ” et “ C ” (de la CSMB) et “ M ” (de la CSPI).

80 “ D ”, “ E ”, “ F ” et “ G ” (de la CSMB), “ J ” et “ K ” (de la CSPI) et “ O ” (de la CSDM).

81 Comme la Maison du père (“ H ” de la CSMB et “ N ” de la CSDM), l’Accueil Bonneau (“ B ” et “ E ” de la

CSMB), l’Auberge du cœur (“ N ” de la CSDM) ou la St Michael’s Mission (“ G ” de la CSMB).

82 MultiCaf (“ B ”, “ C ” et “ D ”, de la CSMB), Information alimentaire Centre-Sud (“ N ” de la CSDM),

Comptoir alimentaire du quartier (“ F ” de la CSMB), les friperies de réinsertion sociale (“ B ” de la CSDM et “ J ” de la CSPI) ou Centraide (“ B ” de la CSMB et “ K ” de la CSPI).

83 “ N ”, de la CSDM.

84 Il s’agit d’un type d’activités proposé par 10 AVSEC : “ A ”, “ D ”, “ E ”, “ F ” et “ G ” (de la CSMB), “ J ”,

“ K ” et “ L ” (de la CSPI) et “ N ” et “ O ” (de la CSDM).

85 “ A ” et “ F ” (de la CSMB) et “ L ” (de la CSPI). 86 “ A ” et “ G ” (de la CSMB) et “ K ” (de la CSPI).

87 Il s’agit de l’expression d’un AVSEC (“ K ”, de la CSPI) qui visait à qualifier ceux et celles parmi les élèves qui

sont rejetés par tous à cause de leur timidité, de leur physique. Des parrainages sont organisés dans quatre écoles secondaires (celles de “ K ” et de “ L ” de la CSPI) entre ces rejetés et les leaders de chaque milieu.

88 “ A ” et “ D ”, de la CSMB.

Une autre portion de ces actions citoyennes pour les démunis est destinée aux pays étrangers dans le besoin, en majorité les pays du Sud. Ces actions sont souvent associées à des organismes internationaux comme UNICEF89, la Croix-Rouge90, Amnistie Internationale91 et à un autre bien connu et lié très fortement à l’animation pastorale au Québec, le Club 2/3. Notons que cet organisme a acquis avec le temps une place spéciale auprès des animateurs et animatrices et que lui-même continue aujourd’hui de compter sur le SASEC pour pénétrer dans les écoles afin de toucher les élèves92. Le Club 2/3 organise de nombreuses actions auxquelles participent les AVSEC : la Marche 2/3, le Concours international de jouets réalisé à partir de matériaux recyclés, les actions Solidarité Nord-Sud, Solidarité Monde et Solidarité en herbe. Mais il arrive également que les AVSEC décident d’agir pour les pays pauvres sans passer par ce type d’organismes. Ainsi, six AVSEC93 organisent des voyages dans des pays sud-américains avec, à chaque fois, un objectif humanitaire. Un animateur recueille en plus des vélos usagers pour les envoyer à des enfants des pays du Sud.

Toutes ces activités visent, selon les AVSEC, à faire prendre conscience au jeune qu’il est un

citoyen du monde au même titre qu’un enfant du quartier et que s’il a des droits, il a

également des devoirs envers les autres humains, en particulier les plus défavorisés.

Pour les AVSEC, l’essentiel de leur travail consiste en cela : “ c’est notre mission : former les élèves aux valeurs de la citoyenneté ”94. Tous les AVSEC rencontrés s’entendent sur ce point et les discussions en classe avec ceux du primaire montrent que c’est particulièrement vrai pour les objectifs du service à ce niveau. D’ailleurs les actions menées pour développer la

89 “ A ”, “ B ” et “ E ” (de la CSMB). 90 “ B ” (de la CSMB) et “ K ” (de la CSPI).

91 “ A ”, “ B ”, “ E ”, “ D ” et “ G ” (de la CSMB) et “ J ” (de la CSPI).

92 Un exemple des liens qui unissent le Club 2/3 et les AVSEC : Lors du dévoilement des résultats du Concours

international de jouets faits à partir de matériaux recyclés qui a eu lieu en 2003, une immense affiche citait le nouveau service comme un partenaire privilégié du Club 2/3 depuis ses origines. Un autre exemple : lors d’une réunion du “ Comité SASEC ” organisé par l’APAVECQ dans le but de dégager des stratégies pour “ sauver le service ”, le président du Club 2/3 a assuré les animateurs et animatrices présents du soutien indéfectible de son organisme. On peut enfin citer le cas de cette animatrice qui était salariée du Club 2/3 avant de devenir AVSEC.

93 “ A ”, “ D ”, “ E ” et “ F ” (de la CSMB), “ M ” (de la CSPI) et “ N ” (de la CSDM).

conscience citoyenne chez les jeunes sont tellement inclusives qu’elles englobent bien plus que la simple assistance ponctuelle aux démunis. Il s’agit en fait plus généralement de promouvoir la tolérance des différences et la richesse de celles-ci (contrer l’homophobie, le racisme)95, de lutter contre la violence (amoureuse, envers les femmes, les enfants et les personnes âgées) et d’œuvrer pour la paix (avec des outils de l’ONU), de respecter les lois (avec le témoignage de détenus ou d’ex-détenus) et de promouvoir les droits.

Donc, à travers ces activités qu’ils qualifient eux-mêmes de citoyennes, il s’agit pour les AVSEC d’ouvrir l’élève aux autres96, de lui faire prendre conscience que ses actions, positives ou négatives, ont un impact sur le reste du monde et qu’il agisse en conséquence.

94 “ B ”, de la CSMB.

95 De nombreux AVSEC (au moins cinq) invitent à grands frais la “ Caravane de la tolérance ” à passer dans leur

école, avec le soutien des directions qui sont toutes très enthousiastes lorsqu’il est question de cet organisme. Quatre AVSEC de la CSMB (“ A ”, “ E ”, “ F ” et “ G ”) et un de la CSDM (“ L ”) organisent également des semaines ou des journées interculturelles pour montrer la richesse que constitue la vie dans un milieu multiethnique.

96 Deux AVSEC (“ A ” de la CSMB et “ N ” de la CSDM) proposent même des sports d’équipe avec cet objectif

ou encore des vœux d’amour et d’amitié sur des cartes que les jeunes s’échangent pour la Saint-Valentin…

Le respect de l’environnement

Ce sont les mêmes objectifs qui sont poursuivis par les AVSEC lorsqu’ils mettent sur pied des projets pour préserver l’environnement. Cette thématique est moins présente que la citoyenneté mais on la retrouve tout de même chez la moitié des AVSEC du secondaire interrogés. On peut noter qu’elle semble beaucoup plus importante au primaire, sans doute du fait des liens possibles avec les programmes d’enseignement.

Parmi les projets menés au secondaire, l’eau fait partie des principaux sujets abordés par les AVSEC lorsqu’il est question d’environnement97. Par des présentations en classe et des projections de films, les animateurs et animatrices visent à changer les habitudes des jeunes envers l’eau par une prise de conscience de sa rareté. D’autres projets environnementaux sont également proposés par les AVSEC : les projets de recyclage (papiers, plastiques, piles et vêtements), de récupération ou de visites de lieux d’information sur le sujet98 font partie du programme annuel de quatre AVSEC99. Trois AVSEC ont également la charge de la reconnaissance de leur école comme “ Établissement Vert Brundtland ”, ce qui comporte en principe des préoccupations écologiques importantes100.

La santé mentale : un enjeu de société

Troisième ensemble d’activités proposées par les AVSEC dans le volet engagement communautaire : celles qui visent à soutenir la santé mentale des élèves. Ainsi un grand nombre d’animateurs et d’animatrices organisent diverses activités pour prévenir le suicide et la dépression avec des témoignages, une implication bénévole dans l’organisme Jeunesse

97 L’eau occupe apparemment la première place parmi les sujets abordés par les AVSEC au primaire (à la CSDM

et à la CSPI tout au moins) selon les témoignages de Ginette Robitaille de la CSPI, d’une part, et ceux des AVSEC du primaire interrogés lors du cours à l’UQÀM, d’autre part.

98 Cette année, “ B ” a ainsi emmené plusieurs groupes d’élèves visiter le complexe environnemental de St Michel,

le Biodôme, la Biosphère et le Planétarium de Montréal.

99 “ B ” et “ D ” (CSMB) et “ J ” (CSPI).

100 Il s’agit de “ A ” et “ B ” (de la CSMB) et de “ J ” (de la CSPI). Notons toutefois que “ A ” ne se préoccupe que

très accessoirement de cette reconnaissance.

J’écoute ou des conférences par la Fondation québécoise des maladies mentales101. Dans le même thème, on peut trouver la lutte contre toutes les formes de dépendance102, mais aussi le contrôle du stress qui constitue un objectif majeur pour deux AVSEC rencontrés103.

Il est remarquable que ces activités soient situées par les AVSEC dans le volet “ communautaire ” et non “ spirituel ”, car toute leur argumentation touche pourtant à l’esprit du jeune et à son intériorité. Toutefois, il semble que ce soit parce qu’il s’agit d’enjeux de société que la santé mentale soit classée dans l’engagement communautaire. Il semble qu’il en soit de même pour l’encouragement au leadership chez les jeunes.

La formation au leadership

La dernière thématique à l’intérieur de l’engagement communautaire est la formation au leadership. Encouragés par les directions d’écoles, les commissions scolaires… et par de substantielles subventions gouvernementales, les AVSEC cherchent à développer le sens du leadership chez les jeunes. Ils organisent des formations spécifiques, parfois même créditées104, et encouragent certains types d’activités (les réunions de conseil étudiant entre autres) et de pratiques (la présidence et le secrétariat des réunions) pour augmenter la confiance en soi du jeune, le sortir de l’intimidation par les autres et lui apprendre à s’impliquer en société ou à diriger un groupe105.

101 Plus précisément, “ A ” et “ D ” (de la CSMB), “ J ” et “ M ” (de la CSPI), et “ N ” et “ O ” (de la CSDM)

avaient cette préoccupation inscrite dans leur agenda d’activités pour 2003-2004.

102 Cela peut aller des jeux de hasard (deux AVSEC) à la toxicomanie (cinq AVSEC) en passant par l’alcoolisme

(deux AVSEC) et jusqu’à la télévision et les jeux vidéo (un AVSEC).

103 “ M ” (de la CSPI) et “ O ” (de la CSDM). 104 “ E ” et “ F ”, de la CSMB.

105 Ces objectifs sont visés par “ A ”, “ B ”, “ C ”, “ E ”, “ F ” et “ G ” (de la CSMB) et “ N ” et “ O ” (de la

CSDM).

Deux analyses de l’engagement communautaire

Après une telle présentation des activités offertes par les AVSEC dans le cadre de l’engagement communautaire, deux visions sont possibles et se sont affrontées au cours de l’analyse des entrevues et des observations.

Une première manière de voir est de considérer que le service propose aux élèves des actions désintéressées, à visées humanitaires ou environnementales qui aident les plus démunis dans le monde et dans le quartier. Il s’agit dès lors de “ changer le monde ”106. Tout cela en permettant au jeune de vivre plus sainement, mentalement et physiquement, donc en “ approfondissant sa vie intérieure ”107. D’ailleurs, dans cette optique, par le simple fait d’aider les autres et d’effectuer des actions “ bonnes ”, le jeune se sentirait mieux et aurait envie d’en faire davantage. Cette vision du service est celle que les AVSEC mettent de l’avant pendant les premières minutes de l’entrevue, ou bien entre eux (lors du Congrès par exemple), ou encore auprès des organismes, pour montrer la générosité de leurs actions et l’humanisme de leur travail. Pour deux AVSEC (“ B ”, de la CSMB, et “ N ”, de la CSDM), il s’agit des arguments les plus importants pour justifier leurs actions.

Mais il existe une deuxième manière de voir et celle-ci est davantage utilisée par les AVSEC auprès des directions d’écoles, notamment lorsqu’on parle de pertinence de leur travail et aussi lorsqu’il faut encourager les élèves à s’inscrire dans les activités proposées108. Le calendrier de l’AVSEC prend alors une autre couleur, celle de l’utilité : utilité académique, sociale et personnelle des actions posées en engagement communautaire. Pour ce qui est de l’utilité académique et personnelle, il est clair que les activités proposées, comme les stages et

106 Selon le titre du Cadre ministériel. 107 Ibid.

108 J’ai assisté à plusieurs reprises à des propositions d’activités par des AVSEC auprès des élèves. À aucun

moment, l’aspect “ gratuit ” de l’implication n’a été évoqué. En général, les animateurs et animatrices commencent par montrer que “ ça va être le fun ”, puis l’aspect communautaire du travail est évoqué et enfin une allusion est faite soit à la dispense de cours, à la note (si les activités sont créditées) et même dans un cas à une lettre de reconnaissance et de remerciements officiels de l’établissement pour l’implication bénévole de chaque élève (AVSEC “ H ”, de la CSMB).

les formations au leadership permettent au jeune de parfaire son c.v.109, de s’identifier à l’école, d’être tolérant et pacifique avec les autres élèves ou tout simplement de ne pas “ décrocher ”110. Sur le plan social, l’implication communautaire dans le quartier et les organismes donne une visibilité intéressante à l’école tout en permettant aux associations de bénéficier d’une main-d’œuvre bon marché111… et au gouvernement de se dégager d’une bonne partie de son rôle d’État protecteur de première ligne en laissant cela aux organismes communautaires subventionnés112.

Face à ces deux manières de voir, on peut dire à présent qu’aucune n’efface totalement l’autre. En fait, il s’agit d’un va-et-vient continuel entre ces deux visions du service, les acteurs passant de l’une à l’autre selon leur interlocuteur et l’enjeu de la conversation. Il est clair, par ailleurs, que les SASEC les plus appréciés des directions d’écoles sont ceux qui sont le plus à l’aise avec la présentation de l’utilité pratique et quotidienne de leur travail pour l’école et pour l’élève. À l’inverse, ceux qui sont le moins appréciés des directions utilisent plus facilement l’argumentation humanitaire et désintéressée de leurs activités, allant jusqu’à éviter toute forme de publicité médiatique pour les actions entreprises. Ces derniers AVSEC sont par ailleurs ceux et celles qui donnent la plus grande place au volet “ vie spirituelle ” dans leur travail.

109 Si on regarde en effet les implications communautaires proposées, l’utilité de telles expériences pour un

premier emploi est indéniable : stages en garderie et dans divers organismes communautaires, aide aux devoirs, gestion d’un vestiaire de linge, projet café étudiant.

110 “ M ” (de la CSPI) qualifie même le SASEC comme un service complémentaire comme un autre, qui doit donc

faire “ tout ce qui peut aider à la réussite académique du jeune ”.

111 Les abus sont peu courants aujourd’hui mais il semble qu’ils l’aient été dans le passé puisque les AVSEC ont

conçu une feuille d’information sur l’engagement communautaire qu’ils distribuent aux organismes et aux directions d’écoles et qui explique que l’implication des élèves, ce n’est pas du “ cheap labor ”. Table des AVSEC, L’engagement communautaire avec les élèves, ce que c’est, ce que ce n’est pas, document non daté, imprimé par “ M ”, AVSEC à la CSPI.

112 Cette analyse a été entendue à deux reprises et il s’agissait à chaque fois d’AVSEC de la CSMB. “ I ” critiquait

“ les cacanes de la guignolée ” qui selon lui donnent bonne conscience aux gens, mais qui ne “ sont qu’un plaster sur le bobo ”. Et “ E ” critiquait plus directement le transfert de responsabilités du gouvernement sur les groupes communautaires, déchargement “ qui fait faire des économies sur le dos des bénévoles et des gens qui travaillent là-dedans ”.

3.2.2.7 La vie spirituelle : peu ; centrée sur l’individu, son esprit et surtout pas sa religion