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3.2 L’ÉTUDE DU SASEC SUR L’ÎLE DE MONTRÉAL : DÉSÉQUILIBRES ET

3.2.2 Les résultats des enquêtes et observations

3.2.2.4 Peu de changements par rapport à la pastorale

Une autre découverte de l’enquête fut de constater que le passage de la pastorale au SASEC s’était effectué sans adaptation substantielle pour les AVSEC du secondaire, alors que cela semble avoir nécessité de profondes remises en question au primaire. Ainsi, lorsqu’il était demandé aux AVSEC du secondaire de présenter les différences et les ressemblances entre leur travail d’animation pastorale et celui qu’ils exercent aujourd’hui, la plupart des répondants étaient surpris de la question et ne trouvaient pas de réponse facilement56. À l’inverse, au primaire, les réponses venaient immédiatement et en grand nombre, démontrant que l’AVSEC avait déjà mûrement réfléchi à la question. D’autre part, il a été possible de comparer les activités que réalisaient sept AVSEC du secondaire alors qu’ils étaient

55 C’est le cas de certains milieux qui tolèrent le service parce que la commission scolaire les y oblige. Par

exemple le budget de fonctionnement accordé à “ L ” (de la CSPI) est réduit au minimum (il se voit accorder annuellement 550 $ contre 12 000 $ pour la Vie étudiante) et aucun local ne lui est fourni. Il doit donc, lorsqu’il vient dans cet établissement, demander la clé d’un local de réunion à la secrétaire…

animateurs ou animatrices de pastorale avec le travail qu’ils ou elles effectuent aujourd’hui grâce à leurs bilans d’activités. Certaines activités très “ pastorales ” ont ainsi été supprimées (visite d’une religieuse dans les classes ou messe). Mais la plupart du temps, les AVSEC expliquent le retrait de ces activités par le manque d’intérêt des élèves pour celles-ci et non par la volonté de respecter la neutralité religieuse du service. D’ailleurs, elles avaient été ôtées du programme avant le passage au SASEC. C’est ce qui fait dire à tous les AVSEC qui étaient auparavant animateurs ou animatrices de pastorale scolaire que leur travail n’a pas changé radicalement avec le passage au SASEC : “ on ne faisait déjà plus de la pastorale ”57.

Au secondaire : le tournant des années 1990

En fait, il semble que ce soit autour de 1993 que le réel changement se soit opéré dans les écoles secondaires. C’est à ce moment que les postes d’animation pastorale ont commencé à être “ coupés ” et que les animateurs et animatrices ont davantage orienté leurs actions vers l’engagement communautaire et que l’aspect “ spirituel ” a perdu de son poids.

Ainsi, les AVSEC considèrent dans leur ensemble que la fin de la sécurité d’emploi remonte au début des années 1990 et non au passage au SASEC. Deux animateurs qui exercent depuis plus de 20 ans58 sont même d’avis que ce tournant correspond précisément à la reconnaissance de la constitutionalité de la Loi sur l’Instruction publique de Claude Ryan. D’autre part, les AVSEC rencontrés expliquent que c’est au début des années 1990 qu’ils ont été directement confrontés avec la “ laïcisation générale de la société ”59 québécoise et par la

56 Cette question était destinée aux AVSEC qui étaient animateurs ou animatrices de pastorale scolaire avant de

devenir AVSEC, soit tous les AVSEC interrogés sauf 2 (“ B ” et “ G ”, de la CSMB).

57 Citation de “ A ” (de la CSMB). “ E ”, “ F ”, “ H ” (de la CSMB), “ J ” et “ M ” (de la CSPI), ainsi que “ O ” (de

la CSDM), ont déclaré des assertions semblables.

58 “ I ” (de la CSMB) et “ J ” (de la CSPI).

59 “ C ”, de la CSMB. Selon “ D ” (de la CSMB) : “ La société a changé : aujourd’hui la religion, ça fait peur à

tout le monde ”. Pour “ E ” (de la CSMB) : “ Actuellement, les gens veulent plus rien savoir de l’Église ”.

diversité religieuse issue de l’immigration60. Les animateurs ont donc dû adapter leurs activités à cette nouvelle clientèle pour ne pas s’adresser uniquement aux catholiques de l’école ou encore à “ prêcher dans le désert ”. En outre, la tâche de transmission religieuse devait, selon eux, être assumée par les enseignants de morale et de religion, et il n’était pas non plus dans leur mandat de convertir les non-catholiques. Ils se sont donc “ concentrés sur le communautaire ” et ont “ fait un peu de spirituel sans parler des religions ”61. C’est donc au début des années 1990 qu’une modification profonde et qualitative du service au secondaire peut-être située.

Au primaire : un plus grand pas à franchir

Au primaire, les changements ont été beaucoup plus importants pour les animateurs ou animatrices qui étaient auparavant animateurs ou animatrices de pastorale. Il a été possible de s’en rendre compte notamment à travers la correction des travaux remis par les AVSEC du primaire lors de leur formation à l’UQÀM. De nombreuses activités proposées par ceux-ci dans leurs examens – en particulier les anciennes et anciens animateurs de pastorale – étaient encore fortement caractérisées par la démarche pastorale évangélique et souvent catéchétique (pèlerinage à Sainte-Anne, messe, comparaison de la Bible avec “ les croyances sectaires ”). Or, ils déclaraient toujours effectuer ces activités dans leurs écoles, ne voyant rien en elles de contraire à leur cadre professionnel. Ginette Robitaille, conseillère en éducation spirituelle, religieuse et morale à la CSPI, confirme d’ailleurs que pour les AVSEC du primaire de sa commission scolaire, la transition a été beaucoup plus intense qu’au secondaire où les activités avaient déjà évolué vers le nouveau service. Il semble pourtant qu’ils y soient parvenus en laissant volontairement totalement de côté le volet “ spirituel ” pour s’occuper

60 “ E ”, “ F ” et “ H ” (de la CSMB), “ J ” et “ M ” (de la CSPI), ainsi que “ O ” (de la CSDM), expliquent que

c’est surtout l’immigration qui a causé la remise en question de leur travail de type confessionnel dans leurs écoles de plus en plus multiethniques.

61 “ F ”, de la CSMB.

uniquement de ce que demandent les milieux scolaires : des activités sur la tolérance, le respect et l’environnement (l’eau, le recyclage ou la propreté).62

Au secondaire : le pas a-t-il été franchi ?

Au secondaire, l’évolution plus graduelle du service de pastorale vers un modèle plus proche de celui du Cadre ministériel a aujourd’hui une contrepartie. Les AVSEC du secondaire n’ont pas toujours réalisé que le SASEC n’était pas exactement le service de pastorale tel qu’ils le pratiquaient à la fin des années 1990 et qu’il allait plus loin que la simple non-imposition des enseignements catholiques. On pourrait dire de la sorte, avec Richard Leblanc du MEQ et Ginette Robitaille de la CSPI, que comme le fossé était moins grand entre la pastorale au secondaire et le SASEC, il n’a pas toujours été vu ni franchi par l’ensemble des animateurs et animatrices. De fait, notre enquête a mis en lumière que pour les AVSEC rencontrés, le seul changement perceptible dans leur travail par rapport à la pastorale réside dans le discours : selon eux, et en citant un cas extrême, il faut “ continuer de promouvoir les valeurs humaines ou des actions charitables sans plus faire référence à Jésus ou à la Bible ”63.

En outre, on peut rappeler ici que le passage de la pastorale au SASEC est encore récent et que pour de nombreux acteurs du milieu scolaire, il n’a pas toujours été perçu. On a ainsi pu constater que dans certains cas, les réflexes “ pastoraux ” sont encore bien présents : les locaux de neuf AVSEC64 sont toujours appelés “ la pasto ” par les directions comme par les animateurs ; les interventions en classe de deux AVSEC65 sont réservées aux cours de

62 Entretiens avec “ P ”, “ Q ”, “ R ” et “ S ”, de la CSDM, avec tous les AVSEC du primaire de la CSMB, une

partie de ceux et celles de Laval et avec Ginette Robitaille. À noter aussi que certains AVSEC du primaire offrent des cours sur les grandes traditions religieuses, à la demande des équipes enseignantes.

63 “ N ”, de la CSDM.

64 Il s’agit des bureaux des AVSEC “ A ”, “ C ”, “ D ”, “ F ”, “ G ” (de la CSMB), “ J ” et “ L ” (de la CSPI), et

“ N ” et “ O ” (de la CSDM). Si les mots ont une fonction performative, ils n’aident pas ici à faire saisir ni à créer le changement.

65 “ L ” (de la CSPI) et “ N ” (de la CSDM).

religion; un AVSEC célèbre toujours des messes dans les classes66 ; deux AVSEC67 invitent toujours divers intervenants qui témoignent comment Jésus ou la Bible les a sorti de la rue, de la drogue et de la dépression.