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1.3 AUJOURD’HUI : UNE NOUVELLE PLACE POUR UN NOUVEAU

1.3.2 Une nouvelle vision du rapport Proulx : pour un religieux citoyen et

1.3.2.2 Pour un spirituel fondateur de sens et d’engagement social

113 Québec, Ministère de l’Éducation, Groupe de travail sur la place de la religion à l’école, Comité sur l’éducation

au phénomène religieux, L’enseignement culturel des religions. Principes directeurs et conditions d’implantation, Étude n° 1, Québec, Publications du Québec, 1999. Notons que le nom du comité chargé de se pencher sur un enseignement possible de la religion à l’école portait un titre assez différent de celui que le comité en question a finalement choisi pour nommer son étude. Les notions d’« éducation à » et de « phénomène » n’étaient pourtant pas anodines et témoignaient, d’une part, d’une volonté de ne pas réduire le religieux aux traditions (avec le concept de « phénomène »), mais également d’une volonté pédagogique plus ou moins claire de former les élèves tant sur le plan des contenus que de l’attitude à adopter face au religieux (avec l’idée « d’éduquer “à” »). On retrouve ces notions dans l’avis du Comité sur les affaires religieuses concernant « l’éducation à la religion » et chez Micheline Milot (membre du Groupe de travail sur la place de la religion à l’école et conseillère du CAR en la matière) dans la communication qu’elle a présentée lors du colloque organisé par le CERUM et le CREUM :

Religion, éthique et citoyenneté à l’école, Montréal, Université de Montréal, 29 octobre 2004.

Au-delà des religions, le rapport Proulx considère qu’il importe également à l’école de donner une place à la « dimension spirituelle » :

La dimension spirituelle a une existence et une densité propres qui justifient que, dans une perspective éducative, on lui apporte son soutien. Elle existe aussi […] chez beaucoup de personnes qui ne se déclarent d’aucune religion.114

Pour les membres du Groupe de travail, ôter la « dimension spirituelle » de l’école serait contraire au « principe de la neutralité de l’État à l’égard des religions », au « droit à l’égalité », ainsi qu’à « la liberté de conscience et de religion » dont l’État doit favoriser l’exercice. C’est pourquoi, cette dimension spirituelle, caractérisée avant tout par l’expérience individuelle des élèves, a toute sa place pour peu qu’elle soit traitée par l’école « conformément à sa mission éducative »115.

De plus, cette dimension spirituelle, par son aspect non confessionnel et sa centration sur l’individu, « favorise la cohésion sociale et l’apprentissage de la tolérance et mieux, de l’appréciation de la diversité religieuse »116.

L’utilité sociale et politique de cette dimension spirituelle apparaît le plus clairement dans le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l’école lorsqu’il est question de la réforme de l’animation pastorale. Dans ce service, comme pour l’ensemble de l’école, la dimension spirituelle permet de « donner une âme » au milieu scolaire, ce qui favorise la cohésion sociale et l’engagement citoyen.

La pertinence sociale et politique de la présence de ce type de religieux dans l’école semble donc particulièrement importante ici :

114 Groupe de travail, Laïcité et religions, p. 218.

115 Comité sur l’éducation au phénomène religieux, L’enseignement culturel des religions, p. 12-13. 116 Groupe de travail, Laïcité et religions, p. 223. C’est nous qui soulignons.

Par ailleurs, dans une perspective plus collective, il est indéniable et souvent reconnu117 que l’animation pastorale ou religieuse contribue pour une part importante par les valeurs qu’elle favorise et surtout par les engagements concrets qu’elle suscite, à humaniser les écoles secondaires, contribuant à en faire des milieux de vie plus riches.118

Il y a donc une utilité sociale dans le développement spirituel. Mais au-delà de celle-ci, le Groupe de travail met de l’avant une utilité politique au religieux, puisque ce dernier vise le vivre-ensemble et la citoyenneté. Il peut être utile de citer ici une partie de l’analyse de M. Pierre-Étienne Laporte, député libéral d’Outremont, lors de la présentation du rapport par le Groupe de travail sur la place de la religion à l’école :

Mon impression, c’est que votre argumentation contre l’école laïque, pas contre sortir la religion de l’école, mais contre ce que Gaucher [sic] appelle « la sortie de religion », là, l’école laïque, qui aurait bien sûr des fonctions... où les fonctions politiques que vous attribuez à la religion se seraient aussi exercées... Parce que vous attribuez des fonctions politiques à la religion. Au fond, vous faites servir la religion à l’État, puisque finalement ce que vous voulez, c’est la tolérance, c’est la coexistence, c’est l’acquisition d’un certain nombre d’habitudes de vivre ensemble ; ça contribue à la stabilité de l’État. On est d’accord avec ça. Ça ne contribue pas à amener l’individu à solutionner ses grands questionnements métaphysiques. Ça contribue à assurer la stabilité de l’État au sens de sa légitimité : le vivre ensemble, la coexistence, la gestion du pluralisme, la religion.

Ce à quoi Jean-Pierre Proulx répond :

J’ai mieux compris, M. Laporte, ce que vous entendiez par la fonction politique. Je crois que je suis d’accord avec vous dans le sens que vous... Alors, nous le disons clairement aux pages que j’ai mentionnées tout à l’heure. L’enseignement

117 Il faut noter que, tout au long du rapport, l’argument du « choix des parents » ou des « attentes sociales » n’est

généralement pris en considération que lorsqu’il correspond aux choix normatif du Groupe de travail. Bien souvent la rhétorique vient à bout des chiffres. Voir pour exemple : « Bien que le nombre de catholiques soit en hausse depuis 30 ans, leur proportion a néanmoins baissé de 2 % depuis 1981. […] Enfin, les personnes qui déclarent n’appartenir à aucune religion ont connu la croissance la plus forte : leur nombre s’est multiplié par 3,4 depuis 20 ans, passant à près de 264 000. […] les catholiques sont sous-représentés sur l’île de Montréal où ils ne forment que 69 % de la population […] ». Groupe de travail, Laïcité et religions, p. 54. C’est nous qui soulignons pour montrer la présentation partiale des données démographiques. Cette interprétation des chiffres a été particulièrement mal reçue des associations de parents (catholiques) qui considéraient que certains membres du Groupe de travail, comme Micheline Milot, réalisaient de « l’exégèse abusive » avec le choix des parents en faveur d’un enseignement religieux confessionnel.

118 Groupe de travail, Laïcité et religions, p. 218.

culturel des religions vise, peut viser précisément la formation d’un citoyen autonome responsable, donc qui travaille dans une communauté politique, qui est la nôtre, au renouvellement de la démocratie libérale dans laquelle nous nous trouvons. Alors, dans ce sens-là, je suis d’accord avec ce que vous dites.119 Sous cet angle, le rapport Proulx apparaît basé sur des arguments semblables à ceux du Comité catholique. En effet, comme ce dernier, le Groupe de travail sur la place de la religion à l’école considère qu’il est nécessaire de conserver une place dans l’école pour les dimensions religieuse et spirituelle. Ces dimensions recouvrent la transmission des grandes notions du christianisme, la place du spirituel dans la formation intégrale de l’élève et la connaissance du pluralisme religieux. On voit pourtant que derrière cette filiation, c’est à la proposition d’une nouvelle place pour un nouveau type de religieux dont il est question : ce religieux serait aconfessionnel ; c’est-à-dire qu’il dépasserait l’adhésion à une tradition religieuse pour devenir un phénomène universel. Ce sont donc certaines « fonctions » de ce phénomène qui ont leur place à l’école : la cohésion sociale, le référent culturel et le sens à la vie.