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La vie à Paris, les études et les problèmes de santé

Chapitre 2: Aux fondements d’une trajectoire intellectuelle (1909-1937)

2.5 Les études à Paris

2.5.2 La vie à Paris, les études et les problèmes de santé

Évidemment, les études et le travail ne constituent pas les seules occupations du jeune François-Albert, alors dans la mi-vingtaine. Depuis 1933, ce dernier fréquente une jeune femme, Gisèle Lemyre (1910-2008), qu’il a rencontrée dans une association étudiante de Montréal142. Après quelques mois de fréquentation, le couple se marie le 12 octobre 1935, le jour même où est fixé le départ de François-Albert pour la France. Dès lors, il est décidé que Gisèle accompagnera son mari durant son séjour d’étude143.

138 Jonathan Fournier, Op. Cit., p. 397. 139 Ibid., p. 394.

140 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « lettre d’Édouard Montpetit à François-Albert Angers », 15 septembre

1932.

141 Jean-Marc Léger, « Entretien avec François-Albert Angers », Op. Cit., p. 49.

142 Entrevue avec Denise Angers, 29 janvier 2018. Selon Mme Angers elle-même, très peu d’informations

sont disponibles relativement aux origines familiales de Mme Lemyre.

103 Le couple s’embarque à bord de l’Empress of Britain, le soir du 12 octobre 1935. Ils arrivent en France à la fin du mois et se rendent directement à Paris afin d’y emménager. Le climat politique et social en France et en Europe est déjà, à l’époque, en proie à des tensions sociopolitiques grandissantes :

Le climat politique européen est particulièrement tendu à la suite de l’agression italienne en Éthiopie. On craint même que la guerre n’éclate. Ces événements qui s’ajoutent à la multiplication des dictatures, aux succès des ligues fascistes, de même que les rapprochements entre les partis de gauche et les syndicats ouvriers, amènent certains intellectuels catholiques à se ranger du côté de la gauche dans le but de créer un front antifasciste […] Les débats idéologiques y sont virulents.144

Durant leur séjour en France, François-Albert et Gisèle habitent au 9 rue de Mézières, dans le 6e arrondissement près de l’Église Saint-Sulpice, à proximité de l’ELSP145. Situé dans un quartier animé, le couple réside à quelque pas du quartier Saint-Germain-Des-Prés, haut lieu de la vie intellectuelle et littéraire française. Dès son arrivée, Angers file à l’ELSP pour s’inscrire à la faculté de Droit où il est accepté pour la session à venir. Le 6 décembre 1935, il écrit à Esdras Minville : « S’installer convenablement et se faire un programme d’études sont deux choses bien compliquées à Paris. Je m’en suis vite aperçu »146. En fait, Angers a quelques difficultés à s’adapter au rythme de vie parisien et à la vie académique de l’ELSP, qui est très éloignée du confort auquel il était habitué aux HEC.

Néanmoins, après quelques semaines, il semble avoir trouvé ses aises et s’est même constitué un premier programme d’études en choisissant des cours que Minville lui avait proposés, tel que Le socialisme en Europe au 19e siècle, L’Allemagne de 1930 à 1935, Les

144 Denis Monière, André Laurendeau et le destin d’un peuple, Montréal, Éditions Québec/Amérique, 1983,

p. 82.

145 HEC, P027, boîte P027/Y99,0001, « Invité François-Albert Angers. - Télé-université, GERFI; no 98 ». 146 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « lettre de François-Albert Angers à Esdras Minville », 6 décembre 1935.

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expériences monétaires contemporaines et Économie politique. Il suit également des cours

de droit à titre d’auditeur libre durant la première année de son séjour. Dans une lettre datée du 10 février 1936, le directeur des HEC Henri Laureys s’exprime positivement sur le choix de programme d’Angers : « Le programme de vos études me semble fort bien établi. Il ne me paraît pas trop chargé, il est bien balancé et suffisamment étendu »147. Sa vie académique allant bon train, Angers se permet de fréquenter certains milieux intellectuels parisiens. Il passe beaucoup de temps à la librairie Le Divan, tenue par Henri Martineau, qui constitue un lieu important de diffusion d’œuvres intellectuelles et littéraires d’auteurs proches de l’Action française de Charles Maurras. Angers fréquente aussi les nombreux cafés de son quartier, où se rencontrent étudiants, écrivains et artistes en tout genre. Dans une lettre à Minville datée de décembre 1935, il se confie sur ses découvertes culturelles :

En fait de littérature, je ne suis aucun cours, selon votre conseil, mais j’ai entrepris la lecture des œuvres elles-mêmes, combinées avec l’étude de l’histoire de la littérature française. Je suis régulièrement les soirées classiques des grands théâtres, notamment la Comédie française, selon un programme qui me permettra, je l’espère, d’entendre les œuvres les plus marquantes dans l’histoire de la tragédie et de la comédie française. Pour les arts, la visite chaque dimanche de quelques salles d’un musée, pour le moment le Musée du Louvre et j’en aurai pour longtemps avec celui-là. Je suis un cours de psychologie à la Sorbonne, mais c’est tout ce que je peux faire cette année. N’empêche, c’est la philosophie qui me manque le plus.148

Minville lui avait recommandé, avant son départ, de profiter du cadre de vie parisien et des nombreuses « merveilles culturelles » de la capitale française149. Cette immersion doit

147 HEC, Fonds François-Albert Angers (P027), boîte P027/Z,0074, « lettre d’Henri Laureys à François-

Albert Angers », 10 février 1936.

148 HEC, P027, boîte P027/Z,0073, « lettre de François-Albert Angers à Esdras Minville », 6 décembre 1935. 149 Entrevue avec Denise Angers, 29 janvier 2018.

105 servir à développer la culture générale du jeune Angers, une volonté qui s’inscrit dans les mentalités élitaires canadiennes-françaises de l’époque.

Malgré son emploi du temps très chargé, Angers se voit également contraint de continuer à travailler comme assistant à distance d’Esdras Minville et d’Henri Laureys. Il s’occupe notamment de trouver des collaborateurs européens pour L’Actualité

économique, en plus de rédiger un compte rendu d’une série de cours sur le Canada donnés

par André Siegfried, son futur directeur de thèse150. En même temps, Angers doit également rédiger des notes de lecture et effectuer des compilations de statistiques en lien avec le commerce international des matières premières qui serviront aux cours données par Laureys aux HEC. Ce dernier lui demande alors un nombre impressionnant d’études et souhaite recueillir un maximum d’informations151.

Malgré tout, Angers profite de son séjour pour visiter certaines régions de la France. Il se rend notamment en Provence, dans le sud du pays, et visite les villes de Marseille, de Nice et de Cannes152. Il visite également la Bretagne, et sera intrigué de retrouver dans cette région une forme de nationalisme de type régionaliste notamment véhiculé par le biais du Parti national breton153. Hormis la France, il visite également l’Italie, en particulier la ville de Rome, ainsi que la cité du Vatican.

De retour à Paris à l’été 1936, Angers éprouve à nouveau des problèmes de santé. En fait, depuis le mois d’avril, ses yeux recommencent à lui causer des difficultés, au point

150 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « lettre d’Esdras Minville à François-Albert Angers », 6 décembre 1935. 151 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « lettre d’Henri Laureys à François-Albert Angers », 8 novembre 1935. 152 HEC, P027, boîte P027/Y99,0001, « Invité François-Albert Angers. - Télé-université, GERFI; no 98 ». 153 Ibid.

106 où il ne peut se permettre de conduire sa voiture en plein jour154. Le problème s’aggrave rapidement et en juillet, un ophtalmologiste lui diagnostique un décollement de la rétine. Il doit alors se faire opérer d’urgence et passer un mois à l’hôpital155. À sa sortie, il continue d’éprouver une certaine gêne, sa vision n’étant fonctionnelle qu’à 50 % de sa capacité et il peut difficilement lire durant de longues périodes. Heureusement, il peut compter sur l’aide de son épouse pour l’épauler durant sa convalescence : « Si je n’avais pas à mes côtés une lectrice dévouée, j’en serais réduit à bayer aux corneilles à longueur de journée! »156.