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La Seconde Guerre mondiale et le Québec : un bref historique

Chapitre 2: Aux fondements d’une trajectoire intellectuelle (1909-1937)

3.3 Le baptême du feu : l’expérience de la Deuxième Guerre mondiale

3.3.1 La Seconde Guerre mondiale et le Québec : un bref historique

Le 1er septembre 1939, l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie sonne le début de la Seconde Guerre mondiale. Le jour même, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne, étant donné le jeu des alliances diplomatiques qui lie les deux puissances à la Pologne. Récemment indépendant sur le plan de ses relations internationales via la signature du Traité de Westminster (1931), le Canada se voit néanmoins pressé de se positionner dans le conflit, du fait de ses liens historiques avec la Grande-Bretagne133. Ne pouvant forcer ses dominions à prendre part à un conflit armé, comme ce fut le cas jusqu’à la guerre de 1914-1918, la Couronne britannique opère malgré tout une influence qui pousse nombre de politiciens canadiens-anglais à évoquer le sens du devoir afin de justifier une participation canadienne. Afin de démontrer symboliquement

133 Sur le rôle joué par le Canada durant la Seconde Guerre mondiale, on consultera notamment le dossier

thématique publié par le Bulletin d’histoire politique en 2013 qui comporte de nombreux articles pertinents et historiographiquement à jour : Samy Mesli et Olivier Courteau (dir.), « Le Canada et la Deuxième Guerre mondiale », Bulletin d’histoire politique, vol. 21, no. 3, printemps-été 2013, p. 7-251.

169 son autonomie, le Canada déclare son appui à la France et à la Grande-Bretagne une semaine après le début officiel des hostilités, le 9 septembre 1939.

Néanmoins, les promesses d’une participation restreinte ne sont pas longtemps respectées. Dès l’été 1940, la France capitule après seulement quelques mois d’affrontements armés, à la stupéfaction des forces alliées. Les défaites successives des grandes puissances européennes s’enchainant rapidement, le gouvernement réalise que la participation canadienne devra être accentuée afin de répondre aux pressions politiques. L’idée de limiter l’effort de guerre à une participation matérielle s’efface progressivement, comme en témoigne l’application de la Loi sur la mobilisation des ressources nationales en juin 1940134. Des mesures associées à la conscription sont dès lors mises en place, même si le gouvernement parle plutôt d’un « processus d’engagement volontaire ». Toutefois, Mackenzie King est contraint de remettre en question sa promesse de ne pas instaurer la conscription obligatoire dès la fin de l’année 1941.

C’est dans cette optique qu’est organisé le plébiscite de 1942, visant à libérer Mackenzie King de sa promesse de ne pas imposer le service militaire. Les résultats de cette consultation sont caractéristiques du fossé qui sépare les deux solitudes canadiennes : le Canada anglais vote majoritairement en faveur de la conscription (66 %) alors que le Canada français vote massivement contre (72 %)135. La crise qui suit et qui secoue le Québec, mais aussi le Canada français dans son ensemble, est également attribuable à la médiatisation de l’attitude francophobe en vigueur au sein des forces armées136. L’usage

134 Yves Tremblay, 1940, « La conscription (1re partie) », Bulletin d’histoire politique, vol. 26, no. 1, automne

2017, p. 335-350.

135 Jack Granatstein, « Le Québec et le plébiscite de 1942 sur la conscription », Revue d’histoire de

l’Amérique française, vol. 27, no. 1, juin 1973, p. 43-62.

170 exclusif de l’anglais dans les sphères de commandement, la dispersion des soldats francophones dans des unités anglophones, le manque de hauts gradés francophones et la conduite hostile des autorités militaires par rapport au fait francophone ont tôt fait de provoquer de vives tensions au sein de l’opinion publique. Qui plus est, les statistiques sur l’aide financière et militaire allouée par le Canada à la Grande-Bretagne font bondir les leaders nationalistes canadiens-français, outragés de constater la liquidation des ressources canadiennes137. Ainsi, la majorité des élites intellectuelles et politiques canadiennes- françaises se montrent opposées à l’engagement actif du Canada dans l’effort de guerre. Ils s’opposent également à l’attitude du Canada anglais, dont les vues sont diamétralement opposées à celles des francophones, notamment dus à la vivacité des liens historiques liant les anglophones à la Grande-Bretagne.

Dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale, la contribution de François- Albert Angers est régulièrement mise de l’avant afin d’analyser les impacts économiques de l’implication militaire canadienne. Durant cette période, il publie quelques pamphlets percutants et plusieurs textes dans L’Action nationale138. Il produit également de nombreuses études au bénéfice du Bloc populaire afin d’aider le parti dans sa lutte contre le gouvernement de Mackenzie King. En cela, Angers constitue l’un des penseurs les plus volubiles et les plus influents du mouvement anticonscriptionniste139. À partir de ses prises

137 François-Albert Angers, « Le temps est venu pour les Canadiens de mettre le holà », Op. Cit., p. 95. 138 François-Albert Angers, Est-ce ainsi qu'on fait la guerre sainte?, Montréal, Les Éditions de L'Action

nationale, 1942, 21 p.; Le Travail féminin à l'usine et l'Effort de guerre, Montréal, L'imprimerie populaire Ltée, 1942, 53 p., Le temps est venu pour les Canadiens de mettre le holà!, Montréal, Éditions de L'Action nationale, 1943, 28 p.; Pourquoi nous n'accepterons « jamais » la conscription pour service outre-mer, Montréal, Éditions de L'Action nationale, 1946, 22 p.; Le Bilan canadien d'un conflit, Montréal, Éditions de L'Action nationale, 1946, 32 p.; Le Culte de l'incompétence, Montréal, Éditions de L'Action nationale, 1946, 24 p.

139 En étudiant le périodique L’Action nationale durant la Deuxième Guerre mondiale, on constate que c’est

171 de position, on remarque également une tendance chez lui à s’orienter vers le modèle de l’intellectuel par vocation, où les analyses scientifiques cèdent le pas à un discours engagé.