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Une véritable école de « l’engagement national »

Chapitre 2: Aux fondements d’une trajectoire intellectuelle (1909-1937)

2.3 Aux racines d’un engagement catholique et nationaliste : l’ACJC de La Malbaie

2.3.2 Une véritable école de « l’engagement national »

Pour en revenir à François-Albert Angers, précisons que le cercle acéjiste de La Malbaie voit le jour en 192558. À l’époque, le cercle est dirigé par l’abbé Jean-Baptiste Tremblay, alors nommé par le curé de la paroisse, qui est entouré par un conseil composé de jeunes acéjistes (président, vice-président, secrétaire, conseillers). Le cercle paroissial de La Malbaie est alors rattaché au Groupe Charlevoix et en constitue le corps central. Selon les archives consultées, c’est à partir de l’automne 1925 qu’Angers commence à s’investir au sein de l’ACJC locale. Assistant régulièrement aux réunions et aux assemblées, il développe un petit réseau de contacts parmi les membres de l’organisation59. Il se fait également remarquer par l’abbé Tremblay, qui apprécie le dynamisme de ses interventions ainsi que ses réflexions, ce qui le démarque rapidement de ses condisciples60. D’ailleurs, Angers se fera élire par ses pairs à titre de conseiller, quelques mois à peine après son entrée dans l’organisation.

Globalement, le cercle acéjiste de La Malbaie ressemble beaucoup aux autres cercles régionaux de l’organisation, en regard des activités qui y sont tenues. Les assemblées hebdomadaires servent surtout à discuter de questions liées à des lectures d’œuvres choisies, mais permettent aussi aux membres d’entendre certains orateurs,

57 Louise Bienvenue, Op. Cit., p. 31. Parmi ces nouvelles organisations, on notera entre autres la Jeunesse

étudiante catholique (JEC), la Jeunesse ouvrière catholique (JOC), la Jeunesse agricole catholique (JAC) ainsi que la Jeunesse indépendante catholique (JIC).

58 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « Documents de l’ACJC (1925-1926) ». 59 Ibid.

78 surtout des prêtres et des abbés impliqués dans d’autres cercles acéjistes tels que le Révérend Père Gagnon, ancien aumônier-directeur du Cercle Sacré-Cœur d’Ottawa61. Le cercle de La Malbaie est également le théâtre de plusieurs débats à saveur historique. Dans les archives de l’ACJC, on remarque la présence de nombreux rapports et de procès- verbaux qui résument les propos tenus dans le cadre de discussions où, généralement, deux points de vue s’affrontent. Par exemple, un débat tenu le 6 octobre 1925 permet aux membres d’exprimer leur point de vue quant au bien-fondé des actions de Montcalm et de Lévis lors du Siège de Québec de 1759, dans le contexte de la Guerre de la Conquête62. Le but de cet exercice est de familiariser les membres du cercle avec certains épisodes précis de l’histoire canadienne, mais aussi de leur permettre de développer des aptitudes liées à la rhétorique, très utiles pour les jeunes hommes qui ne fréquentent pas le collège classique. Un autre débat, tenu le 29 novembre 1926, porte sur la nécessité pour les agriculteurs de s’instruire, dans le contexte du développement du capitalisme dans le secteur de l’agriculture au Québec et en Amérique du Nord. Angers s’y distingue, en défendant le point de vue selon lequel « un cultivateur qui n’est pas instruit ne peut pas réussir aussi bien que son voisin qui le sera »63. Ce dernier met ainsi en lumière les dangers guettant la classe agricole canadienne-française face au géant capitaliste américain.

En analysant le parcours d’Angers, il apparaît clairement que c’est son passage à l’ACJC qui éveille en lui une première forme de « conscience nationale », en plus de lui insuffler une sensibilité à l’égard des devoirs de l’intellectuel catholique, défini par Pierre

61 Ibid.

62 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « Montcalm et Lévis », 29 novembre 1926.

63 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « Discussion sur la nécessité de l’instruction pour le cultivateur », 29

79 Trépanier comme étant « devoirs du témoignage, du perfectionnement personnel, devoir de vérité, devoir d’apostolat »64. Ce passage, tiré de l’un des premiers discours que présente Angers à ses confrères acéjistes en janvier 1927, témoigne de la conscientisation qui s’opère dans l’esprit du jeune malbéen :

Cet entraînement à la piété et à l’apostolat, cette formation religieuse solide et épurée de toute « sainte-nitoucherie », si je puis dire, donne à l’Église des hommes capables de la défendre quand elle est attaquée et capables de la propager au besoin : l’ACJC lui fournira ces hommes-là […] La patrie et la nation canadienne-française ont aussi besoin d’hommes aux idées véritablement patriotes, d’hommes convaincus de la valeur de leur pays et de leur race et qui mettront leurs intérêts particuliers de côté pour défendre ceux de la nation qui leur a donné le jour.65

L’engagement d’Angers au sein de l’ACJC lui permet également de développer son intérêt pour l’histoire du Canada, qui constitue l’un des principaux objectifs fixés par les fondateurs de cette organisation. Possédant un intérêt marqué pour les héros de la Nouvelle-France, Angers participe notamment à un concours d’histoire ouvert aux

acéjistes de la région de Charlevoix et du Saguenay à l’hiver 1927, et surnommé « Concours de Dollard ». Les participants doivent rédiger une composition écrite portant

sur la vie et l’œuvre missionnaire de Dollard des Ormeaux, personnage emblématique de la période du Régime français et figure respectée au sein des cercles nationalistes du début du 20e siècle. Intitulé « La mort d’un héros », le travail réalisé par Angers lui permet de se classer au 5e rang et d’obtenir une mention honorable de la part des membres du jury66.

64 Pierre Trépanier, Qu’est-ce que le traditionalisme? Causerie-débat tenue à Montréal, 8 juin 2002, Club du

3 juillet, p. 17.

65 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « Les avantages de l’ACJC », 24 janvier 1927. L’utilisation de l’expression

« sainte-nitoucherie » n’est pas sans rappeler une certaine forme de misogynie utilisée par Angers dans ce contexte.

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