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Angers : président du cercle malbéen de l’ACJC

Chapitre 2: Aux fondements d’une trajectoire intellectuelle (1909-1937)

2.3 Aux racines d’un engagement catholique et nationaliste : l’ACJC de La Malbaie

2.3.3 Angers : président du cercle malbéen de l’ACJC

Angers semble rapidement faire ses classes au sein du cercle acéjiste de La Malbaie, puisqu’il est élu président à la fin de l’été 192667. Il demeurera en poste jusqu’à la fin de l’été 1928, au moment de quitter La Malbaie en direction de Montréal. Or, son « règne » qui s’étale sur une période d’un peu moins de deux ans est marqué par un certain autoritarisme qui lui donnera l’image d’un véritable croisé. Ce comportement est influencé par le fait que le cercle acéjiste de La Malbaie est affecté par un certain manque d’assiduité de la part des membres du conseil de direction. Dans ses archives personnelles, Angers fait plusieurs fois référence au fait que ses confrères ne semblent pas prendre au sérieux les activités organisées par l’abbé Tremblay. Dû à cela, il se voit obliger de rappeler que « nous sommes là pour étudier et pas pour amener sur le tapis des futilités qui ne peuvent que nous faire perdre notre temps et qui seront nécessairement repoussées par la direction du cercle »68. Un discours en particulier, daté du 6 septembre 1926, illustre sa volonté à rehausser le degré d’engagement des membres acéjistes:

À la dernière convention régionale, il a été établi qu’il valait mieux n’avoir que quelques bons membres et que c’était un tort d’accepter un grand nombre de médiocres, voir même plus que médiocres […] Aussi avons-nous décidé d’être plus sévères que par le passé […] Et c’est bien cela qu’il nous faut pour que le cercle vive et progresse. Il faut que tous ses membres soient des convaincus […] Prenons la résolution d’être des membres sérieux, de vrais membres, convaincus de la valeur de l’association dont ils font partie, convaincus de l’efficacité de ses moyens, de la véracité de ses principes et de la grandeur de son but, et vous verrez qu’à la fin de l’année nous aurons fait une belle œuvre.69

67 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « Quelques considérations », 6 septembre 1926. 68 Ibid.

81 Signée de la main d’un jeune homme de 17 ans, cette citation démontre le sérieux avec lequel Angers entend mener son militantisme au sein de l’ACJC. En ce sens, le jeune malbéen présente certaines dispositions qui le rapprochent de l’idéal type associé au courant du catholicisme social tel que prôné par les élites ecclésiastiques de l’époque.

De même, les influences intellectuelles qui inspirent le jeune Angers durant ses années à l’ACJC sont également caractéristiques du milieu catholique dans lequel il évolue. Fait étonnant, la figure du chanoine Lionel Groulx ne représente pas une influence marquante pour ce dernier, du moins à l’époque. Cela est d’autant plus surprenant que Groulx est l’un des cofondateurs de l’organisation et qu’il est déjà une figure majeure du nationalisme canadien-français dans les années 1920. Dans un article paru en 1978 dans la Revue d’histoire de l’Amérique française, Angers reviendra sur ce fait inusité :

N'étant pas de la région de Montréal, mais de celle de Charlevoix, je n'avais pas participé à toute l'activité nationaliste qui accompagnait la montée de l'abbé Groulx depuis 1917, et j'en connaissais alors peu de chose. J'étais actif dans l’ACJC de ma région, mais il était peu question de Groulx dans ces lieux éloignés du Québec. C'était Henri Bourassa qui était le grand prophète.70

À la fin de l’adolescence, Angers est donc beaucoup plus près des idées du fondateur du journal Le Devoir. La figure de Bourassa se rapproche d’ailleurs de celle du « père spirituel » du mouvement acéjiste, surtout pour les cercles situés en milieux régionaux. Qui plus est, Bourassa est l’une des sommités intellectuelles de la décennie 1920 et plusieurs membres nationalistes du clergé voient en lui un modèle à suivre pour leurs ouailles. Ardent défenseur du « pacte entre les deux nations », du « droit des minorités » et du « droit des provinces », Bourassa défend un nationalisme canadien bon-ententiste et

70 François-Albert Angers, « Mesure de l’influence du chanoine Groulx sur son milieu », Revue d’histoire de

82 croit fermement à la formule confédérative71. Cette citation tirée de l’édition du 3 avril 1904 du journal Le Nationaliste, résume le cœur de l’argumentaire bourassien :

Notre nationalisme est le nationalisme canadien, fondé sur la dualité des races et sur les traditions particulières que cette dualité comporte. Nous travaillons au développement du patriotisme canadien, qui est à nos yeux la meilleure garantie de l'existence des deux races et du respect mutuel qu'elles se doivent. La Patrie, pour nous, c'est le Canada tout entier, c'est-à-dire une fédération de races distinctes et de provinces autonomes. La nation que nous voulons voir se développer, c'est la nation canadienne, composée des Canadiens français, et des Canadiens anglais, c'est-à-dire de deux éléments séparés par la langue et la religion, et par les dispositions légales nécessaires à la conservation de leurs traditions respectives, mais unies dans un attachement de confraternité, dans un commun attachement à la patrie commune.72

Angers adhère complètement à cette forme de nationalisme, étroitement associée à l’autonomisme initialement développé par Honoré Mercier à la fin du 19e siècle. Les écrits et les retranscriptions de discours du jeune homme font d’ailleurs écho aux positions défendues à maintes reprises par Bourassa et le nationalisme d’Angers, à cette époque du moins, est fermement ancré dans cette logique bon-ententiste. C’est ce qui ressort des notes manuscrites des discours prononcés à l’ACJC de La Malbaie73. Tout au plus fait-il référence à la nécessité pour la collectivité canadienne-française de se ressaisir afin d’harmoniser son développement économique et social à celui du Canada anglais, sans remettre en question la légitimité des liens politiques entre les deux collectivités. Les idées d’Angers à cette époque sont donc, pour la plupart, tirées des thèses bourrassiennes.

71 Ibid., p. 366. Sur Henri Bourassa, on notera avec intérêt l’ouvrage suivant : Réal Bélanger, Henri Bourassa.

Le fascinant destin d’un homme libre, Sillery, Presses de l’Université Laval, 2013, 570 p. Sur la notion de

pacte entre les deux nations fondatrices du Canada, voir l’étude suivante : Stéphane Paquin, L’invention d’un

mythe. Le pacte entre deux peuples fondateurs, Montréal, VLB, 1999, 171 p.

72 Henri Bourassa, « Réponse amicale à la Vérité », Le Nationaliste, 3 avril 1904, p. 2. 73 HEC, P027, boîte P027/Z,0074, « Documents de l’ACJC (1925-1926) ».

83 Très attaché aux activités de l’association, Angers demeurera un militant actif de l’ACJC de La Malbaie jusqu’à l’âge de 18 ans. Il quittera finalement l’association à la veille de son départ pour Montréal, à la fin de l’hiver 1928.