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Introduction de la deuxième Partie

Chapitre 3. L'étatisation du service de l'eau potable

1. Vers une uniformisation du mode de gestion

1.1. La création d'une régie d'Etat

Les zones rurales avaient connu dans les années 1940 un départ massif de la population, qui était allée se réfugier dans les villes à cause de la seconde guerre mondiale et des épisodes de

sécheresse. Les demandes en eau urbaine avaient alors augmenté considérablement122. Des restrictions et des coupures plus ou moins importantes avaient été pratiquées dans les villes. Nous donnons quelques exemples, à titre d'illustration dans le tableau suivant.

Tableau 7 : Restrictions de consommation dans les villes tunisiennes à la fin des années 1940

Villes Restrictions

Tunis En 1948, année de sècheresse où le barrage d'Oued Kébir123 n'a pas été alimenté : distribution assurée seulement un jour sur deux pendant la matinée avec un roulement entre les quartiers

Bizerte Coupures de distribution en 1949 : de 14h à 18 h et de 22 h à 6 h

Sousse Coupures de distribution en 1951 : de 16h à 6 h

Sfax Coupures de distribution en 1949 : de 15h à 18 h et de 23 h à 6 h

Source : Tixeront, 1953

La rareté de l'eau et la récurrence des évènements secs avaient alors imposé au gouvernement d'entreprendre des programmes de recherche et de mobilisation de nouvelles ressources. Il était également devenu indispensable d'exécuter de nombreuses infrastructures d'adduction et de stockage pour la sécurisation de l'approvisionnement des villes. L'Etat avait jugé convenable de réunir la réalisation et la gestion des installations de l'eau au sein d'une même structure. Il avait été alors décidé en 1947 de créer une régie nationale, appelée Régie

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Le taux d'accroissement de la population urbaine dépassait largement le taux d'augmentation général de la population du pays. La population totale du pays est passée entre les deux recensements de 1936 et 1946 respectivement de 2 395 000 habitants à 2 991 000 habitants, soit une augmentation d'environ 25%. Alors que la population urbaine est passée de 631 836 habitants en 1936 à 974 221 habitants en 1946, soit une augmentation d'environ 54%. Les données sont recueillies dans Tixeront J. (1953) "L'alimentation des villes en eau potable en

Tunisie" et Seklani M. (1960) "Villes et campagnes en Tunisie. Evaluation et prévisions".

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Economique d'Etat. Il s'agissait d'une entité intégrée au sein du Groupe de l'Hydraulique et

des Aménagements Ruraux à la Direction des Travaux Publics. L'objectif principal de la régie était d'individualiser sur un plan comptable et administratif la distribution de l'eau potable.

Le nombre de villes dont le service d'eau était géré par la régie n'avait cessé d'augmenter avec le temps. En effet, les municipalités avaient tendance à négliger l'entretien de leurs installations et à demander l'aide de l'Etat lorsque la situation financière devenait déficitaire. L'Etat leur accordait, d'une façon générale, cette aide à condition de reprendre les exploitations et les intégrer à la Régie Economique. En 1951, la régie desservait en eau potable 28 villes regroupant une population totale de 387 586 habitants. Alors que les municipalités maintenaient l'intégralité de la charge de l'alimentation en eau potable de seulement 14 villes d'une population de 84 613 habitants. Pour quatre villes d'une population de 22 153, elles avaient transféré la gestion du réseau d'adduction à la régie et continuaient à gérer le réseau de distribution uniquement.

C'est ainsi, que la gestion du service de l'eau potable en Tunisie s'était orientée vers une uniformisation du modèle de gestion, avec une mainmise de l'Etat.

Cette uniformisation du modèle de gestion s'accompagnait également d'une uniformisation des tarifs de vente d'eau. En 1951, il ne restait alors plus que deux tarifs en vigueur, celui appliqué aux grandes villes (Tunis, Bizerte, Sousse, Sfax et leurs banlieues) et celui appliqué aux autres villes et centres. Bien évidemment, les municipalités, qui maintenaient l'exploitation du service d'eau pour leur propre compte, continuaient également à appliquer les tarifs qu'elles fixaient elles mêmes.

1.2. Les performances de la Régie

1.2.1 Avant l'Indépendance

La Régie avait concentré son effort sur l'alimentation des centres urbains. Elle avait pu réaliser, pour ces centres, des bonnes performances. En 1953, le taux de desserte dans le milieu urbain s'élevait à 75 % de la population avec 52 % de centres desservis.

Tableau 8 : Centres urbains et population desservies en eau potable en 1951 Population Nombre de centres Centres urbains

Totale Desservie % Total Desservis %

Centres érigés en commune

974 221 954 384 98% 65 61 94%

Centres non érigés en commune

448 500 113 900 25% 193 72 38%

Total 1 422 721 1 068 284 75% 258 133 52%

Source : Tixeront, 1953

Aux bonnes performances de la Régie dans le monde urbain contrastaient la non prise en charge du milieu rural. Or la population rurale représentait plus que 65% de la population tunisienne au moment de la création de la Régie. L'alimentation en eau dans les zones rurales s'effectuait à partir des puits et citernes privées. Des fondations pieuses contribuaient aussi à l'entretien des puits et citernes publiques, sans ouvrages de distribution.

1.2.2 Après l'indépendance

La Régie avait conservé après l'indépendance en 1956 quasiment la même politique. D'un point de vue stratégique d'abord, elle avait favorisé l'alimentation des centres urbains. D'un point de vue organisationnel ensuite, elle avait maintenu la reprise des services municipaux de

l'eau en difficulté. D'un point de vue technique enfin, elle poursuivait les travaux de mobilisation et de transfert des ressources en eau pour renforcer l'adduction des grands centres urbains. Les principaux travaux avaient concerné :

- la mise en service d'une adduction de 100 km pour Tunis à partir du barrage de Beni Metir au Nord Ouest du pays,

- la mise en service d'une adduction de 100 km pour le Sahel à partir des forages de la plaine de Kairouan,

- le renforcement de l'adduction de Sfax à partir des sources de Sbeitla situées à 150 km.

La Régie s'était attelée à partir des années 1962 à satisfaire les besoins des nouvelles zones touristiques dans les régions du Sud Tunisien (Djerba), du Cap Bon et du Sahel.

Cette période post-indépendance avait été marquée par un important développement des activités économiques qui s’était traduit par une augmentation de la demande en eau. En dix ans, le nombre d'abonnés avait plus que doublé et le volume consommé avait presque triplé comme nous pouvons le constater dans le tableau suivant.

Tableau 9 : Evolution de la consommation en eau et du nombre d'abonnées de la Régie entre 1956 et 1968 Année Désignation 1956 1962 1968 Nombre d'abonnés 39 785 57 059 102 375 Volume Consommé (Mm3) 24 34 63 Source : SONEDE, 1977

Une nouvelle industrie touristique s'était également installée dans les régions du Sud Tunisien, à Jerba, au Cap Bon et au Sahel. La Régie devait dès lors développer son réseau pour satisfaire les besoins de ces nouvelles zones. Devant cette forte expansion du secteur de l'eau, la Régie était peu adaptée aux défis techniques et financiers. Il était impératif de rationaliser la gestion de ce secteur et de le soustraire à la complexité des circuits administratifs. L'environnement politico-économique intérieur ainsi que les pressions extérieures, tel que nous l'expliciterons plus loin, avaient favorisé la création d'un organisme national réellement autonome qui englobera toutes les tâches relatives à la distribution de l'eau potable. En 1968, la Société Nationale d'Exploitation et de Distribution des Eaux avait été créée. Elle est actuellement placée sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture124.

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