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Le service de l'eau potable de la capitale Tunis : le rôle prépondérant du secteur privé

Introduction de la deuxième Partie

Chapitre 1. Bref aperçu historique sur la gestion de l'eau potable en Tunisie

2. La période contemporaine : à partir des années 1860 jusqu'à l'Indépendance

2.2. Le service de l'eau potable de la capitale Tunis : le rôle prépondérant du secteur privé

La pluviométrie capricieuse de la région a obligé les gouverneurs depuis l'Antiquité à développer les infrastructures nécessaires à la sécurisation de l'approvisionnement en eau. C'est ainsi que le captage de sources de Zaghouan et du Jouggar, situées respectivement à 46 et 58 km au sud de Carthage, a été entrepris sous les commandes de l'empereur Hadrien suite à la sècheresse exceptionnelle qui a sévi de 123 à 128 ap J.-C. Un immense aqueduc fonctionnant par gravité avait alors été construit sur une longueur totale de 132 km. Le fonctionnement de l'aqueduc romain était passé à travers son histoire par bien d'aléas. Il a été détruit d'abord par les Vandales, ensuite lors de l’invasion arabe à l’époque byzantine. Il a été restauré sous la dynastie des Hafsides en le déviant en même temps vers la nouvelle ville

"Ifriqiya" ou l'actuelle Tunis. Un nouveau tronçon avait été également construit au moment de

cette restauration. Il permettait de déverser les eaux d'une petite source située près de Ksar-Saïd au nord ouest de Tunis dans l'ancien aqueduc.

Sous le gouvernement beylical, l’aqueduc était dans un état de ruine après trois siècles d'abandon. L'aqueduc n'assurait plus l'alimentation de la ville qui se contentait alors seulement de ses citernes et de ses puits. Or ces sources d'approvisionnement traditionnelles n'arrivaient plus à subvenir aux besoins de la population notamment pendant l'été. Ce n'est qu'au milieu du dix-neuvième siècle que le service de l'eau potable à Tunis avait connu une transformation radicale et ceci en marge de la vague des réformes institutionnelles et de modernisation des équipements de la ville que nous avons déjà évoqués. Le Bey Mohamed avait en effet décidé en 1859 de remettre en service l'aqueduc romain. Les travaux de la réhabilitation de l'aqueduc avaient été achevés en 1862 sous le règne de son frère le Bey Mohamed El Sadok.

Dans la même période une importante réforme avait vu le jour, aboutissant à la création de la municipalité de Tunis en août 1858. L'Etat beylical, ayant fait don à la ville des eaux amenées78, avait chargé le nouveau Conseil Municipal du contrôle et de la gouvernance du service de l'eau potable. Alors que la gestion elle-même, y compris donc les travaux d'entretien et de distribution des eaux dans la ville, avaient été déléguées à une société privée en vertu d'une convention signée entre cette société et l'Etat Beylical.79.

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Comité chargé de l'affaire des eaux (1885), "Affaires des Eaux", Recueil de documents, Première Partie : 29 pp et Deuxième Partie : 47 pp.

79

Nous n’avons malheureusement pas trouvé des informations précises concernant la société elle-même et les conditions d'exécution de sa mission. Nous avons uniquement pu relever que la convention qui liait la société était réglementée par dix articles dont un fixait la quantité à livrer aux consommateurs à 1 m3/j/abonné et un autre fixait le prix de l'abonnement et les prix de vente à 50 piastres/an pour un débit accordé de 1 m3/j. La distribution de l'eau s'effectuait à robinet libre c'est-à-dire sans comptage.

La convention portait sur une durée de 10 ans. Toutefois, elle avait été rompue avant d'arriver à terme. La municipalité avait repris la responsabilité de l'exploitation du service. Elle avait été tout de même soumise aux mêmes prescriptions de la convention antérieure80.

Le rôle de la Municipalité avait été par la suite largement réduit voire supprimé avec la signature en 1873 d'une nouvelle convention avec la Compagnie des Généraux Baccouche, Mohamed, Roustan et Houssein81. La concession avait une durée de 30 ans. Elle n'avait été aussi exercée que pour une durée partielle de douze ans.

En 1884, les Généraux ci-dessus avaient cédé leur contrat à une entreprise à capitaux française, "la Régie Cointéressée des Eaux de Tunis", et ceci avec l'approbation du Bey et de la Direction des Travaux Publics82. Cette compagnie, qui par ailleurs avait étendu ses activités à d'autres villes, avait continué de gérer le service de l'eau de la ville de Tunis jusqu'à l'indépendance.

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Malheureusement, très peu d'informations est disponible à propos de cet épisode de la gestion du service de l'eau de la ville de Tunis. Nous essaierons de positionner avec plus de détails notre perception de la reprise par la municipalité de la gestion du service de l'eau au niveau du paragraphe consacré à l'examen en détail de l'exemple du service d'eau de la capitale.

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Par cette convention, le Gouvernement confiait à la compagnie des Généraux Baccouche, Mohamed, Roustan et Houssein l'entretien de l'aqueduc de Zaghouan. La Compagnie bénéficiait à ce titre d'une subvention fixe et annuelle de 100 000 Piastres. Elle percevait également le produit des ventes des eaux pour les nouveaux abonnés. De son côté, la municipalité disposait des volumes d'eau nécessaires aux services des abreuvoirs et des bornes fontaines. Elle touchait aussi par l'intermédiaire de la compagnie le produit des ventes d'eau pour les anciens abonnés. Le montant des ces ventes est évalué au début du contrat à environ 29 000 piastres/an soit presque 30 % de la subvention. Autrement dit, au début du contrat, l'Etat subventionnait l'eau dans la ville à hauteur d'environ 70 % de son coût.

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La cession du contrat de concession avait soulevé une grande polémique auprès de la population quant à son bien-fondé et aux conditions de son établissement. Nous y reviendrons plus loin dans l'analyse. Contentons nous à ce niveau de rappeler seulement que l'article 25 du cahier des charges de la première concession établie avec la compagnie des Généraux, interdisait la cession du contrat à des étrangers totalement ou partiellement. Même pour les tunisiens, la cession n'était autorisée qu'avec l'approbation de l'Administration. En dépit de ces contraintes juridiques, la cession à la compagnie française avait été effectuée et publiée au Journal Officiel du Gouvernement Tunisien en date du lundi 29 Moharrem 1302.

Après l'indépendance, le service de l'eau de la ville avait été nationalisé. Il avait été associé d'abord au service d'électricité de la ville avant d'être intégré au sein de l'entreprise nationale de distribution des eaux : la SONEDE.

Nous reprendrons dans le chapitre suivant et d'une manière plus détaillée l'analyse de l'évolution du service de l'eau dans la ville de Tunis. Nous expliciterons le contexte de la mise en place des divers modes de gestion qui se sont succédé ainsi que les conditions de leur exécution.

2.3. Le service de l'eau potable du Sahel : un modèle

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