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Chapitre 2. Equité versus efficacité

2. L'efficacité au regard des théories des organisations

Les théories contractuelles des organisations s'intéressent essentiellement aux mécanismes de coordination des individus engagés dans une relation d'échange. Elles essayent d'abord de comprendre dans quelles conditions le recours au marché ou, à l'inverse, l'intégration au sein

d'une firme, ou organisation, sont préférables. Ensuite, elles essayent de déterminer les modes de contractualisation et les systèmes d'incitation les plus appropriés au sein de chaque firme. A la base de l'analyse des choix organisationnels et contractuels effectués par les agents économiques nous retrouvons la notion des "coûts de transactions". Cette notion a été avancée en 1937 par Ronald Coase puis développée par Oliver Williamson au début des années 1970. Elle apporte une réponse à la question fondamentale : pourquoi la firme52 existe-t-elle, alors que le marché est censé réaliser une allocation optimale des ressources par la loi de l’offre et de la demande? Coase développe l’idée que le recours au prix pour organiser les transactions a un coût quelque soit l’efficacité du marché. Lorsque ce coût devient significatif il peut rendre plus avantageux le recours à d’autres arrangements comme vecteurs de transactions. Williamson approfondit cette idée en proposant une analogie avec les frictions dans les systèmes physiques. Il représente les "frictions" dans les échanges marchands et organisationnels par les coûts des transactions53. Le choix d'un mode organisationnel plutôt qu'un autre est conditionné par une recherche d'une meilleure efficacité à travers la minimisation des coûts liés à ces frictions.

La théorie des coûts de transaction offre un cadre conceptuel pertinent pour le cas du service de l'eau potable. Il est en effet possible de concevoir pour chacun des segments d'activité du service, que nous avons décrit précédemment, un arrangement institutionnel différent entre les agents économiques impliqués. Ce paragraphe va reprendre de manière succincte les principes-clefs de cette théorie en insistant sur les éléments qui seront directement utiles à l'analyse de l'organisation des services d'eau aux chapitres suivants.

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Une firme, prise au sens large, recouvre l'ensemble d'arrangements institutionnels possibles, depuis l'entreprise jusqu'au marché en passant par les modes "hybrides" tels que les réseaux ou les alliances, sans oublier l'Etat et ses agences.

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2.1. Les hypothèses de la théorie des coûts de transaction

La cadre conceptuel proposé par la théorie des coûts de transaction s'explique par un ensemble d'hypothèses relatives aux agents économiques mais également aux caractéristiques des transactions et de leur environnement. Nous rappelons brièvement les hypothèses ci-dessous.

Rationalité limitée : Les agents impliqués dans une relation sont

intentionnellement rationnels mais de façon limitée. Ils disposent de capacités de calcul et de communication limitées qui ne leur permettent pas de choisir la réponse “optimale” mais la solution "préférable" et qui correspond aux informations dont ils disposent.

Dans le cas d’une relation contractuelle, l’hypothèse de rationalité limitée s’étend également aux parties tierces au contrat, notamment les juges chargés de faire respecter le contrat en cas de différend. De ce fait, les tribunaux ne sont pas forcément efficaces et leur intervention génère aussi un coût.

Environnement incertain : Parce qu’il est complexe, un environnement est

incertain. Il est en effet impossible d’anticiper toutes les situations futures possibles en particulier pour les relations durables dans le temps. Dés lors, l’agent économique devient incapable de mettre en place la solution optimale et la limite de la rationalité devient active.

Incomplétude des contrats : Les hypothèses de rationalité et d’environnement

incertain ouvrent la voie à l’incomplétude des contrats. Les agents doivent se contenter d’accords incomplets qui ne prennent pas en compte toutes les variables qui sont ou peuvent devenir pertinentes.

Opportunisme : C’est une hypothèse fondamentale chez Williamson. Elle se

rapproche des deux notions de la sélection adverse et de l'aléa moral. La sélection adverse caractérise le comportement d'un agent qui cache des éléments d’information. L’aléa moral se

manifeste quand un agent ne tient pas ses promesses ou essaye de tirer profit d’un évènement parce que son comportement n’est pas observable par son partenaire. Cependant, la notion d’opportunisme est plus large. Elle implique la poursuite de l’intérêt personnel et suppose un comportement plus ingénieux et plus rusé à même de provoquer des comportements stratégiques. Williamson distingue d'un côté l’opportunisme ex ante qui traduit une volonté délibérée de tromper son partenaire, de l'autre l'opportunisme ex post qui se limite à profiter des espaces de flou laissés par le contrat pour augmenter ses profits au détriment des intérêts de son partenaire.

Spécificité des actifs : le comportement opportuniste ne peut être actif que dans un

environnement concurrentiel de petit nombre; autrement il serait vite sanctionné par le marché. Cette situation de petit nombre existe typiquement quand les actifs sont spécifiques. Un actif est spécifique s’il ne peut être engagé que dans une transaction particulière et ne peut être redéployé vers une autre transaction sans augmentation substantielle des coûts. C'est le cas des actifs engagés dans les monopoles naturels. Plus les investissements effectués sont spécifiques, plus les partenaires seront dépendants et se trouveraient dans une situation de

lock-in à cause des coûts liés à la rupture de la relation.

2.2. Les déterminants des coûts des transactions

Les hypothèses retenues par la théorie des coûts de transactions permettent d'énoncer que les arrangements contractuels sont mis en place par des agents à rationalité limitée, mais conscients et informés des problèmes liés à l’opportunisme et au développement d’actifs spécifiques. C'est ce que Williamson désigne par une contractualisation incomplète mais prévoyante. Il y associe deux composantes de coûts :

 coûts ex ante : correspondants aux coûts de négociation et de mise au point des contrats,

 coûts ex post : correspondants aux coûts de pilotage, d’administration et de contrôle du contrat et éventuellement de sa rupture.

La nature et le montant des coûts de transaction dépendent de trois grandes caractéristiques des transactions à conduire :

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