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Le service de l'eau potable de la ville de Bizerte : une intégration de l'activité dans d'autres secteurs

Introduction de la deuxième Partie

Chapitre 1. Bref aperçu historique sur la gestion de l'eau potable en Tunisie

2. La période contemporaine : à partir des années 1860 jusqu'à l'Indépendance

2.5. Le service de l'eau potable de la ville de Bizerte : une intégration de l'activité dans d'autres secteurs

Dans les années 1880, la population de la ville de Bizerte était évaluée à environ 6 000 habitants90. La ville est située dans le nord de la Tunisie, région relativement bien arrosée du pays. L’alimentation en eau potable de la ville s’effectuait alors à partir de puits particuliers et de sources d’eau. Quatre sources permettaient d'approvisionner la ville. Les deux sources de "Aïn Nadour" sont situées à 5,5 km au nord ouest de la ville. La source de "Aïn Bou-Ras" est située plus loin à 15 km au sud est de la ville; elle a été la dernière à être mise en exploitation en 1893. Enfin, la source de "Aïn Mériem" est située à 3,3 km au nord de la ville. Elle desservait un quartier au nord de la ville nommé les "Andalous"91. Alors que les trois premières sources appartenaient à l'Etat, la source de "Aïn Mériem" appartenait à l’administration des biens publics Habous. Cette administration gère les établissements publics et les œuvres d'intérêt général provenant des habous privés92.

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Direction Générale des Travaux Publics – Service Hydraulique (1931), ouvrage précité.

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Voir le schéma de transfert de l'eau potable vers la ville de Bizerte dans l'annexe 2.3.

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L'institution des Habous ou "Wakf" est d'origine musulmane et remonte à l'époque du prophète Mohamed. La racine du mot signifie en arabe immobiliser ou mettre en arrêt. Il s'agit d'immobiliser le fond du terrain et en affecter les revenus à des bonnes œuvres. A l'origine, tous les habous étaient publics, c'est-à-dire que les constituants se dépouillaient immédiatement de leurs biens au profit des œuvres pieuses. Mais en vue d'encourager le développement de cette institution, les premiers jurisconsultes de l'Islam ont laissé au constituant la faculté de réserver la jouissance, soit à son profit personnel sa vie durant, soit au profit de sa famille et de ses descendants. Le pouvoir économique du fondateur est ainsi conservé intact au sein du groupe familial auquel il appartient. Lorsque la lignée des bénéficiaires vient à s'éteindre, le bien est affecté à des œuvres d'intérêt général et rentre dans la catégorie des Habous publics.

En 1874, le général Kheirédine, alors premier ministre du gouvernement tunisien, avait décidé de centraliser la gestion de tous les habous publics entre les mains d'une seule direction. C'est ainsi qu'a été créée la Jamaä ou l'Administration des Habous, commission chargée de centraliser l'administration des habous publics. La Jamaä administre les abous à l'aide d'une administration centrale et des Oukils gérants dans les villes et les villages du pays. Les Oukils sont les administrateurs directs, ils gèrent en recette et en dépenses, et sous la surveillance de la Direction Centrale, les diverses fondations conformément aux règlements et à la volonté des constituants. (D'après Kraïem M. (1973) " La Tunisie précoloniale - Tome 1 : Etat, Gouvernement, Administration & Tome 2

En 1890, la construction et l’exploitation du port de commerce de Bizerte ont été concédées pour une durée de 75 ans à une entreprise française privée, la Compagnie du Port de Bizerte. Le projet gigantesque de la construction du port, dont les travaux avaient duré 7 ans, avait exigé la mobilisation d'importantes quantités d'eau à la fois pour le chantier et la population d'ouvriers et de militaires qui a afflué sur la ville. La Compagnie du Port avait demandé à être desservie à partir de la source Aïn Mériem en raison de sa proximité du chantier portuaire. La situation financière de l'Administration des Habous à cette période ne lui permettait cependant pas d'assumer les fortes dépenses nécessaires à la réhabilitation des infrastructures et à l'aménagement de la desserte du port. Un accord avait été alors convenu entre l'Administration des Habous et la Compagnie du Port de Bizerte. Cette dernière s'était engagée sur deux choses. Premièrement elle prendrait en charge le financement de la réhabilitation des infrastructures et de l'installation de la nouvelle conduite d'adduction. Deuxièmement elle continuerait à desservir le quartier des Andalous. En contre partie, elle recevrait gratuitement l’excédent d’eau. Le contrat reliant les deux parties et énonçant clairement les conditions du partage de l'eau avait été signé en novembre 189193. A partir de cette date, la Compagnie du Port de Bizerte s'était substituée à l'Administration des Habous dans la gestion du service d'eau dans le quartier des Andalous au nord de la ville.

C'est ainsi que l'activité de la desserte en eau potable avait été intégrée comme annexe à la concession portuaire. Cette tendance avait été confirmée les années suivantes lorsque la Compagnie est intervenue dans les travaux de forage de la Source Aïn Bou-Ras pour améliorer son débit de pompage. La Compagnie avait en effet besoin de sécuriser l'approvisionnement du port en eau pour le ravitaillement des navires. En même temps, les

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Direction Générale des Travaux Publics, (1927) "Note sur l’alimentation en eau de la ville de Bizerte", Régence de Tunis – Protectorat Français, 23 pp + 3 planches.

travaux du renforcement du captage de la source d’Aïn bou-Ras entrepris par l'Etat rencontraient des difficultés techniques de forage. Encore une fois, la solution avait consisté à conclure un arrangement avec la Compagnie du Port pour qu'elle apporte ses appuis technique et financier. En février 1895, un contrat de concession d'une durée de 70 avait alors été signé entre l'Etat et la Compagnie du Port de Bizerte. En vertu de cette concession, la compagnie avait à sa charge :

- l'achèvement des captages de la source Aïn-bou-Ras,

- les travaux de construction des infrastructures d’adduction, de stockage et de distribution,

- l'entretien des installations,

- et l'exploitation du service des eaux.

Notons que le cahier des charges de la concession fixait les tarifs de vente d'eau et des taxes d'entretien. La rémunération de la compagnie concessionnaire se faisait donc directement à partir des recettes de vente. Un tarif préférentiel était réservé aux services publics en sus de la gratuité des débits prélevés de deux sources d'Aïn Nadour et Aïn Meriem.

La répartition des surplus avait été également clairement précisée dans le cahier des charges. Les recettes d’exploitation devaient être employées en premier lieu à couvrir les dépenses : charges d'administration, d'exploitation et d'entretien des installations. Elles devaient ensuite couvrir les intérêts et l'amortissement du capital engagé. Enfin, le surplus devait être réparti en suivant l'ordre suivant :

 remboursement des redevances annuelles correspondant à la consommation de la commune pour ses services publics,

 attribution de l’excédent à la Compagnie jusqu’à concurrence de 3% du capital engagé,

 partage du surplus par moitié entre la Compagnie et l’Etat.

Le cahier des charges avait de même précisé les mesures à considérer en cas de déficit budgétaire. Il avait en effet prévu d'inscrire le déficit dans un compte spécial portant intérêt à 4,75 %. La Compagnie devait avancer les sommes nécessaires pour combler ce déficit et les amortir par prélèvement sur les bénéficies ultérieurs.

Nous voyons donc que l'objet du contrat du service de l'eau potable engagé par la Compagnie du Port avait évolué d'une activité marginale régie par une simple convention à une activité à part entière régie par un cahier des charges complexe. Le service de l'eau potable était demeuré néanmoins annexe de l'activité centrale de la Compagnie, à savoir l'exploitation portuaire.

Selon les rapports de la Direction Générale des Travaux Publics, les dix premières années de la concession du service de l'eau potable avaient enregistré un déficit94. Alors qu'à partir de 1905 et jusqu’à la Première Guerre Mondiale, le compte d’exploitation était devenu positif. Les demandes en eau avaient fortement augmenté après la guerre. Les infrastructures mises en place ne suffisaient plus. La Compagnie s'était alors trouvée obligée d'opérer des restrictions de distribution fréquentes. La situation ne pouvait être améliorée qu'à travers l'engagement de gros capitaux pour la construction de nouvelles infrastructures. L'alternative qui avait été alors adoptée par l'Etat consistait à racheter la concession en vue de regagner sa liberté d’action et entamer les programmes d’amélioration de la dotation en eau envisagée95. Lors de la période

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Direction Générale des Travaux Publics – Service Hydraulique (1931), ouvrage précité.

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de transition, la Compagnie avait l'obligation de continuer l'exploitation du service sous forme de régie, afin de poursuivre l'achèvement des travaux déjà entrepris. Les bénéfices d'exploitation devaient être partagés par moitié entre la Compagnie du Port et l'Etat. Les déficits devaient être supportés par l'Etat.

Le rachat de la concession avait eu lieu le 1er janvier 1925. A partir de cette date, l'exploitation des services de l'eau potable de la ville de Bizerte était devenue régie locale. En 1947 avec la réforme du secteur de l'eau potable à l'échelle nationale, la régie locale de Bizerte avait été intégrée dans la Régie Economique d'Etat qui regroupe comme nous l'avons vu d'autres régies régionales.

2.6. Le service de l'eau potable dans les centres

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