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Evaluation de la structure tarifaire par rapport à l'objectif social

service de l'eau potable : fondements et limites

1. Les lignes directrices du développement du secteur de l'eau potable en Tunisie

1.3. La solidarité nationale et l'instrument tarifaire de l'eau potable en Tunisie

1.3.2 Evaluation de la structure tarifaire par rapport à l'objectif social

i) La quasi-totalité des ménages profitent des subventions

Ainsi détaillé, le tarif d'eau est composé d’une partie fixe, la redevance, et d’une partie variable selon la tranche de consommation et/ou l’usage. La partie variable du tarif est progressive selon la tranche de consommation. Cette progressivité est destinée d'un côté à encourager l'économie d'eau notamment par les gros consommateurs; de l'autre à permettre des subventions croisées pour soutenir la capacité de la population à conditions socio-économiques modestes à payer la facture d'eau.

TRANCHE m3/trimestre

(0-20)

(21-40)

(41-70)

(71-150)

(151 et +)

Tourisme : 840 mls / m3 Bornes fontaines : 140 mls / m3

140

20 0

240

40 0 0

300

70

545

0 150

840

0

Tarifs de l'eau potable en 2007 En millimes hors TVA = 18 %

Redevances fixes Diamètre DT/Trim. 15 3,300 20 5,830 30 10,740 40 20,570 60 53,460 80 53,460 100 82,810 150 220,670

Examinons alors si la structure tarifaire adoptée parvient à un ciblage pertinent de la population à revenus modestes.

En termes de prix moyen par m3, l’usage domestique branché bénéficie d’une subvention croisée pour toutes les tranches de consommation à l’exception de la 5ème tranche. Le coût de revient moyen du m3 d'eau s'est élevé en effet en 2007 à 607 millimes/m3. Il est supérieur au tarif appliqué à la 4ème tranche de consommation qui est égal à 545 millimes. Autrement dit, la facture de l'eau de l'usager demeure subventionnée jusqu'à ce que sa consommation atteigne 150 m3/trimestre. De ce fait, 99,4% des abonnés domestiques ont bénéficié d'une subvention sur leur facture d'eau pour l'année 2007. En termes de volume, cela correspond à 92,8% du volume consommé par l'usage domestique branché. La subvention est loin de faire profiter les seuls ménages à revenus modestes.

Tableau 11 : Répartition du volume d'eau consommé et du nombre d'abonnés pour l'usage domestique branché par tranche de consommation trimestrielle

Trimestre moyen pour l'année 2007

Tranche (m3/trim.) 0-20 21-40 41-70 71-150 150 et +

% Nombre Abonnés 40,7 32,4 19,9 6,4 0,7

% Volume Consommé par

les ménages 12,3 30,6 31,5 18,4 7,3

Source : SONEDE, 2008c

ii) Les tranches moyennes de consommation sont les plus subventionnées en prix total moyen

L’analyse du prix variable moyen de vente d’eau, sans les charges fixes, montre que la première tranche de consommation bénéficie des plus grandes subventions par mètre cube. Le tarif facturé au m3 correspond en effet à environ 23 % du coût de revient pour la première tranche et respectivement à 50 % et 90 % pour la troisième et la quatrième tranche.

Cependant, l’inclusion des charges fixes dans le calcul du prix total moyen de vente d’eau modifie largement les proportions des subventions pour les différentes tranches de consommation. Le système tarifaire pratiqué par la SONEDE pénalise en fait les petits consommateurs de la 1ère tranche. La courbe ci-après illustre comment les niveaux de consommation de la deuxième et de la troisième tranche bénéficient d’un transfert croisé plus important que certains de ceux de la tranche sociale (0-20 m3).

Figure 12 : Prix total moyen de vente par m3 en fonction de la tranche de consommation

347 380 323 397 305 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 consommation : m3/Trimestre m il li m e s /m 3

PTM : Prix Total Moyen H.TVA = Eau + Redevance CRM : Coût Revient Moyen

Source : établi par l'auteur

La tarification progressive semble donc paradoxalement privilégier des ménages à revenus moyens et s'éloigner en conséquence de son objectif de départ.

iii) Les tranches à faible consommation ne correspondent pas forcément aux ménages les plus démunis

La subvention sociale à travers le système de tarification progressive se fonde de surcroît sur l'hypothèse que les populations à revenus modestes correspondent à celles de faible consommation. Cette hypothèse nous semble fortement discutable! A notre connaissance, il n'y a pas eu d'enquêtes détaillées examinant les bénéficiaires exacts du tarif social et dans quelles proportions ils sont bénéficiaires. Nous pouvons en revanche évoquer certains éléments qui montrent les limites d'une application large de cette hypothèse. En considérant une consommation moyenne d'environ 65 l/j/habitant184, une consommation de 20 m3/trimestre concernerait un ménage de 3 à 4 personnes. Cette taille de ménage nous paraît faible pour les foyers à faible revenu. Il est aussi facile de citer quelques exemples d'abonnés non concernés par le tarif social mais qui paradoxalement en bénéficient : les résidences secondaires des familles aisées, les bureaux de certaines professions libérales (médecins, dentistes, pharmaciens, avocats,…), les petits commerces… Le tarif "social" ne bénéficie donc pas forcément aux familles à faibles revenus! Des usagers qui ne sont normalement pas concernés par la mesure sociale en profitent. Ceci montre la difficulté d’assurer le ciblage des usagers de la catégorie sociale avec une tarification progressive. Il devient indispensable d'entreprendre les enquêtes nécessaires pour déterminer les bénéficiaires exacts du tarif social et pour pouvoir améliorer en conséquence le ciblage.

iv) Une forte pression sur les gros consommateurs

La tarification progressive fait subir la pression des tarifs aux gros consommateurs. Le rapport entre le tarif le plus haut et le tarif le plus faible est très élevé. Il est égal à 6. Les gros consommateurs réagissent à ces ratios par un effort de "migration" vers des tranches à tarif

184

Cette valeur est proche de la consommation spécifique moyenne dans le milieu rural. Elle est estimée à 63l/j/habitant d'après les données statistiques de la SONEDE pour l'année 2007.

plus bas ou par le recours à des sources alternatives d'approvisionnement185. Nous pouvons constater, comme le montrent les chiffres présentés dans le tableau suivant, une baisse continuelle du prix de vente moyen depuis la révision substantielle des tarifs en 2005186. Les recettes de vente d'eau évolueraient en conséquence vers la baisse pour un même volume d'eau produit…

Tableau 12 : Prix moyen de vente d'eau depuis 2000

Années 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Prix moyen de l'eau 406 430 421 431 443 450 456 453

Taux d'évolution - - 5,9% -2,1% 2,4% 2,8% 1,6% 1,3% -0,7%

Prix moyen de l'eau (aux prix constants de 2000)

406,0 421,6 402,1 400,6 397,3 395,4 383,5 369,5

Taux d'évolution - 3,8% -4,6% -0,4% -0,8% -0,5% -3,0% - -3,7%

Source : SONEDE, 2008c

v) Conclusion

Le système de tarification progressive présente des limites importantes pour le ciblage de la population qui devrait bénéficier des subventions. Il est nécessaire de réviser les mécanismes d'aide aux ménages les plus démunis pour leur garantir l'accès à l'eau potable. Le ciblage doit être plus efficace. Il nous paraît approprié de créer un Fonds Social de l'Eau. Ce fonds serait alimenté par un supplément sur le tarif qui apparaîtra distinctement sur la facture des

185

Principalement des forages avec éventuellement installation d'usines privées d'amélioration de la qualité, la salinité en particulier.

186

Outre l'augmentation des tarifs unitaires, la révision de 2005 a consisté à appliquer un seul palier par tranche de consommation. L'impact de cette augmentation sur la facture d'eau se ressent fortement étant donné qu'elle ne bénéficie plus des tarifs bas des tranches faibles.

consommateurs. Il permettrait de couvrir le coût des factures d’eau impayées des plus démunis identifiés par les autorités locales et les cellules d’aide sociale187.

2. Les résultats réalisés par le principal opérateur : la

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