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Le « non-verbal »

Dans le document DOCTORAT EN MEDECINE (Page 69-75)

Chapitre 3 – RESULTATS

D. Le contenant de la représentation (la « forme »)

2. Le « non-verbal »

a. En faveur de l’alliance

a.1. Le « non-verbal » semble donner une information sur l’émetteur

Le non-verbal semble parfois donner une information sur l’émetteur dans le dialogue. Selon la capacité de détection et d’adaptation (consciente et/ou inconsciente) du médecin au non-verbal du patient, cela aboutit à de l’alliance ou de la discordance.

69 En cas de détection et d’adaptation du médecin au « non-verbal » du patient,

il existe une alliance.

A défaut, on observe de la discordance.

Voici un exemple d’alliance :

Exemple : consultation D019 : le médecin entend le non-verbalde la malade et s’y adapte.

La patiente exprime par là qu’elle est surprise et très gênée par l’insistance du praticien, qu’il

y a peut-être « quelque chose qui cloche ». Le médecin se remet alors en questionet fait de la

maieutique avec tact à partir de ce doute, ce qui permet de lever le quiproquo, pour une alliance :

- M « (…) vous l’avez fait quand vot’ frottis ? (…)

- P « Le frottis, euh… »

- M « Ben pour le renouvellement de la pilule, vous avez fait un frottis quand ? »

- P « … Jamais… (sourire discrètement gêné de la patiente qui baisse ensuite les yeux) »

- M « Ah, c’est intéressant… ! »

- P : sourire discrètement gêné de la patiente qui baisse ensuite les yeux pour la deuxième fois, permettant au médecin de se remettre en question « … »

- M « … Vous avez déjà eu…des rapports sexuels…? »

- P « … Non… »

- M « Non, bon ben c’ est pas la peine. Donc faut qu’j’le marque. J’l’ai marqué déjà ou pas ?...Non, j’l’ ai pas marqué. Ca m’évitera d’vous reposer la question. Donc ‘ Frottis…pas encore nécessaire ’

(en le notant sur le dossier informatisé) »

a.2. Le « non-verbal » semble étayer le langage verbal en renforcement positif ou négatif

L’exemple suivant illustre le fait que le « non-verbal » semble étayer le langage verbal en le

renforçant de manière positive, à la faveur de l’alliance :

Exemple : le praticien mime une balance pour étayer ses explications sur le bon équilibre à

trouver entre les entrées et sorties alimentaires dans le cadre du suivi nutritionnel

(consultation C022 : prévention de l’obésité constituée) :

- M « Il vaut mieux se stabiliser, même dans une valeur un p’tit peu haute, que de vouloir descendre, monter, descendre, monter. Vaut mieux accepter un peu plus, mais stable (gestuelle du praticien qui mime avec ses deux mains, les plateaux d’ une balance déséquilibrée, puis à l’équilibre) »

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a.3. Le « non-verbal » semble avoir une fonction quasi-linguistique

Voici un exemple d’élément non-verbal, semblant jouer le rôle de fonction quasi-linguistique, en faveur de l’alliance :

Exemple : la posture d’écoute, d’accueil et de disponibilité du médecin (disposition bien en

face du patient notamment), l’expression empathique de son visage, sont signifiantes,

remplaçant le « verbal », tendant à exprimer : « Je vous écoute, expliquez-moi ce qu’il vous

arrive » (consultation C024 : prévention du syndrome anxio-dépressif en contexte

d’évènement de vie stressant, dépistage de l’absence de bien-être mental)

- M « Comment allez-vous ?(en se rasseyant plus au fond du siège et en enlevant ses lunettes, posture signifiant dans le contexte, qu’il se rend tout disponible à l’écoute de la patiente) »

- P « Ca va (en souriant) »

- M « Ca va, ouais ? (sourire du médecin et de la patiente)…ça suit son cours à peu près ? »

- P « Ca va pas trop…Mais c’ est pas très grave… (mine défaite de la patiente) »

- M « Ouais ouais…ouais ouais…bon…. (le médecin attend que la patiente parle) »

- P « … J’ai un dégât des eaux phénoménal chez moi, mais un truc euh … »

- M « (mimique du visage empathique et signifiant l’étonnement à la faveur du soutien psychologique) Mais qu’est ce qui s’est passé … ? (La patiente se confie alors…) »

a.4. Il semble que le « non-verbal » domine sur le « verbal », et encore d’avantage en cas de dysharmonie entre les deux

Nous avons pu constater l’importance de l’impact du non-verbal qui semble dominer sur le « verbal » dans notre travail.

En effet, nous avons observé une différence entre le contenu « verbal » seul du discours

(retranscriptions) et l’ensemble « verbal et non-verbal » obtenu avec les vidéos.

La dimension non-verbale semble dominer et beaucoup adoucir la dimension verbale du

discours, à la faveur de l’alliance.

Cette dominance du non-verbal sur le verbal se remarque encore d’avantage en cas de dysharmonie entre les deux, comme l’illustre cet exemple :

Consultation B022 : prévention du cancer colo-rectal

Malgré une discordance entre le « verbal » et le « non-verbal » du médecin selon notre analyse, on constate que l’alliance se fait malgré tout, avec le « non-verbal » primant sur le « verbal » :

- P « Je suis…idiote »

- M « Non, c’ est pas idiote, c’est qu’ vous n’avez pas fait attention (ton empathique, rire)…oui…peut-être hein (à propos du test de dépistage de masse Hemoccult bien réalisé, mais égaré par la patiente)

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b. En faveur de la discordance

b.1. Le « non-verbal » semble donner une information sur l’émetteur

Le non-verbal semble parfois donner une information sur l’émetteur dans le dialogue.

Selon la capacité de détection et d’adaptation du praticien au non-verbal du patient, cela aboutit à de l’alliance ou de la discordance.

En cas de détection ou d’adaptation du médecin au « non-verbal » du patient, il existe une alliance.

A défaut, on observe de la discordance.

Voici un exemple de discordance, en lien avec le fait que l’élément non-verbal de mal-être a

été mal cerné par le médecinqui n’a pas été en mesure de bien s’y adapter:

Exemple : consultation A023 (prévention de l’obésité constituée): suite à la sanction verbale

inconsciente du médecin « Ben…manger moins », la réaction émotive très expressive d’impuissance et de demande d’aide du patient en prévention de l’obésité constituée (geste et

mimique du visage) n’est pas suffisamment entendue par le praticien qui ne s’adapte que très

peu voire pas du tout. Il « passe par la force » en ne répondant pas à la demande légitime du

patient.

Ce processus lui échappe (rôle de l’Inconscient), malgré une intentionnalité bienveillante : - M « (…) Ben c’qu’y a, faudrait perdre un peu d’ poids quoi »

- P « Ben je je….comment voulez-vous que je fasse ? ! (en levant les deux bras puis en les faisant retomber bruyamment sur ses cuisses exprimant ainsi son impuissance, sa colère et tristesse) »

- M « (ton plus doux pour tenter de s’adapter mais adaptation insuffisante et le praticien jusqu’à la fin du dialogue dont nous n’avons présenté qu’un extrait, restera sur ses représentations négatives tendant à penser que les patients en obésité mangent tous trop et trop vite. Il s’agit d’un processus inconscient qui échappe ici au médecin). Ouais…non non… Ben…manger moins »

- P « Ben eh j’mange de la salade »

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b.2. Le « non-verbal » semble permettre d’étayer le langage verbal, en renforcement positif ou négatif

Le non-verbal semble parfois permettre un renforcement négatif du langage verbal, à la faveur

de la discordance.

En voici un exemple illustratif :

Exemple de renforcement négatif du message : le médecin renforce son message « verbal » de

refus, par le non-verbal. Ainsi, il secoue la tête pour renforcer son « Non » verbal, le visage crispé… (consultation A075).

- P « Par contre, je voulais savoir, euh vous le faites pas le BCG ? » - M « Non (…) Non (en secouant la tête) »

- P « C’est pas la peine ? »

- M « Non. Maintenant c’est plus obligatoire (…) »

- P « D’accord. Non parce que y a sa tante, pareil, elle a un fils de son âge et elle lui a fait faire. Le médecin, il disait que c’était encore en Ile-de-France en fait euh »

- M « … » ( Silence du praticien qui ne fait que secouer la tête, le visage crispé ) - P « Non, c’ est pas la peine ? »

- M « Non (…) »

b.3. Le « non-verbal » semble avoir une fonction quasi- linguistique

Voici des exemples d’éléments non-verbaux, semblant jouer le rôle de fonction quasi-linguistique, en faveur de la discordance :

Exemple 1 : le geste du praticien qui écrit « réduire la confiture » dans le dossier de la

patiente, semble avoir une fonction quasi-linguistique. Il « passe en force » malgré le

désaccord de la patiente, ce qui majore la discordance avec une réaction immédiate de

défense « Oui. Mais je vais manger du miel à la place »: consultation D016 (dépistage

d’anomalies biologiques sanguines : hypertriglycéridémie) - M « Ben essayez d’en enlever un peu ? »

- P « Voilà c’est peut-être la confiture, mais enfin j’en ai toujours mangé de la confiture » - M « Oui mais vous faites peut-être moins d’activité physique dans une journée par rapport à

avant » - P « Peut-être »

- M « Essayez de réduire la confiture, les petits gâteaux »

- P « D’accord (silence)…C’est vraiment ça hein, confiture et petits gâteaux hein ? »

- M « Ben c’est sucre-alcool…(le médecin note sur le dossier informatisé de la patiente tout en prononçant à haute voix ce qu’elle écrit) ‘ réduire la confiture ‘ … De toute façon, si vous pouviez l’enlever la confiture hein »

- P « Oui. Mais je vais manger du miel à la place »

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Exemple 2 : la gestuelle de recul de la patiente qui croise les bras, en position de fermeture sur

soi pour se défendre est significative (consultation D003 : dépistage du cancer du col utérin

par le frottis cervico-vaginal)

- M « Donc euh, pourquoi vous l’aviez pas fait le frottis ? parce que ça vous casse les pieds ? » - P (elle croise les bras et se recule discrètement, moins penchée en avant vers le médecin :

mécanisme de défense) « … Oh j’crois que c’est… J’ai dû le faire il y a longtemps (sourire). Comme ça fait plus de 10 ans que je vis toute seule »

b.4. Il semble que le « non-verbal » domine sur le « verbal » parfois, en cas de dysharmonie entre les deux

Nous avons pu constater l’importance de l’impact du non-verbal qui semble dominer sur le « verbal » dans notre travail.

Cette dominance se remarque encore d’avantage en cas de dysharmonie entre les deux, comme l’illustre cet exemple :

Exemple : consultation A075 (prévention de la tuberculose par le BCG, demande de ce

vaccin par la patiente pour son nourrisson) :malgré une discordance entre le « verbal » (« si

vous voulez qu’on fasse le vaccin, on le fait, j’vous dirais pas non ») et le « non-verbal » du

médecin en défaveur, on constate que l’alliance ne se fait pas, avec « passage en force » du

médecin.

Le « non-verbal » prime sur le « verbal » :

- M « (…) Et compte-tenu du vaccin, moi je trouve que c’est inutile (…) Alors, maintenant, si vous voulez qu’on le fasse, moi je vous dirais pas non. Mais honnêtement, en terme de bénéfice-risque, j’trouve que non (avec une gestuelle de main posée de travers sur le bureau qui tranche la décision et une mimique du visage du médecin, en contradiction avec le ‘ verbal ’ qui semble donner un espace à la patiente dans la décision) (…)»

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Dans le document DOCTORAT EN MEDECINE (Page 69-75)