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De la blessure ou de la mise en difficulté du médecin et/ou du patient

Dans le document DOCTORAT EN MEDECINE (Page 109-115)

Chapitre 4 – DISCUSSION

B. Le thème de la représentation

2. De la blessure ou de la mise en difficulté du médecin et/ou du patient

2. De la blessure ou de la mise en difficulté du médecin et/ou du patient

Nous venons d’aborder le thème de santé à la faveur de la discordance, en rapport avec des pathologies d’avantage stigmatisées (prévention de l’obésité constituée ici).

Mais dans nos résultats, pour l’immense majorité des cas de discordance, nous avons observé

des thèmes de blessure ou de mise en difficulté du médecin et/ou du patient.

a. De la blessure

De la blessure du patient

Nous avons observé dans notre échantillon de 44 vidéos, 2 cas de discordance en réaction à

une blessure du patient.

Il s’agit ici de la même blessure de manque de reconnaissance, en lien avec le besoin

fondamental insatisfait d’estime selon A. Maslow (blessure en partie voire pleinement

inconsciente).

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Merci au Dr A. Catu-Pinault de l’avoir fait remarquer à la réunion de travail du GISSMED du 5/01/2017 au DERMG de Paris VI, au cours d’une discussion autour de l’empathie.

109 Elle concerne le manque de reconnaissance des efforts des patientes des consultations C001 et

D025 (prévention de l’obésité constituée), en lien avec la représentation sociale de « régime

contraignant, restrictif, qui prive du plaisir » :

Exemple : consultation D025 :

- M « Et alors le poids, vous en pensez quoi ?...Vous en êtes où ? »

- P « Euh, j’pense que ça devrait aller parce que là, euh, en fait on s’est inscrit à une salle de sport, y a 2 mois, qui est super, c’est à Dupleix. C’est un nouveau truc low cost, un truc comme ça… C’est pas cher »

- M « Hum hum »

- P « (…) et euh y a des cours, y a, donc j’vais euh…minimum 3 fois par semaine depuis 2 mois… »

- M « D’accord » (elle acquiesce de la tête avec un air surpris et admiratif)

- P « Et ça, ça a tout changé (rire de la patiente et du médecin) (…) Le dos, ça va beaucoup mieux le dos…et euh, et le stress, vraiment, on dort bien quoi (rire ) » (…)

- M « Donc euh, vous vous êtes pesé chez vous ou pas ? »

- P « …Euh la semaine dernière »

- M « Et alors, vous étiez à combien ? »

- P « J’étais à 71 »

- M « Ah donc c’est pareil que l’ autre fois »

- P « Pareil ?!...» (La discordance vient du mot choc « pareil » qui pour la patiente représente un manque de reconnaissance de ses efforts entrepris en salle de sport depuis 2 mois, en opposition au rationnel du poids qui est exactement le même. Symboliquement, ce n’est pas « pareil » pour elle et cela la heurte, la blesse. Le médecin va alors habilement rejoindre la représentation de la patiente car en effet, il y a un processus nouveau qui est en place, en délaissant transitoirement la rationalité pour rejoindre la patiente, là où elle est. La consultation se terminera sur du rationnel avec un suivi nutritionnel par carnet alimentaire pour la prochaine consultation. Par cet exemple pratique, l’importance de tenir compte non seulement du rationnel, mais aussi d’avantage de l’irrationnel dans le discours médecin-malade - représentations sociales et individuelles - au cœur de la consultation, est encore soulignée.)

- M « Oui. Sauf qu’effectivement, vous vous sentez peut-être mieux parce que c’est d’avantage du muscle et moins d’la graisse (sourire) »

- P « Ouais. Ca, ya pas moyen de savoir ? » (rire)

- M « Euh… (en souriant) pas avec ma balance à moi mais y a des balances qui font la différence mais…vous, vous devez sentir la différence ? »

- P « Ben je sens les vêtements »

- M « Voilà (en acquiesçant de la tête plusieurs fois) »

- P « Les vêtements…Après euh, mais j’veux quand même perdre, là j’crois qu’j’me suis un peu stagnée… »

- M « Hum hum »

- P « Mais euh… j’essaie vraiment de, j’mange pas beaucoup hein, je… mais y a des jours où euh…j’sais pas vraiment pourquoi je perds pas plus en fait, parce que…là j’fais du sport… »

- M « (…) oui, donc effectiv’ment, vous pouvez encore perdre un p’tit peu mais bon, y a pas d’urgence (ton rassurant et chantant), on peut faire ça doucement, ça va s’ décanter un moment »

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- M « Maintenant, sinon vous revenez et vous m’écrivez tout c’ que vous mangez et on recommence » (bref silence où médecin et patiente ont un contact oculaire direct prolongé au service de la compréhension)

- P « Ouais …ben »

- M « La prochaine fois ? »

- P « Oui »

- M « (le médecin écrit sur le dossier informatisé de la patiente)…Alors euh, ‘ Ecrire tous …les…repas….pour la…prochaine fois ’ »

De la blessure du praticien

Nous avons constaté dans notre échantillon, 2 cas de discordance en réaction à une blessure

du médecin.

Nous avons fait le choix de ne pas spécifier les consultations en question, par souci éthique et de discrétion déontologique, afin que les médecins de l’étude ayant gracieusement accepté de se faire filmer, ne se sentent pas gênés… De plus, cela ne modifie en rien les résultats retrouvés.

Il s’agit de blessures encore en lien avec le besoin fondamental insatisfait d’estime selon A.

Maslow (blessures en partie voire pleinement inconscientes).

Elle concerne la blessure d’un médecin en lien avec le fait qu’il se sente remis en cause par la

patiente qui insiste face à son refus de vaccination.

Cela se majore lorsque la patiente prend l’argument d’un autre médecin généraliste qui a fait ce vaccin pour un membre de sa famille.

Il s’en suit un refus d’avantage marqué avec « passage en force » du médecin et usage de

sanctions verbales inconscientes dans le discours (mécanismes de défense) : « faut être

raisonnable », « c’ est pas raisonnable », « faut quand même peser le pour et le contre », « et

c’est comme ça qu’après on crie au scandale ! »

Ce processus échappe autant au médecin animé pourtant d’une intentionnalité bienveillante, qu’au malade.

La discordance concerne également la blessure d’un autre médecin en lien avec une

représentation sociale de manque de compétence du médecin généraliste par rapport au gynécologue (spécialiste d’organe).

Selon notre analyse, le médecin se sent inconsciemment remis en cause et réagit :

- M « ‘Frottis ….pas encore nécessaire’ »

- P « Mais par contre, j’vais aller consulter un gynécologue bientôt »

- M « Euh, pour ça ou… ? pour le frottis ou…? »

- P « Non, pour faire un bilan général »

111 Il s’en suit une question du médecin sur les connaissances de la patiente sur le frottis cervico-vaginal. Cela aboutit à une sorte de « cours magistral » que le praticien fait à la patiente en jargon très scientifique, comme pour reprendre inconsciemment sa place de « sachant » tout aussi compétente que le spécialiste selon notre analyse. Elle utilise alors la sanction verbale inconsciente du mot « cancer » en mécanisme de défense, comme le montre ce court extrait de verbatims :

- M « Donc c’est une zone de transition qui est donc sensible à ces fameux virus…qui peuvent donner un cancer du col. Donc le frottis, l’idée c’est d’aller voir régulièrement, si y a pas des anomalies cellulaires qui sont dûes à ces virus. Si y a des anomalies, on gratouille et on fait quelque chose et on n’attend pas qu’y ait un cancer d’ l’utérus ».

Il est important de souligner à nouveau que ce processus de blessures avec mécanismes de

défense échappe autant au médecin animé d’une intention bienveillante, qu’au malade (rôle de l’Inconscient).

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b. De la mise en difficulté

Nous avons également constaté dans notre échantillon, de fréquents cas de discordance en

réaction à une mise en difficulté du patient et/ ou du médecin.

De la peur et/ou mise en difficulté du patient

Nous avons observé des discordances en cas de thématiques à type de mise en difficulté et/ou

de peur du patient :

- face à la maladie envisagée dans les prévention/dépistage

- face au changement d’habitus proposé

- face à un praticien qui ne répond pas au mythe du médecin tout-puissant omnipotent et

omniscient sécurisant

- face à un nouveau traitement contraignant qui va modifier le quotidien…

En voici un exemple illustratif, à propos du traitement anti-paludéen (prévention du

paludisme en consultation du voyageur) qui fait l’objet d’une longue négociation par la

patiente dans la consultation (court extrait présenté seulement). Elle exprime implicitement

une peur face au risque d’avoir un effet secondaire, de devoir arrêter le traitement et de se faire alors piquer par un moustique :

Consultation C022 :

- M « (après avoir expliqué les effets secondaires à la patiente) Ca c’est les effets secondaires »

- P « Mais c’est obligatoire qu’ils arrivent ? »

- M « Ah ben non, sinon on ne le prescrirait pas »

- P « (sourire)…Mais si je ne me sens pas bien d’un seul coup, dans ce cas-là, je stoppe ? »

- M « Voilà »

- P « Et euh, je prie pour ne pas me faire piquer ?! »

De la mise en difficulté du médecin

Nous avons constaté des discordances en cas de thématiques à type de mise en difficulté du

médecin :

- face à un patient qui ne répond pas aux attentes fantasmées du patient « idéal » : ne

vient pas en consultation régulièrement, n’a pas fait l’examen de dépistage, n’a pas suivi les conseils préventifs prodigués…

- face à un patient qui négocie énormément (en raison de ses peurs, ses mises en

difficultés qu’il n’exprime pas toujours explicitement au médecin)…

En voici un exemple illustratif, à propos de l’hypertriglycéridémie (dépistage d’une anomalie

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négocie énormément et ne lui exprime pas assez explicitement, ses peurs et difficultés face au

bouleversement que représente pour elle cette demande de changement d’habitus alimentaire. Consultation D016 :

- M « Alors, (en regardant résultats du bilan sang de contrôle), cholestérol total, c’est bien, le LDL ça va, les triglycérides, c’est un peu haut ça (ton enjoué reprobateur, le médecin n’est pas dans l’accusation, le jugement ou l’autoritarisme) ? »

- P « Oui, j’ai vu ça »

- M « Sucre - alcool » ¨

- P « Ah, alcool ça c’est à bannir hein, parce que j’ bois pas beaucoup »

- M « Et les pâtisseries et machins comme ça ? »

- P « Euh, la confiture, les petits gâteaux peut-être, des gâteaux secs »

- M « Ben essayez d’en enlever un peu ? »

- P « Voilà c’est ça peut-être la confiture mais enfin j’en ai toujours mangé de la confiture »

- M « Oui mais vous faites peut-être moins d’activité physique dans une journée par rapport à avant »

- P « Peut-être… »

- M « Essayez de réduire la confiture, les petits gâteaux »

- P « D’accord… (Silence). C’est vraiment ça hein, confiture et petits gâteaux hein ? »

- M « Ben c’est sucre-alcool »

- M « (elle écrit sur le dossier informatisé) ‘ Réduire la confiture ’. De toute façon, si vous pouviez l’enlever la confiture hein »

- P « Oui. Mais je vais manger du miel à la place »

- M « Non. Vous allez manger du fromage ou du jambon, un yaourt »

- P « Ben oui mais ça fait pas grossir tous ces trucs-là ? »

- M « Enfin c’ est pas un problème de grossir. C’est un problème de triglycérides (…) »

L’ensemble de ces résultats mettent en exergue l’importance des mécanismes de défense à l’œuvre dans la relation de soin, à la faveur de l’alliance ou de la discordance (rôle de l’Inconscient).

Ils soulignent également les manques communicationnels en terme d’implicites qui ne sont

pas toujours entendus, au lieu d’user d’une communication plus authentique de leurs besoins pour le médecin et le patient. Ils rencontrent souvent en effet, des difficultés de communication en tant qu’être humains, d’où la nécessité de se perfectionner en ce sens pour le médecin ( le « sachant »).

Cela constitue également un éclairage sur l’importance pour le médecin en particulier,

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