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Des représentations de la santé

Dans le document DOCTORAT EN MEDECINE (Page 115-119)

Chapitre 4 – DISCUSSION

B. Le thème de la représentation

3. Des représentations de la santé

Nous avons constaté que pour le praticien, l’alliance ou la discordance se voient surtout selon

la prise en compte, ou non, du bouleversement de vie que représente la prévention ou le

dépistage d’une éventuelle pathologie, atteinte à sa santé, pour le malade.

En effet, nous avons observé qu’en cas de prise en compte par le médecin de cette représentation du malade (de manière consciente ou inconsciente), on aboutit à une alliance. A défaut, c’est la discordance qui prime.

a. La réaction du patient, conditionnée par sa représentation de la situation

Selon J.-C. Abric, « l’individu ne réagit pas à la situation telle qu’elle est mais telle qu’il se

la représente »80.

La prévention et le dépistage de la maladie, sont parfois vécus par le patient comme la maladie elle-même, par anticipation.

« Le vécu de l’annonce d’une maladie ou d’un handicap appartient au malade, tandis que le

médecin écoute, entend, accompagne et accuse réception de la souffrance exprimée »81.

En voici un exemple illustratif :

Consultation A024 : à propos du dépistage individuel du cancer du sein au-delà de 74 ans

par la Mammographie :

- P (à propos de la gynécologue) : « Elle m’a dit : ‘ C’est la dernière fois que vous faites la mammographie puisque ça s’arrête à 75 ans’ (…). C ’ est pas parce qu’on a 75 ans qu’on est à la merci de… »

En effectuant le test de dépistage par la Mammographie, la patiente se représente, s’imagine

le cancer du sein comme étant déjà là : « à la merci de… (sous-entendu : du cancer du sein,

qu’elle n’ose même pas nommer…) ».

80

Abric J.-C. (1999). Psychologie de la communication – théories et méthodes, Ed. A. Collin, Paris, 2014, p 10

81

Moley-Massol I. (2004). L’annonce de la maladie- Une parole qui engage, coll. Le pratique, Ed. DaTe Be SAS, Paris, p 35

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b. La peur du patient face à une menace pour son intégrité

La maladie est souvent vécue comme une menace pour l’intégrité, l’identité globale du patient.

En conséquence, la santé est un thème sensible.

L’inquiétude, la peur voire l’angoisse sont alors au centre, en lien avec un besoin fondamental de sécurité insatisfait (besoin fondamental selon A. Maslow).

Tâcher de comprendre, en rejoignant la représentation du patient pour l’accompagner, lui

expliquer, permet de répondre à ce besoin de réassurance, au service du soulagement.

Cela évite de renforcer la blessure que peut provoquer l’annonce d’ une possible survenue de la maladie, explorée par la prévention et le dépistage.

Ne pas tenter de comprendre et encore d’avantage, avoir un jugement négatif dans ce cas, ne ferait que renforcer la blessure du malade.

c. Mécanismes de défense

Interviennent alors des mécanismes de défense chez le patient, et parfois aussi chez le praticien mis en difficulté.

Selon D. Jodelet, « on conçoit dès lors, que la représentation remplisse certaines fonctions

dans le maintien de l’identité sociale et de l’équilibre socio-cognitif qui s’y trouve lié. Il n’est

qu’à voir les défenses mobiliséespar l’irruption de la nouveauté »82

. C’est ce que J.-C. Abric explique ainsi :

« Si, dans une situation de communication, une information reçue (…) menace de

bouleverser l’équilibre interne de l’individu, on va voir apparaître des mécanismes visant à maintenir ou à restaurer cet équilibre. L’individu va alors organiser l’information, le message, de telle sorte qu’il corresponde à la structure antérieure de ses attitudes. Autrement dit, toute information qui ne correspond pas au système de valeurs, au système de normes, au système de relations acceptées, et qui menace son propre système d’attitudes, sa propre

vision du monde, va déclencher quasi automatiquement un mécanisme de défense. Ce

mécanisme vise à protéger le système de fonctionnement personnel ou idéologique »83.

82

Jodelet D.« Représentations sociales : un domaine en expansion » in Les représentations sociales (dir. D. Jodelet), 1989, coll. Sociologie d’aujourd’hui, PUF, Paris, p 68

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d. La suspicion de maladie ou la rupture d’un habitus : un deuil

Nous avons vu que « l’individu ne réagit pas à la situation telle qu’elle est mais telle qu’il se

la représente »84.

La suspicion de maladie ou la proposition de rupture d’avec un habitus, appréhendée dans la

prévention et le dépistage, est vécue parfois comme un deuil par le patient.

En voici un exemple illustratif :

Consultation D016 : dépistage d’anomalie du bilan biologique sanguin :

La réaction de la patiente, à la demande de réduction de la confiture en rapport avec une

découverte d’hypertriglycéridémie, est vécue comme un deuil. Cela est d’autant plus

significatif que la patiente négocie longtemps en répétant le mot « confiture » traduisant implicitement qu’elle y tient, et avec irruption de plusieurs mécanismes de défense inconscients. En voici un extrait :

- P « Euh, la confiture, les p’tits gâteaux peut-être, des gâteaux sec »

- M « Ben essayez d’en enlever un peu ? »

- P « Voilà c’est ça peut-être la confiture mais enfin j’en ai toujours mangé de la confiture »

- M « Oui mais vous faites peut-être moins d’activité physique dans une journée par rapport à avant »

- P « Peut-être »

- M « Essayez de réduire la confiture, les petits gâteaux »

- P « D’accord… (Silence) C’est vraiment ça hein, confiture et petits gâteaux hein ? »

- M « Ben c’est sucre-alcool (elle écrit sur le dossier informatisé tout en le prononçant à haute voix : ) ‘Réduire la confiture’. De toute façon, si vous pouviez l’enlever la confiture hein »

- P « Oui. Mais je vais manger du miel à la place »

- M « Non. Vous allez manger du fromage ou du jambon, un yaourt »

- P « Ben oui mais ça fait pas grossir tous ces trucs-là ? »

- M « Enfin c’est pas un problème de grossir. C’est un problème de triglycérides »

Selon I. Moley-Massol, « toute perte (…) d’un état (…) fortement investi (…) met le sujet à

l’épreuve du deuil »85

.

Il le vit alors psychiquement avec des mécanismes de défense (déni, marchandage par

exemple…) mobilisés pour avancer dans le cheminement pour « faire avec ». C’ « est un

travail de renoncement et de réparation psychique. Il permet à l’individu de ‘ faire avec’

84 Ibid., p 10 85

Moley-Massol I. (2007). Relation médecin-malade- Enjeux, pièges et opportunités- Situations pratiques, coll. Le pratique, Ed. DaTeBe SAS, Paris, p 31

117 l’évènement douloureux, la maladie, le handicap, sans le nier ou l’oublier mais sans

empêcher non plus le mouvement de la vie »86.

« Le sujet malade réalise une succession de pertes, perte de l’image de soi en tant que

personne bien portante, perte de ses objets de vie, de son rapport aux autres et au monde, perte d’une partie de son corps parfois, plus ou moins investie, perte enfin de l’illusion

infantile que nous gardons tous au fond de nos inconscients, de son immortalité »87.

Nous avons constaté dans nos résultats que de mêmes thèmes de santé se retrouvent souvent en situation d’alliance et de discordance.

Cela souligne le fait que le thème de la représentation n’explique pas à lui seul, le phénomène d’alliance ou de discordance.

En effet, d’autres éléments pourraient intervenir. Qu’en est-il de la représentation sociale de Posture ?

86Ibid., p 32

87

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