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Confrontation à la littérature : les représentations, indispensables à l’Homme

Dans le document DOCTORAT EN MEDECINE (Page 97-101)

Chapitre 4 – DISCUSSION

B. Les représentations dans le discours de prévention et dépistage

3. Confrontation à la littérature : les représentations, indispensables à l’Homme

Les représentations sociales et individuelles ont une fonction de sens, répondant à un besoin

présent au plus profond de l’être humain.

a. Besoin de l’Homme de « voir » l’insaisissable de la réalité toute entière

Dans le champ de la santé et de la relation de soin, se côtoient des éléments rationnels et irrationnels. Il est nécessaire pour l’individu de trouver une cohérence avec cet ensemble,

répondant selon A. Maslow, au besoin fondamental d’être sécurisé.

Cela fait référence à la « fonction de savoir » des représentations 61, afin de mieux

« discerner » la réalité véritable malgré une intégralité insaisissable.

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Selon un article de E. Galam, extrait du livre de la Conférence permanente de la Médecine générale, pédagogie de la relation thérapeutique (apports théoriques), 2003, cité in Even G. (2006). « Enseigner la relation médecin-malade – Présentation d’une expérience pédagogique développée à la faculté de médecine de Créteil », in Pédagogie médicale, Paris.

61Abric J.-C. (1994). « Les représentations sociales : aspects théoriques », in Pratiques sociales et représentations (dir. J.-C. Abric), coll. Psychologie sociale, PUF, Paris, p 21

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b. Besoin de sens

Le discours de la science, le « rationnel », explique le « comment » de la réalité telle qu’il est

possible de s’en saisir. Il est complémentaire du discours « irrationnel » au travers des

représentations, qui tente d’expliquer le « pourquoi » de la réalité. C’est toute la dimension

du sens et de la symbolique.

On ne peut chercher à détruire les représentations ou à les nier.

Selon N. Zadje, à propos des victimes des camps de concentration de la 2nde guerre mondiale

et de leurs descendants : « Si l’on veut déstabiliser un être, le fragiliser au plus haut point, il

suffit de lui ôter son mode de représentations, son mode de pensée ; en le dessaisissant de son univers culturel, en lui ravissant l’espace psychique qui lui permet de donner un sens à ce qui

lui arrive, on rafle son âme, on le tue »62.

L’Homme a besoin de croyances.

Pour P. Mannoni, les représentations servent « à faire circuler le sens »63.

C’est la « fonction de sens » des représentations.

Elles répondent ainsi, à ce besoin de sens présent au plus profond de l’être humain.

I. Moley-Massol l’exprime ainsi : « la quête de sens est le propre de l’Homme, indissociable

de son évolution, indispensable à son équilibre psychique »64.

J.-C. Abric parle des représentations individuelles et sociales en ces termes : « il s’agit d’une

approche des phénomènes qui ne s’intéressent plus exclusivement aux facteurs et aux comportements directement observables, mais qui met l’accent sur leur dimension symbolique

qui se centre sur la notion de signification (cf Grisez, 1975) »65.

62 Zadje N. (1995), Enfants de survivants, Ed. Odile Jacob, Paris p 83, in Mannoni P., Les représentations sociales, Paris, coll. Que sais-je, Ed. PUF, 1998, p 21

63 Mannoni P., Op. cit. p 68

64 Moley-Massol I. (2004). L’annonce de la maladie- Une parole qui engage, coll. Le pratique, Ed. DaTe Be SAS, Paris, p 32

65 Abric J.-C. « L’étude expérimentale des représentations sociales », in Les représentations sociales (dir. D. Jodelet), 1989, coll. Sociologie d’aujourd’hui, PUF, Paris, p 206

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« Intervenant dans la production et la mise en circulation des savoirs quotidiens, les

représentations sociales sont donc porteuses de significations. Même dans les cas où des décalages existent entre les représentations et les objets, ce qui prévaut dans la symbolisation

mise en œuvre, c’est la signification que celle-ci confère à telle ou telle partie de

l’environnement »66

.

La prise en compte du sens par le médecin, en rejoignant le patient dans sa représentation

propre même s’il ne la partage pas, occupe ainsi une place majeure en faveur de l’alliance :

« Personne ne donne la même signification à un même fait ». Cela « dépend de l’histoire du

sujet, ce qui revient à dire que, dans une même situation, chacun se construit des souvenirs différents »67.

Consultation C004 :

Voici un exemple pratique où le médecin essaie, au travers d’une représentation (le 2ème de

cordée), de donner un peu de sens à ce que vit la patiente et tenter de rendre la souffrance

moins insupportable, moins lourde à porter en contexte de deuil (décès de la sœur de la

patiente il y a 8 mois et enterrement de son beau-frère hier) : prévention du syndrome

anxio-dépressif en contexte d’évènement de vie stressant :

- M « Oui…oui oui (visage empathique, ton doux et fluence verbale adaptés au contexte)…assez classique euh (…) j’ai un, un collègue euh méd’cin qui a écrit un bel article qui a été publié qui, il a appelé ça le syndrome du 2ème de cordée… c’est-à-dire vous savez, quand le premier tombe, le deuxième il dévisse au bout d’un moment… Enfin alors que rien n’ prédisposait forcément mais tac (ton très doux), y a comme un cataclysme… »

- P « Oui…oui » (en hochant la tête)

- M « …qui s’produit »

- P « Oui….sa santé a décliné… »

c. Des représentations sociales et des Hommes : des médecins et des patients ancrés dans une culture sociétale

Les médecins ont, au même titre que les patients, des représentations sociales pour une autre raison : ils appartiennent à une société et à une culture commune.

C’est ce qu’expose F. Laplantine : « la médecine fait partie de toute évidence de la culture et

c’est la tâche de l’anthropologue de mettre en évidence l’illusion d’une pratique qui pourrait

être affranchie des représentations de la société dans laquelle elle s’inscrit »68.

66 Mannoni P., Op. cit. p 68

67 Cyrulnik B. (2012), Sauve-toi, la vie t’appelle, Ed. Odile Jacob, Paris, p 49

68

Laplantine F., « Anthropologie des systèmes de représentations sociales : de quelques recherches menées dans la France contemporaine réexaminées à la lumière d’une expérience brésilienne ” in Les représentations sociales (dir. Jodelet), 1989, coll. Sociologie d’aujourd’hui, PUF, Paris, p 300

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d. De la négation de l’Homme dans sa globalité, au travers du déni de la prise en compte des représentations ?

Les représentations sont parfois prises en compte implicitement par le praticien mais ce n’est

pas toujours le cas.

Il semble utile de les connaître d’avantage afin d’en prendre conscience et de les repérer. Nier l’existence des représentations et ne pas les prendre en compte dans nos interactions, ne reviendrait-il pas à nier l’Homme ?

Cela ne serait-il pas à renier la dimension humaine complexe du patient situé face à nous, ainsi que la nôtre en tant que médecin ?

Les représentations sociales et individuelles font partie par essence de l’Homme.

L’être humain se distingue notamment de la machine et de l’animal, parce que qu’il a des représentations, des croyances.

C’est ce qu’exprime avec humour, B. Cyrulnik : « J’ai constaté que mon chien ne sait pas

mentir, et que le problème philosophique et même épistémologique est que cette authenticité

tragique vient du fait qu’il ne se représente pas mes représentations. C’est-à-dire que, dans

sa dramaturgie interne, dans son monde de chien, il s’adapte à ce que je suis, mais il ne

s’adapte pas à ce que je pense et à l’idée que je me fais de lui »69

.

Le praticien, en tant que médecin et être humain à la fois, est pleinement concerné par les représentations sociales et individuelles. Il en va de même pour son malade qui présente cette dualité de patient et d’être humain également.

Ainsi, les représentations existent. Elles sont inhérentes à l’Homme et donc à prendre en

compte dans notre pratique clinique quotidienne.

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Cyrulnik B. (1995), « Le jeu des comédiens », in Actes du Colloque Art, Jeu et Cerveau, Mouans-Sartoux, in P. Mannoni, 1998, Les représentations sociales, coll. Que sais-je, PUF, Paris, p 13

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