Chapitre 4 – DISCUSSION
B. Impact clinique concret des représentations : énième argument
Les représentations ont « trait avec l’édification des conduites »168.
B. Impact clinique concret des représentations : énième argument
Par leur prise en compte dans la relation de soin, le « service médical rendu »
comportementaldes représentations est réel.
Les croyances ont en effet, un impact concretsur le comportement, au-delà du seul relationnel
médecin-malade.
166
Mannoni P., Op. cit., p 10
167 Jodelet D., Op. cit., p 56
158
Selon J.-C. Abric, les représentations « guident les comportements et les pratiques »169.
D. Jodelet l’exprime ainsi : « Les comportements des sujets ou des groupes ne sont pas
déterminés par les caractéristiques objectives de la situation, mais par la représentation de cette situation »170.
Des auteurs comme Kleinman (1978) attestent de l’importance de l’influence des
représentations sur les décisions de soin : « les individus possèdent par leur culture, un savoir populaire, une conception des causes de la maladie et des démarches à entreprendre en vue de guérir(…). Le thérapeute doit fait preuve d’altérité afin d’accéder aux
représentations du savoir du patient et de les intégrer aux décisions thérapeutiques »171.
Concernant la transmission du message et l’adhésion comportementale, certains auteurs comme A. Golay ou J.-P. Assal, évoquent le lien entre le fait de rejoindre les représentations et l’observance.
« J.-P. Assal déclare que 40% des patients hypertendus croient que le traitement hypotenseur
a pour effet de calmer les nerfs tandis que 50% des patients confondent neuropathie, maladie des nerfs, et fragilité psychologique. Pour l’auteur, ces croyances pourraient expliquer un
certain nombre d’interruptions de traitement »172.
L’importance majeure de la prise en compte des représentations dans les comportements du
médecin et du patient, et donc l’observance du patient, est ainsi réaffirmée.
169
Abric J.-C. (1994). « Les représentations sociales : aspects théoriques », in Pratiques sociales et représentations (dir. J.-C. Abric), coll. Psychologie sociale, PUF, Paris, p 22
170 Mannoni P., Op. cit., p 50 171
Richard C., Lussier MT, 2005, La communication professionnelle en santé, Montréal : ERPI, in Lemoing L. (2011). « Intérêt et faisabilité de la réalisation d’une base de données de consultations filmées de Médecine Générale pour la Recherche ». Thèse d’exercice de Médecine générale. Paris V. p 21
172
Assal J.-P., in Grimaldi A., Cosserat J. et al. (2004). La relation médecin-malade, Elsevier, Paris, in Moley-Massol I. (2007). Relation médecin-malade- Enjeux, pièges et opportunités- Situations pratiques, coll. Le pratique, Ed. DaTeBe SAS, Paris, p 26
159
En conclusion
Lorsqu’elles sont prises en compte et en l’absence de représentations assorties de jugement négatif à l’encontre de l’un des deux protagonistes de la relation,
les représentations individuelles et sociales sont au service de :
- la communication
- la relation de soin (empathie, qualité)
- la transmission du message
- l’attitude induite du médecin et du malade
- et l’adhésion comportementale au message (observance du patient).
D. Jodelet l’exprime ainsi : « On reconnaît généralement que les représentations (…), en tant
que systèmes d’interprétation, régissant notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales. De même, interviennent-elles dans des processus aussi variés que la diffusion et l’assimilation des connaissances, le développement individuel et collectif, la définition des identités personnelles et sociales,
l’expression des groupes et les transformations sociales »173
.
Les représentations sont partie prenante des soins.
160
VI. Lien entre les représentations et l’Approche centrée sur la
personne
A. L’Approche centrée sur la personne (ACP)
Rejoindre les représentations du patient et les accueillir sans jugement négatif qui condamne,
même lorsqu’on ne les partage pas, permet de rejoindre le modèle de l’ACP de Carl Rogers
(regard bienveillant inconditionnel).
« Le malade est en attente d’un technicien d’excellence, doté du pouvoir de guérir, soulager,
réparer son corps ou son psychisme blessés. Il veut que le médecin déchiffre son mal, donne un sens, repousse ses limites et lui apporte des réponses sur sa vie, sa mort, son salut. Il veut être perçu dans sa globalité et non réduit à un organe malade (…). Le sujet malade veut être
entendu et reconnu dans toutes les dimensions de son être et ses contradictions »174.
Tâcher de rejoindre les représentations individuelles et sociales est en lien avec la prise en
charge globale biomédico-psycho-sociale du patient (Approche Centrée sur la Personne).
Cela correspond à la reconnaissance de la dignité de l’être humain, qui n’est pas
uniquement un animal avec ses seuls besoins vitaux physiologiques biomédicaux. Il est bien d’avantage.
Prenons le temps de rappeler ce que B. Cyrulnik (1995) affirme avec humour : « J’ai constaté
que mon chien ne sait pas mentir, et que le problème philosophique et même épistémologique
est que cette authenticité tragique vient du fait qu’il ne se représente pas mes représentations.
C’est-à-dire que, dans sa dramaturgie interne, dans son monde de chien, il s’adapte à ce que
je suis, mais il ne s’adapte pas à ce que je pense et à l’idée que je me fais de lui »175
.
Cela s’inscrit dans le sillage de Engel (1977, critique de l’approche biomédicale seule)176
.
« La rencontre médecin-malade se construit autour d’un double langage particulièrement
complexe, celui du corps, du symptôme » (domaine du biomédical, du discours rationnel de la
Science) « et celui de la parole » (dans lequel se trouvent incluses les représentations :
domaine de l’Irrationnel ). « Le malade adresse au médecin une plainte et une demande. Mais
174 Moley-Massol I. (2007) « Le pouvoir thérapeutique de la relation médecin-malade » in Relation médecin-malade- Enjeux, pièges et opportunités- Situations pratiques, coll. Le pratique, Ed. DaTeBe SAS, Paris, p 15-16
175
Cyrulnik B., 1995, « Le jeu des comédiens », in Actes du Colloque Art, Jeu et Cerveau, Mouans-Sartoux, in P.Mannoni, 1998, Les représentations sociales, coll. Que sais-je, PUF, Paris, p 13
161 de quelle plainte est-il question ? Le sens de la demande ne va pas toujours de soi. Le malade ‘offre’ son symptôme au médecin, disait Balint. Au-delà de cette offre symptomatique manifeste, quelle est la demande latente de ce malade, obscure à lui-même, qui exprime ses désirs véritables ? » 177.
Nous mettons en évidence dans notre travail, un lien entre le fait de rejoindre les
représentations et la satisfaction des besoins fondamentaux de l’Hommeselon A. Maslow. Prendre en compte les représentations sociales et individuelles dans la relation de soin, même si on ne partage pas celles de l’autre, revient à prendre en compte ce lien, dans une approche
humanistede la Médecine.
C’est fondamental car les représentations « jouent un rôle déterminant dans la vie mentale
de l’Homme dont les pensées, les sentiments, les plans d’action, les référentiels relationnels,
les valeurs, leur empruntent tous quelque chose »178.
177
Moley-Massol I. (2007), Op.cit., p 14
162
B. Mise en évidence d’un lien entre la prise en compte des