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La validité des actions locales en matière d’environnement et l’approbation du préfet

CONCLUSION SECTION 1

Paragraphe 2 : La dynamique de recentralisation de la gestion de l’environnement dans les politiques publiques locales

II- La validité des actions locales en matière d’environnement et l’approbation du préfet

Force est de constater que l’Etat marque son empreinte dans la gestion locale de l’environnement à travers la forte présence de ses structures déconcentrées. Mais la tendance à la recentralisation de la gestion de l’environnement apparaît aussi par la subordination de la validité des initiatives des collectivités territoriales à l’approbation du préfet.

II-La validité des actions locales en matière d’environnement et l’approbation du préfet

L’idée de subordination des actions locales à l’approbation du représentant de l’Etat paraît illusoire après la loi du 2 mars 1982. Il se pose cependant des questions liées à la persistance de la tutelle de l’Etat sur les collectivités territoriales contrairement aux objectifs poursuivis par la loi précitée. En effet, les libertés et responsabilités des collectivités territoriales supposées échapper au contrôle de l’Etat depuis 1982 semblent se confondre dans un carcan législatif qui rend la libre administration des

collectivités territoriales quasi impossible392.

Pendant longtemps, on a pu penser à la disparition de la centralisation du pouvoir avec l’adoption d’un nouveau mode de responsabilisation des collectivités territoriales par la décentralisation. Mais note que, sans supprimer les communes et départements hérités de la loi du 4 avril 1884 et celle du 10 aout 1871, la loi de décentralisation de 1982 a fortement marqué la fin d’une inertie, qui s’est au mieux

390Article L2212-2 du code général des collectivités territoriales et article 119 du code général des collectivités locales.

391 H.-J. SCARWELL et R. LAGANIER, Risques d’inondation et aménagement durable des

territoires, Presse universitaire du Septentrion, p. 99

392 H. ALCARAZ, Le principe de libre administration des collectivités territoriales dans la jurisprudence constitutionnelle après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, RFDA 2009, p. 497.

130 dirigée vers une progressive décentralisation notamment avec la suppression des obstacles à l’intervention des collectivités territoriales et l’effacement de la tutelle du préfet.

Par ailleurs, cette réforme apparaît inefficace avec la persistance des difficultés, dont le contournement est désespérément souhaité par les collectivités

territoriales393. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on se pose la question de

savoir, est ce que la transformation de l’Etat central en un système décentralisé ne

constitue pas un risque de revenir sur les vieilles pratiques394 ? La réponse est

positive, avec l’expérience dans la gestion de l’environnement. En effet, si la tutelle est supprimée par la loi de 1982, on voit la place importante que continue d’occuper le représentant de l’Etat dans l’élaboration des décisions des autorités décentralisées.

La pratique démontre, malgré une décentralisation fonctionnelle, un pouvoir de contrôle et une mission de conseil pleinement exercés par le préfet395. Il s’agit là d’une occasion pour ce dernier d’imposer son point de vue avec un pouvoir d’influence pour le moins incontestable. Son influence est marquée par l’exercice de son pouvoir discrétionnaire qui est la traduction d’une tendance de recentralisation. Ainsi on remarque que le renforcement du pouvoir discrétionnaire du représentant de l’Etat marque un retour vers les vielles pratiques. On peut tout de même nuancer cette position mais on s’aperçoit que l’Etat dispose de moyens de contraindre les collectivités territoriales à agir en tenant fortement compte de ses considérations. C’est ce qui peut expliquer les contrats conclus entre l’Etat et les collectivités territoriales marquant indirectement l’influence de l’Etat.

On peut même penser que dans ces contrats, il s’agira d’exécuter la pensée ou les

idées ou encore les politiques ou exigences de l’Etat396

. La pratique est loin de se conformer avec les dispositions des chapitres I et II du titre 1er de la loi397. Il y’a

393 B. FAURE, La glorieuse trentenaire, AJDA 2012, p. 738.

394

J.-M. PONTIER, Dix ans de décentralisation, AJDA 1992, p. 81.

395 Y. JEGOUZO, La loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, RDI 1995, p. 201

396 L. JANICOT, La tutelle de l’Etat sur les collectivités territoriales trente ans après la loi du 2 mars 1982, AJDA 2012 p. 753.

397 La suppression de le tutelle administrative et financière des collectivités territoriales prévue par le titre 1er de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, JORF du 3 mars 1982 page 730

131 certes un véritable écart entre la volonté de limiter les interventions de l’Etat dans la mise en œuvre des compétences transférées et le résultat constitutif d’accaparement des pouvoirs permettant d’influer fortement sur la gestion locale. Il ne suffit d’ailleurs plus pour le représentant de l’Etat d’opérer un contrôle à priori des délibérations relatives aux plans, programmes et schémas de gestion de l’environnement en imposant le respect des orientations qui lui sembles appropriées en lieu et place des choix des élus locaux, il peut aussi exercer son contrôle sur les collectivités en saisissant les juridictions.

Peut-on effectivement parler de la décentralisation si elle n’existe que dans les déclarations d’intention politique? En d’autres termes, y a-t-il vraiment une volonté de se séparer d’un pouvoir central qui en réalité est considéré comme mieux géré par les acteurs étatiques? Au bout d’une trentaine d’années de pratique de la loi de 1982, on assiste à une diversification des actions ou politiques de protection de l’environnement. Il faut dire que, cette pluralité des initiatives locales dans ce domaine était loin des attentes mais les motivations découlant de leur nouveau statut d’exécutif local ou assemblée délibérante ont fortement participé au

développement des politiques publiques locales398.

En revanche, il faut encore se garder de penser que la loi supprime tout contrôle des autorités administratives de l'Etat, ce qui aurait été jugé contraire à l'article 72, alinéa 3, de la Constitution, lequel confiait au représentant de l'Etat, délégué du gouvernement la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif ainsi que

du respect des lois399. D'ailleurs, dans sa décision n° 82-137 DC du 25 février 1982

(GDCC, 15e éd. 2009, n° 24), le Conseil Constitutionnel a veillé scrupuleusement

au respect de ces prérogatives, puisqu'il a jugé inconstitutionnelles certaines dispositions du projet de loi prévoyant le caractère exécutoire de plein droit des actes des collectivités locales avant même leur transmission au représentant de l'Etat, c'est-à-dire alors qu'il n'en connaît pas la teneur et n'est donc pas en mesure de saisir la juridiction administrative d'un recours assorti d'une demande éventuelle

de sursis à exécution400.

398 M.-L. TREGUIER, Flux et reflux de la décentralisation, RFDA 1994, p. 703.

399 Article 72 al. 6 de la constitution du 4 octobre 1958.

132 Il n’existe pas de rupture par ailleurs, les collectivités territoriales doivent la validité de leurs actes à l’approbation du préfet. Celui-ci est consulté pour tout projet de plans de protection et de gestion de l’environnement. L’initiative lui est parfois réservée, invitant à son tour les collectivités territoriales, à la collaboration avec son pouvoir de direction des opérations réglementaires, il dispose de la

plénitude de pouvoirs pour transparaître en autorité de tutelle au niveau local401. On

peut d’ailleurs assister en plus, au renoncement par les collectivités à la réalisation de projet de développement économique lorsque le préfet émet un avis défavorable notamment dans les petites communes ou un simple recours gracieux invitant le maire à redéfinir sa politique suffit à fléchir ou suspendre une décision. On ne saurait considérer l’échec de la décentralisation dans la gestion de l’environnement.

Mais les contradictions découlant des textes de décentralisation rendent celle-ci insaisissable. En effet, l’objectif de responsabilisation des collectivités territoriales est dès l’origine mis en cause en raison d’un manque de confiance de la part des gouvernements très réservés face à la question de la responsabilisation

locale 402. Ce manque de volonté politique de renforcer les pouvoirs des

collectivités territoriales conduit, pour les besoins de gestion de proximité, à considérer le préfet comme un trait d’union entre le niveau central et local. Par conséquent, la libre administration des collectivités territoriales apparaît alors comme une symbolique, le principe n’écartant pas l’implication de l’Etat dans la gestion des affaires locales.

Aurait-on du mal à laisser une marge de manœuvre aux niveaux locaux non enclins à assumer certaines taches en particulier dans le domaine de l’environnement ? Si les collectivités territoriales interviennent dans l’intégration de l’environnement

dans la gestion des politiques publiques locales403, c’est en vérité pour exécuter les

prescriptions édictées par les programmes nationaux. Le niveau local n’est qu’un espace de concrétisation des aspirations du gouvernement. Quel que soit le choix

mars 1982, AJDA 2012 p. 753.

401

J.-F. AUBY, Depuis la loi du 2 mars 1982, Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, janvier 2013.

402 E. MAULIN, La décentralisation du pouvoir normatif, AJCT 2014 p. 309.

133 en faveur de l’environnement en particulier, le représentant de l’Etat veille à la cohérence et à la conformité avec les intérêts nationaux. On croit à tort que le mouvement de la décentralisation est empreint de rupture par rapport à la formule classique. Mais la suprématie de l’Etat a toujours été mise en exergue et l’Etat est garant de l’intérêt général écologique qui a recours à des organismes spécifiques

selon le secteur concerné404.

En outre, même si on peut noter une multitude de textes organisant la

décentralisation405, ces textes n’ont pas eu pour effet, de dessaisir le représentant de

l’Etat de sa multitude de pouvoirs. Le socle de la centralisation demeure présent avec des contraintes, un contrôle, des permissions ou autorisations. C’est ainsi que l’étude de la décentralisation est relativement réduite au transfert de compétence car l’Etat détient encore les prérogatives de puissance publique, même si les collectivités territoriales se sont vues attribuer des compétences, notamment en matière de création, d’équipement, de gestion des services publics ou encore de

d’allocation des fonds publics406

.

Pourtant, la technique de la décentralisation est sans doute un moyen efficace de gestion des politiques publiques. Amorcée en 1982, il est important de poursuivre la dynamique enclenchée sachant que communes, départements et régions prennent très au sérieux leurs différentes responsabilités. Mais l’Etat est de plus en plus présent et dispose parfois en matière d’environnement des compétences

exclusives407. Cette attitude d’accaparement ou de maintien de l’Etat conduit à

infléchir les avancées escomptées de la loi du 2 mars 1982408. La constance de cette

situation de tutelle à s’interroger sur le sens réel des réformes des collectivités territoriales dans la mesure où la succession de lois n’apporte pas de révolution sur la persistance des pouvoirs de l’Etat.

On serait tenté d’évoquer un retour aux pratiques d’avant les lois initiatrices de la

404 J. CHEVALLIER, Décentralisation et politiques publiques, AJDA 1992, p. 120.

405 P. ROSANVALLON, Le processus de décentralisation, AJDA 1992, p. 6.

406 R. HERTZOG, De l’organisation, de la gestion ou du pouvoir administratif, AJDA 2002, p. 1149.

407 D. HOEFFEL, Le point de vue d’un élu, AJDA 1992, p. 35.

408 A. COUDEVILLE, La loi du 2 mars 1982 et les lois ultérieures de transfert de compétences, Encyclopédie des collectivités locales, Chapitre I folio n°1612.

134 décentralisation dans la mesure où la création d’un parc naturel régional nécessite l’intervention du préfet et du ministre qui sont des autorités étatiques. L’initiative de création et l’élaboration du projet de charte du parc sont confiées au conseil régional mais le projet est soumis pour appréciation notamment des considérations

d’opportunité au représentant de l’Etat409

. Il faut dire que la tutelle du représentant de l’Etat dans le partenariat de la gestion locale de l’environnement dans les politiques publiques est on ne peut plus ressentie. L’Etat intervient soit en amont soit en aval des projets de développement durable. Il en est ainsi des plans de prévention des risques naturels prévisibles, des schémas d’aménagement et de

gestion des eaux, des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie410

.

Il importe de souligner, que la subordination de la validité des actions liées au développement durable ne manque pas de faire état des blocages pouvant subsister dans la mise en œuvre des compétences locales. En effet, cette imbrication de pouvoir doit attirer l’attention du législateur qui pourrait opérer lors de prochaines réformes des collectivités territoriales, une remise en cause de la relation de codirection entre décideurs locaux. Cette situation de fait conduit à des blocages institutionnels. A titre d’exemple on peut citer le schéma directeur de la région d’Ile

de France qui après son élaboration par la région, fut contesté par l’Etat411

.

Pourquoi alors s’engager dans la dynamique de la décentralisation si l’on sait qu’il est quasi impossible d’accorder plus de confiance politique aux collectivités territoriales se proclamant aptes à diriger des politiques de gestion de l’environnement ? En vérité, la France est un Etat unitaire qui avec la décentralisation, admet leur libre administration encadrée par la loi. L'article

1er révisé de la Constitution parle d'une organisation décentralisée, qui relève d'un

Etat unitaire, non d'un Etat fédéral. Malgré tout, l'organisation de la France pourrait, grâce aux nouvelles normes constitutionnelles, évoluer vers un système

intermédiaire proche de l'Etat régionalisé412. C’est d’ailleurs ce qui pourrait

expliquer le regroupement des régions et le renforcement de leurs compétences

409 R. GRAND, Légère modification des règles relatives aux parcs naturels régionaux, AJDA 2012, p. 184.

410 Article L 222-1 du code de l’environnement

411 Y. JEGOUZO, La région au cœur de la nouvelle décentralisation, AJDA 2012, p. 1185.

135 ainsi que leurs capacités techniques et financières de piloter des projets territoriaux.

Encore faudrait-il que l’Etat organise clairement ces relations avec celles-ci413

évitant tout co-pilotage ou tutelle sachant que le but recherché est comme le disait

G. DEFFERRE « prendre le pouvoir à Paris et le ramener dans les régions414».

En tout état de cause, si des politiques de protection sont élaborées, il faut se donner les moyens de parvenir à les exécuter. A défaut on pourrait parler de propagande politique dans la mesure où malgré l’accroissement des textes environnementaux, la priorité demeure à l’heure actuelle la promotion des investissements économiques. La place de l’Etat dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de protection de l’environnement est aussi importante s’il

dispose de moyens nécessaires pour les rendre efficaces et effectives415. Cette

recentralisation des compétences d’environnement se justifie parfois, par le manque de moyens surtout financiers des collectivités territoriales.

On se demande si la prédominance de l’Etat dans ce domaine ne constitue pas une faveur pour collectivités dans la mesure où cela leur éviterait d’avoir à supporter les charges conséquentes que représentent les investissements environnementaux. Le manque de confiance de l’Etat envers les collectivités et l’obligation de respect des engagements internationaux conduisent à une centralisation croissante de la lutte contre les pollutions de l’air, de l’eau, du sol ainsi que contre les nuisances. D’ailleurs cette recentralisation transparaît à travers l’encadrement des actions d’intégration de l’environnement dans les politiques publiques locales.

413 G. CHAVRIER, Décentralisation et démocratie locale : Un couple à l’âge de raison ? AJDA 2013, p. 1317.

414

Y. LUCHAIRE, La persistance de la tutelle dans le droit des collectivités territoriales, AJDA 2009, p. 1134.

415 A.-S. MESCHERIAKOFF, La planification française entre centralisation et décentralisation, RFDA 1995, p. 1999.

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