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l’analyse de la sécurité alimentaire

6. La validation du modèle EGC

Dans la modélisation EGC, les tentatives de validation ont généralement pris deux formes (Dixon et Rimmer, 2013) : i) une estimation économétrique des paramètres comportementaux du modèle, notamment les élasticités des formes fonctionnelles retenues (armington, CET…) ; et ii) une soumission directe des résultats de la simulation de référence à l’épreuve des données réelles.

L’estimation économétrique est la méthode utilisée dans les modèles de Jorgenson (voir par exemple Jorgenson, 1984). Dans le modèle ORANI par exemple pour l’économie australienne, il y a eu des efforts considérables pour estimer les élasticités CES de la fonction de production, d’armington et de CET à partir de séries chronologiques (Dixon et al., 1982). C’est également la méthode utilisée plus récemment par Hertel et al. (2007a) et Hillberry et Hummels (2013). Implicitement, on estime que les valeurs des paramètres statistiquement justifiées permettent d’avoir un modèle qui donne de bons résultats en matière de prévision et d'analyse des politiques (Dixon et Rimmer, 2013).

Toutefois, cette méthode n’a pas suscité l’engouement attendu de la part des modélisateurs car les paramètres estimés sur séries chronologiques se sont souvent révélés irréalistes dans un contexte de simulation (Dixon et Rimmer, 2013). Les estimations économétriques des élasticités de la demande d’exportation par exemple, selon Dixon et Rimmer (2013) donnent des valeurs très faibles (inférieures à l’unité) pouvant conduire à des résultats irréalistes quand elles sont utilisées dans un modèle EGC. Ceci a conduit certains modélisateurs EGC à abandonner les estimations économétriques des paramètres même quand elles sont disponibles et dans la grande majorité des cas, les valeurs des élasticités sont choisies en fonction du jugement du modélisateur et des analyses de sensibilité sont faites pour vérifier la robustesse des résultats (Dixon et Rimmer, 2013). Comme cela a été présenté en annexe 5, dans le cas du Burkina Faso, il n’y avait pas d’estimations de ces paramètres d’élasticités, ce qui nous a conduits à recourir à plusieurs sources.

La deuxième méthode de validation consiste à évaluer le degré de conformité des résultats du modèle aux données réelles. Cette méthode a été utilisée par Johansen (1960) qui compare les taux de croissance observés des productions (agriculture et industrie), de l’emploi et du capital dans les années 1950 avec ceux de son modèle. Il montre que son modèle arrive à représenter assez fidèlement la croissance de la production dans l’agriculture mais que la croissance de

l’emploi est plus élevée et celle du capital plus faible que la réalité. D’autres auteurs se sont également intéressés à cet exercice parmi lesquels Taylor et al. (1980) pour le Brésil et Cook (1980) pour la Norvège. Mais il semble que depuis les années 80, très peu de modélisateurs en EGC ont essayé de valider les résultats de leurs modèles avec des statistiques réelles (Dixon et Rimmer, 2013) sans doute en raison de la difficulté de la tâche en présence d’une multitude de chocs qui affectent l’économie (Kehoe, 2005). En effet, en présence de chocs exogènes nombreux et variés, le modèle devient invérifiable car on peut toujours attribuer une déviation à une sécheresse, une inondation ou n’importe quelle catastrophe naturelle (Gérard, 2010). Il faut donc, dans ce cas, essayer de trouver des « tendances » dans les données réelles chahutées. Un des objectifs de cette thèse est d’analyser les dynamiques à l’œuvre au Burkina Faso expliquant le peu de progrès dans la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire. L’utilisation d’un modèle de simulation dynamique pour réaliser cet objectif suppose que celui- ci puisse représenter les faits stylisés essentiels de l’économie comme la croissance globale et sectorielle, le commerce international, les revenus et les niveaux de consommation. Afin de vérifier que notre modèle EGC reproduit bien les grandes tendances de l’économie burkinabè, Nous avons entrepris de comparer le scénario de référence aux dernières évolutions observées depuis l’année de construction de la MCS (2005) dans la limite des données disponibles. Des données sur les PIBs global et sectoriel tout comme celles des productions agricoles et du commerce international ont été mobilisées de différentes sources afin de vérifier que le modèle EGC, même stylisé arrive à représenter les grandes tendances de l’économie burkinabè. Ces comparaisons sont présentées, pour quelques-unes, dans les figures 16 à 26 ci-dessous (les autres étant mises en annexe 6). Une fois que nous avons un modèle qui reproduit relativement bien les grandes tendances de l’économie sur la période 2005-2012, nous l’utilisons pour reproduire l’évolution du système sur 2005-2015 – qui sert de scénario de référence – afin d’étudier les dynamiques à l’œuvre expliquant la lenteur des progrès en matière de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté.

Figure 16: Évolution du PIB réel global

Sources : Simulation et World Development Indicators

Figure 17: Évolution du PIB agricole

Sources : Simulation et World Development Indicators

Figure 18: Évolution du PIB industriel

Figure 19: Évolution du PIB des services

Sources : Simulation et World Development Indicators

Figure 20: Évolution de la production du maïs en pluvial

Sources : Simulation et AGRISTAT

Figure 21: Évolution de la production du riz en irrigué

Figure 22: Évolution de la production des autres céréales (mil, sorgho, fonio)

Sources : Simulation et AGRISTAT

Figure 23 : Évolution de la production de légumes

Sources : Simulation et AGRISTAT

Figure 24: Évolution de la production de coton

0 0,5 1 1,5 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 In d ice s b as e 2005 Simulé Observé 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 In d ice s b as e 2005 Simulé Observé

Figure 25: Évolution des importations de riz

Sources : Simulation et FAO

Figure 26: Évolution des exportations de coton

Sources : Simulation et FAO

0 0,5 1 1,5 2005 2006 2007 2008 2009 2010 In d ice s b as e 20 05 Simulé Observé 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 2005 2006 2007 2008 2009 2010 In d ice s b as e 2005 Simulé Observé

7. Conclusion

Les dernières décennies ont vu le développement de plusieurs types de modèles pour l’évaluation des politiques économiques. Parmi ces modèles, on distingue les modèles d’Équilibre Général calculable. Ceux-ci ont été utilisés dans des domaines très variés comme la libéralisation commerciale, le changement climatique, la dégradation des sols et le développement durable. Nous considérons qu’en raison de leur capacité à prendre en compte la complexité des mécanismes à l’œuvre pour la sécurité alimentaire vue dans le chapitre 1, ces modèles sont très adaptés pour l’étude de la sécurité alimentaire. Ils offrent en effet la possibilité de représenter simultanément les comportements micro-économiques de consommation et de création de revenus, au niveau des ménages, et les équilibres au niveau macro-économique. Cela offre un cadre cohérent au niveau national, représentant les dépenses publiques comme la contrainte extérieure pour analyser la situation actuelle et tester des scénarii alternatifs. Les effets d’entraînement liés à la croissance d’un secteur donné, les impacts directs (sur les marchés des produits concernés) et indirects (par l’intermédiaire des marchés des facteurs, travail et capital) sont représentés. Il est ainsi possible d’analyser les conditions de la mise en place d’un cercle vertueux de croissance, permettant la réduction de la pauvreté et des progrès dans l’alimentation ou de son absence.

Le modèle EGC décrit dans ce chapitre possède des caractéristiques intéressantes pour représenter la situation du Burkina Faso : la représentation du chômage, la mobilité partielle des du travail, et les aléas climatiques (représentés par une loi de probabilité uniforme), et la croissance démographique. En outre, grâce à un calibrage approprié, on obtient un modèle qui approxime assez bien les évolutions passées du produit intérieur brut, des valeurs ajoutées sectorielles et des différentes productions du secteur agricole. Il peut donc être considéré comme un modèle « valide » et permettant à la fois de reproduire les mécanismes expliquant la persistance de l’insécurité alimentaire. On peut alors l’utiliser pour tester des scénarios alternatifs. C’est l’objectif du chapitre suivant.

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