• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Un demi-siècle de consensus et de controverses sur la sécurité

1. L’insécurité alimentaire et ses causes : évolution des analyses

1.2 Des années 70 au début des années 80 : des approches privilégiant la disponibilité

Contrairement à la décennie précédente, les années 70 ont été marquées par une série de contractions de la production agricole mondiale. La production alimentaire a chuté en 1972 puis en 1974, dans les deux cas sous l’effet de conditions météorologiques défavorables dans d'importantes zones de production vivrière. En 1972, la production mondiale de céréales a baissé de 41 millions de tonnes au total, dont la moitié dans les pays développés et l’autre moitié dans les pays en développement alors qu’en 1974, elle a de nouveau chuté de 30 millions de tonnes. Il en est résulté un effondrement important des stocks, surtout dans les pays qui étaient traditionnellement des exportateurs de céréales: on estime que les stocks mondiaux de blé, qui était évalués à 50 millions de tonnes en 1971, sont tombés en 1973 à leur niveau le plus bas depuis 20 ans, seulement 27 millions de tonnes. La production de riz avait également chuté dans les grands pays asiatiques consommateurs de cette céréale, entraînant un déficit important de riz. La hausse des prix alimentaires dans toutes les régions du monde a rendu la vie encore plus dure pour les pauvres, et a entraîné une forte dégradation de la situation nutritionnelle des groupes vulnérables. La région la plus touchée a été l'Afrique subsaharienne, dont la production alimentaire par habitant stagnait depuis la première moitié des années 70 (FAO, 1975).

La production alimentaire mondiale s'est rétablie en 1973 (la récolte de céréales a fait un bond de 100 millions de tonnes) mais cela n’a pas été suffisant pour empêcher l'épuisement des stocks céréaliers dans les principaux pays exportateurs ni pour stopper la hausse des prix alimentaires. L'agriculture mondiale a aussi souffert de la crise énergétique, de l'inflation, de l'instabilité monétaire et du ralentissement de la croissance économique dans les pays industrialisés (Ibid.). Cette régression mondiale de la production agricole a coïncidé, pendant la première moitié des années 70, avec de graves pénuries régionales et locales. Une crise alimentaire dramatique a éclaté en Afrique à la suite de sécheresses catastrophiques, dont celle qui a sévi pendant de nombreuses années dans les pays du Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal) et qui a culminé en 1973, avec la production vivrière nette par habitant dans ces pays qui se situait à un tiers en dessous du niveau moyen des années 1961-1965. Une vaste opération

internationale de secours d'urgence a été lancée au début de l’année 1973 tandis que la création du Comité permanent inter-États de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) était la conséquence directe de cette sécheresse (FAO, 2000).

La succession de ces crises va motiver l'organisation, en novembre 1974, de la Conférence mondiale de l'alimentation sous les auspices conjoints de la FAO et de l'ONU. Cette conférence visait à créer un consensus international sur les politiques et programmes à mettre en œuvre pour accroître la production et la productivité des cultures vivrières, surtout dans les pays en développement, à améliorer la consommation et la distribution des aliments, à mettre en place un système plus efficace de sécurité alimentaire, et notamment un système d'alerte rapide, des politiques efficaces de stockage et des mécanismes de secours alimentaire d'urgence; et à établir un système plus ordonné de commerce et d'ajustement agricoles.

Une des questions majeures de la Conférence a été celle de la constitution de stocks adéquats de produits vivriers aux niveaux national, régional et international. Ces stocks devaient permettre de garantir la sécurité alimentaire contre les crises alimentaires d'ampleur locale, nationale ou régionale (FAO, 2000).

Faisant écho à ces préoccupations internationales, la FAO a commencé à rendre régulièrement compte des politiques nationales de stockage dans ses rapports sur la situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture. On voit donc qu'au début des années 70, le problème de la sécurité alimentaire était considéré comme essentiellement un problème de disponibilité. La conférence mondiale avait aussi souligné la nécessité de freiner la croissance démographique et de réduire le chômage et le sous-emploi ruraux en diversifiant l'agriculture et en développant les activités lucratives mais l’attention s’est plutôt focalisée sur la question de disponibilité en raison des crises alimentaires du début des années 70 encore présentes dans les esprits. En outre la conférence a entrepris la création de trois institutions pour mieux faire face au problème de l’insécurité alimentaire: le Fonds International de Développement Agricole (FIDA), le Système Mondial d'information et d'Alerte rapide sur l'Alimentation et l'Agriculture (SMIAR) et le Comité de la sécurité alimentaire (CSA).

Cette focalisation sur le problème de disponibilité était sans doute le reflet de la double influence des travaux de Malthus plus d’un siècle et demi auparavant, et de la crise de 1974 engendrée par un déficit au niveau des disponibilités. Dans son Essai sur le principe de

l’excès de la croissance démographique par rapport à la croissance de la production agricole. Les famines interviendraient alors comme un régulateur naturel de la croissance démographique. Dans son analyse les famines sont la conséquence d’un déclin brutal de la disponibilité alimentaire, suite à un ou plusieurs chocs exogènes et compte tenu de la taille de la population.

1.3 Des années 80 aux années 2000 : retour aux grands équilibres

Outline

Documents relatifs