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Axe 4: Promouvoir la bonne gouvernance

2. Tentative de diagnostic

2.1 Des conditions naturelles défavorables

2.1.1 Une dynamique de dégradation des sols

La dégradation des sols due à l'érosion et les pertes d'éléments nutritifs est devenue l’un des problèmes majeurs limitant la sécurité alimentaire et la fourniture de services environnementaux (Oldeman, 1998; Scherr, 1999; Sonneveld et Keyzer, 2003). Ce phénomène est au Burkina Faso, comme dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne, l’objet d’une controverse (Mazzucato et Niemeijer, 2000, 2001; Niemeijer et Mazzucato, 2002; Koning et Smaling, 2005). Plusieurs études soutiennent l’idée d’une dégradation des sols au Burkina Faso. Lindqvist et Tengberg (1993) utilisent des données satellitaires et mettent en évidence une dégradation des terres dans le nord du Burkina Faso sur la période 1960-1990 en raison des fortes sécheresses répétées de la fin des années 1960. Malgré la reprise de la pluviométrie depuis 1985, les terres dénudées n'ont pas retrouvé leur fertilité d'avant 1960. Les auteurs concluent que la principale cause de la dégradation des sols est l'action combinée des activités humaines et des sécheresses répétées. Une étude de Lindskog et Tengberg (1994) propose un modèle conceptuel qui intègre les aspects physiques, écologiques et humains de la dégradation des

terres. Ce modèle est appliqué au Nord du Burkina Faso. Les résultats confirment ceux trouvés par Lindqvist et Tengberg (1993). Grâce aux résultats des interviews réalisées auprès des paysans, les auteurs montrent que la dégradation des terres est un phénomène perçu par les populations bien que celles-ci ignorent les causes souvent avancées par les scientifiques (érosion et action humaine). La dégradation des terres est plutôt attribuée à une action divine. Tengberg (1995) étudie les nebkas18 de la zone sahélienne du Burkina et montrent que les caractéristiques, la localisation et l'âge des nebkas font d'elles un indicateur essentiel de la dégradation des terres par érosion éolienne. Les nebkas ont en effet été formées par un processus essentiellement éolien et leur avènement est associé à une végétation dégradée.

Les zones Sud et Ouest du Burkina Faso ont également fait l'objet d'études notamment par Taonda et al. (1995). Pour étudier, en milieu réel paysan, les risques de dégradation du potentiel

de production des sols, les auteurs choisissent, dans le village de Thiougou19, une vingtaine de

parcelles d'âges de mise en culture compris entre 0 et 17 ans sur un même type de sol (ferrugineux tropical lessivé modal). Cet échantillon de parcelles est considéré à la fois comme représentatif d’une part des sols les plus souvent cultivés et d’autre part du système de culture (attelé) le plus répandu des fronts pionniers. Les auteurs stipulent que la dégradation constatée des sols est rapide. Elle se manifeste d'abord par une chute selon une fonction de type puissance (liée au temps de mise en culture) du taux de matières organiques de l'horizon superficiel (par minéralisation accélérée liée à l'aération consécutive à la pratique de la culture attelée dans des conditions de températures élevées qui prévalent dans cette région). Il en résulte une baisse tout à fait similaire de la disponibilité des nutriments (particulièrement de l'azote), des taux d'infiltration (le pédoclimat s'aridifie, se « sahélise », par augmentation de l'instabilité structurale de l'horizon superficiel et par augmentation des taux de ruissèlement). Au bout de 5 à 10 ans de culture, le sol n'est plus à même d'assurer l'alimentation minérale et hydrique de la principale culture vivrière (le sorgho) et les terres sont abandonnées.

Gray (1999) présente les résultats d'une analyse multi-échelles des dimensions sociales et biophysiques de la dégradation des terres dans trois régions du Nord-Ouest du Burkina Faso. En effet, cette région du Burkina est caractérisée par une combinaison de changements technologiques (sous la forme de traction animale) et d'une migration massive faisant pression

18 Les Nebkha sont des dunes asymétriques formées par la présence d'un obstacle quelconque (généralement des

plantes) qui font chuter la vitesse du vent, permettant le dépôt des sables (Cooke et al., 2006)(par exemple Cooke et . al, 1993).

sur les ressources naturelles. Cette pression conduit à l'expansion des terres agricoles et à la réduction de la jachère. L'auteur montre que l'ampleur de la dégradation des terres dépend toutefois de l'échelle d'analyse. Sur une échelle plus grande, les photos aériennes confirment la perception des paysans de la dégradation de leurs terres (réduction des forêts, augmentation des surfaces cultivées, et augmentation des surfaces caractérisées comme non fertiles). À l'échelle des fermes par contre, une analyse d'échantillons de sols prélevé en 1988 et 1998 montre que la réduction de la fertilité des sols n'est pas très significative. Les terres sous cultures ne montrent pas un changement substantiel alors que celles sous jachère s'améliorent en nutriments. En étudiant les pratiques agricoles, l'auteur montre comment les paysans réagissent à la réduction de la jachère en intensifiant leur système de production, en plantant des arbres dans les champs, en utilisant plus d'engrais et en construisant des cordons pierreux pour contrer l'érosion des sols. Gray et Morant (2003) comparent les perceptions des paysans sur le type et le changement de fertilité du sol avec les mesures scientifiques dans un village au Sud-Ouest du Burkina Faso. Si les paysans ont une parfaite connaissance du type et des caractéristiques de leurs sols, conformée par les résultats d’analyse des auteurs, les perceptions quant à la perte de fertilité des sols diffèrent nettement des résultats des études faites sur des échantillons de sols qui ne montrent aucun changement significatif de la fertilité des sols. Comme le souligne les auteurs la différence entre les conclusions des études à l’échelle macro mettant en évidence une dégradation des sols et celle micro montrant peu de dégradation – contraire aux perceptions des paysans – peut être interprétée par le fait que les paysans, pour lutter contre la baisse des rendements de leurs cultures sont souvent amenés à appliquer plus de main d’œuvre (technique traditionnelle de lutte contre l’érosion, application de fumure organique…). Dans un tel contexte, ces derniers concluent à une dégradation des sols qui n’est pas détectable dans les analyses d’échantillon de sols, puisqu’il s’agit d’une baisse de la productivité compensée par les pratiques.

Les perceptions de la dégradation des sols au Burkina Faso ont été également l'objet de l'étude de Visser et al. (2003). Ces auteurs conduisent une enquête auprès de 60 paysans sur l'érosion d'origine pluviométrique et éolienne ainsi que les mesures de lutte contre l'érosion. Selon la plupart des enquêtés, les tempêtes ont une influence sur la fertilité et la capacité d'infiltration des sols. Seuls 32% considèrent l'écoulement comme source d'érosion des sols contre 15% pour l'averse. 22% considèrent que les fortes précipitations ont un effet négatif sur la production agricole du fait de la stagnation de l'eau dans les champs. Tous les paysans sont familiers avec les techniques de réduction de l'érosion et 96% appliquent au moins une des techniques (les

techniques indigènes étant le fumier et le paillis). Les principales contraintes à l'application de ces techniques sont le manque de main d'œuvre, de fumure de paillis. Les nouvelles techniques introduites par les organisations agricoles sont le zaï (fosses de 10 à 15 cm remplies de compost pour l'ensemencement) et les cordons pierreux. Les paysans ont une bonne connaissance du processus d'érosion éolienne mais une moindre connaissance du processus d'érosion d'origine pluviométrique.

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