• Aucun résultat trouvé

Axe 4: Promouvoir la bonne gouvernance

4. La définition des scénarios à tester

4.2 Des investissements publics dans l’agriculture

Comme rappelé dans la section 2.3, le Burkina Faso est caractérisé par une faiblesse du capital public. Les experts estiment à 1 136 le nombre d’agents de vulgarisation répartis sur l’ensemble du territoire burkinabè ; ce qui correspond à environ un agent vulgarisateur pour 10 000 producteurs. De même, seulement 240 chercheurs sont impliqués dans l’agriculture avec le plus souvent des moyens très limités (Stads et Kaboré, 2010). Les infrastructures routières sont très

peu développées avec une densité de 56 km/1000 km2.Le linéaire de pistes rurales est estimé à

46 095 km (FAD, 2004), impraticables en cas de pluie. En ce qui concerne l’électrification rurale, on estime que seulement 15% des ruraux sont raccordés à l’électricité (MMCE, 2007). Le taux d’alphabétisation est globalement faible au plan national (29%) en raison d’une population rurale majoritairement analphabète (World Bank, 2012). Le potentiel de l’irrigation reste largement sous-exploité. L'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) estime que les surfaces agricoles irriguées représentent seulement 0,81

% des superficies totales exploitées et 14,9 % du potentiel irrigable24 (OECD, 2012).

Le scénario « investissement public » envisage un programme d’investissement ambitieux d’un montant total de 500 milliards de francs CFA (environ 765 millions d’euros). En raison de l’ampleur du programme et de l’importance des sommes injectées, il a semblé plus réaliste de répartir la dépense sur cinq ans (les 5 dernières années de la période de simulation qui sera de 10 ans). L’investissement annuel est donc de 100 milliards (environ 153 millions d’euros). Ces 100 milliards FCFA sont investis dans 6 types de capital public de la façon suivante : 3 milliards dans le recrutement et la formation d’agents vulgarisateurs ; 1 milliard dans le financement de

24 Le potentiel de terres irrigables désigne la superficie maximale qu’il est possible d’irriguer compte tenu de

la recherche agricole ; 48 milliards dans la construction de routes rurales reliant les villages entre eux et au centres urbains ; 7 milliards dans l’électrification rurale ; 9 milliards dans des programmes d’alphabétisation des populations rurales et enfin 32 milliards dans des aménagements hydroagricoles pour l’irrigation.

Ces investissements permettent, compte tenu des coûts par unité de capital public, d’accroître les stocks de capital public : 8 233 agents de vulgarisation supplémentaires, 274 chercheurs supplémentaires mobilisés dans la recherche agricole, 16 000 kilomètres de pistes rurales supplémentaires, un accroissement de 12 points de pourcentage de la population rurale raccordée à l’électricité (faisant passer ainsi ce taux de 15 à 27%); plus de 2 millions de ruraux supplémentaires alphabétisés ; et enfin 16 000 hectares de terres agricoles équipées pour l’irrigation.

Le tableau 16 synthétise le scénario d’investissement. Les stocks de capital tout comme les coûts par unité de capital ont été estimés en combinant analyse de la littérature et dire d’experts. Les stocks correspondent à ceux de l’année de référence (2005 ou l’année la plus proche lorsque l’information pour 2005 n’est pas disponible). Le montant injecté est important et représente environ 18% des dépenses de l’État l’année de référence. On suppose que le financement provient de l’extérieur et ne grève donc pas les dépenses publiques (Aide Publique au Développement – APD). Mais du fait du type de bouclage adopté (l’épargne étrangère est endogène et l’investissement s’adapte à l’épargne disponible); l’épargne étrangère est diminuée du montant de l’APD. Il y a donc un détournement d’une partie de l’épargne étrangère vers le financement du programme et donc moins d’épargne disponible pour l’investissement privé. En contrepartie (et cela sera davantage expliqué dans la description du modèle dans le chapitre 3), l’investissement public génère des externalités positives qui augmentent la productivité des facteurs de productions du secteur rural selon des élasticités. Ces élasticités, on l’a vu, varient largement dans la littérature à la fois en fonction du contexte et de la méthode utilisée pour l’estimation. Les élasticités utilisées dans ce scénario sont les plus faibles trouvées dans la littérature.

L’investissement dans les six types de capital public est réalisé simultanément. En effet, la revue de la littérature en la matière permet de mettre en évidence la complémentarité entre capital public et privé (Anderson et al., 2006) ainsi que la nécessité simultanée de différents types de capital public (World Bank, 2001a). Par exemple la mise au point de nouvelles variétés par la recherche nationale est inutile si l’innovation n’est pas relayée par les services de vulgarisation

tandis que le niveau d’éducation des paysans est fondamental dans l’adoption de cette innovation

Tableau 16: Le scénario d’investissement public

Type de capital

public Mesure stock actuel

Montant total à investir sur 5

ans*

Investissement annuel*

Coût par unité de capital* Stock de capital supplémentaire par an Stock de capital supplémentaire sur 5 ans Elasticité de la productivité agricole par rapport au capital public** Source d’estimation des stocks et des coûts Vulgarisation Nombre d'agents 1 136 15 000 3 000 1,82 1 647 8 233 0,039 Avis d’experts

R&D agricole Nombre de

Chercheurs 240 5 000 1 000 18,22 55 274 0,027

Stads et Kaboré (2010)

Routes rurales Kilomètres de

pistes rurales 46 095 240 000 48 000 15 3 200 16 000 0,042 FAD (2004) Électrification

rurale

Ruraux

raccordés (%) 15 35 000 7 000 3000 2 12 0,001 MMCE (2007)

Éducation rurale Ruraux

alphabétisés 1 369 062 45 000 9 000 0,021 433 777 2 168 884 0,047

Van Ravens et Aggio (2007)

Irrigation Surface équipée

(ha) 20 000 160 000 32 000 10 3200 16 000 0,036 OECD (2012)

5. Conclusion

Au cours du dernier demi-siècle les politiques économiques se sont succédées mais ont eu des résultats très mitigés en termes de lutte contre la pauvreté et son corolaire l’insécurité alimentaire. Outre les contraintes naturelles (faible fertilité des sols et leur dégradation, changement climatique, forte croissance démographique…), les analyses en termes de pièges à pauvreté permettent d’expliquer les phénomènes observés. Il est alors nécessaire de trouver des leviers de sortie du piège : l’investissement public peut en être un. On considère en outre que la dégradation des ressources naturelles peut avoir des conséquences inverses. L’objectif de la deuxième partie de cette thèse est donc de simuler alternativement, à l’aide d’un modèle d’Équilibre Général Calculable dynamique stochastique, une baisse de la productivité agricole provoquée par une dégradation des ressources naturelles et le changement climatique, et une amélioration de la productivité agricole permise par des investissements publics en zone rurale afin d’analyser les conséquences pour l’ensemble de l’économie, avec un accent particulier sur la sécurité alimentaire des ménages les plus vulnérables – les pauvres.

Outline

Documents relatifs