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Chapitre 6 Présentation des résultats Comparaison groupe natif et groupe non-

6.1. Valeurs brutes du groupe natif

Afin de mieux comprendre ce qui se passe en L2, il nous a paru important de nous attarder sur le groupe des locuteurs natifs et de comparer leurs résultats à ceux des non-natifs. Nous utiliserons le test (U) de Mann Whitney pour comparer les résultats des deux groupes entiers, le groupe des natifs (n=6) et le groupe des non-natifs (n=17), ainsi que ceux du groupe des natifs (n=6) et du groupe avancé seul (n=6). Les résultats du groupe natif nous donnent des indices de la production orale « fluente », qui nous serviront de base ou de point de départ pour nos analyses de la production en L2 (sans que les valeurs du corpus natif servent de « but à atteindre », bien sûr).

Cette approche qui peut sembler étrange de prime abord, nous paraît utile pour comprendre les particularités de la production en L2. Nous pourrons ainsi déterminer les mesures les plus pertinentes pour rendre compte du phénomène de la préfabrication et de la fluence liée à celle-ci. Mais tout d’abord, il sera important de voir la place du langage préfabriqué dans la

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réalisation de nos deux tâches par des locuteurs natifs : les points communs et la part de la variance.

Les calculs, pour les locuteurs natifs, ont été faits pour les deux tâches, Bd et Film confondus, car une série de tests de rang de Wilcoxon appliquée aux mesures temporelles de productivité ne montre aucune différence significative entre ces deux tâches pour les natifs.

Le tableau 7 suivant présente l’ensemble des données brutes des natifs qui serviront pour le calcul des mesures de la préfabrication et de la fluence : chaque individu d’abord (colonnes grises), ensuite les moyennes descriptives pour le groupe des locuteurs natifs obtenues pour les 18 mesures figurant dans chaque ligne (liste en colonne 2). La première série de mesures (lignes 2 à 5) permet de calculer le taux de préfabrication des productions natives selon la méthode de Cordier (2013). Une deuxième série de mesures plus classiques, taux pour 100 mots (lignes 1 et 6 à 11) indique le rapport entre le nombre de SP et le nombre de mots de la production. Cette mesure, utilisée pour 1000 mots ou par million de mots dans les recherches dans de larges corpus (Ellis et al. 2008), a été appliquée à notre typologie adaptée de Forsberg (2006), pour 100 mots. Les données brutes serviront aussi aux divers tests khi-deux que nous utiliserons pour comparer les caractéristiques de productions natives et non-natives.

Nous complétons le tableau (lignes 12 à 15) avec les mesures temporelles brutes que sont le temps de production en secondes, la durée totale des pauses ainsi que le nombre de pauses et de groupes d’hésitation. Ces données serviront aux calculs des mesures de la fluence. Les dernières valeurs, lignes 16 et 17, concernent les diverses hésitations sonores, comme les pauses remplies et les allongements. La dernière ligne, 19, fait état du nombre de reprises de la production (répétitions, reformulations, faux départs et abandons). Ces dernières données fournissent des précisions pour mieux comprendre les spécificités de la production orale.

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Données t2 AN CA JE MG TH VC Moyenne Ecart-type min max 1 Nb mots bd et film (t2) 679 694 512 922 342 504 608,8 200,9 342 922 2 Nb syllabes bd et film (t2) 865 883 672 1183 460 646 784.8 249.8 460 1183 3 Nb de segments 42 64 66 80 28 42 53.7 19.4 28 80 4 Nb de segments avec SP 38 53 40 59 20 32 40.33 14.12 20 59 5 Nb de syllabes préfabriquées 317 335 227 459 151 256 290.8 105.6 151 459 6 Nb de SP brutes bd et film (t2) 108 109 68 148 44 78 92.5 36.7 44 148 7 Nb SP types Bd et film 82 77 54 110 40 67 71.7 24.2 40 110 8 Nb de SP lexicales 62 60 46 73 32 39 52 15.5 32 73 9 Nb de SP grammaticales valeur brute 29 14 11 44 8 20 22,66 13,08 8 44 10 Nb de SP discursives valeur brute 17 25 11 31 4 19 17,83 9,64 4 31 11 Nb de SP lexicales occurrences types 49 45 36 62 30 32 42.3 12.1 30 62 12 Temps production (s) 200,65 260,72 229,36 290,47 124,38 156,33 210,32 62,8 124,38 290,47 13 Durée des pauses (s) 29,94 49,66 61,87 55,69 17,86 29,97 40,33 17,77 17,86 61,87 14 Nb pauses vides 40 62 64 78 26 40 51,67 19,41 26 78 15 Nb de groupes d’hésitation 4 5 7 6 5 4 5,17 1,17 4 7 16 Nb de pauses remplies 26 33 23 56 35 21 32,33 12,83 21 56 17 Allongements 26 39 36 46 10 12 28,17 14,78 10 46 18 Nb de reprises 30 36 39 68 20 10 33,83 19,86 10,00 68,00

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Tableau 7. Données brutes, locuteurs natifs

a) Premiers constats sur les moyennes de groupe

Le groupe natif produit en moyenne 608,8 mots ou 784,8 syllabes, et ces locuteurs parlent en moyenne 210,32 secondes soit trois minutes et demie, Bd et Film confondus. A 173 mots par minute, la moyenne de mots produits à la minute de ce groupe correspond à celle constatée par d’autres chercheurs (Levelt, 1989 : 22). La durée totale des pauses vides est de 40 secondes en moyenne. Les natifs produisent en moyenne 53,7 segments de parole, 52 pauses vides (nombre de segments moins un) et 32,33 pauses remplies. On rappelle ici que les segments de parole sont délimités par deux pauses d’une durée ≥ 250ms. Sur les 784.8 syllabes produites, 290,8 syllabes appartiennent à des SP soit un taux moyen de 37 % de syllabes préfabriquées. La moyenne des SP, Bd et Film confondus, par sujet est de 92,5 SP. La répartition par type est la suivante : 52 SP lexicales, 22,66 SP grammaticales, 17,83 SP discursives. Nous complétons ce tableau avec les valeurs en occurrences types des SP.

Figure 2. Distribution des SP

La figure 2 ci-dessus montre la distribution des types de SP produites par le groupe natif. On constate un pourcentage plus important de SP lexicales, plus de la moitié des SP (56%), un

lexicales 56% grammaticales 25% discursives 19%

Distribution des types de SP,

corpus natif

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quart de SP grammaticales (25%) et 19% de SP discursives. Pour voir s’il y avait une variation significative dans les types de SP produits d’un individu à l’autre, nous avons utilisé le test khi-deux pour comparer cette distribution ; elle est non significative : (²(10, 555) = 15,8 (p=0,11, ns)). Les six natifs utilisent donc en proportions équivalentes, les différents types de SP : lexicales, grammaticales et discursives.

b) Valeurs individuelles

Les valeurs de groupe sont intéressantes mais ne sont pas suffisantes quand on s’intéresse aux individus. En effet, les valeurs individuelles, très contrastées (colonnes grisées), donnent une indication des différences entre les sujets. Les écarts-types (colonne 10), parfois élevés, signalent que, pour un même groupe en apparence homogène, les caractéristiques de la production verbale sont hautement idiosyncrasiques. On constate, notamment, que la quantité de discours produit en mots présente un écart-type de 200,9 mots sur une moyenne de 608,8 mots ; et en syllabes, un écart-type de 249,8 syllabes sur une moyenne de 784,8 syllabes, ce qui est considérable. Certains sujets comme TH, JE et VC sont très concis dans leur narration alors que d’autres comme MG et CA parlent beaucoup plus (342 et 922 mots et 460 et 1183 syllabes pour les valeurs extrêmes). Le nombre de SP produites montre également des écarts importants entre les sujets : une moyenne de 92,5 SP avec un écart-type de 36,7. Le nombre de pauses silencieuses, variant du simple au triple, est aussi à mettre en relation avec la longueur de la production et le nombre de segments. Les écarts-types des diverses manifestations des disfluences - les groupes d’hésitation (pause remplie et pause vide), les pauses remplies et les allongements - montrent des différences très importantes entre les sujets natifs. De même, l’étendue du nombre des reprises est de 10 à 68. Pour conclure sur ces données brutes, on peut dire qu’il n’y a pas, dans un groupe d’individus, de « norme » à proprement parler. Au vu des résultats, les paramètres de la production orale semblent être hautement individualisés. Ces données brutes, nous ont permis de calculer les taux de préfabrication du groupe natif. Les résultats obtenus par les LN (section 6.2) seront la base d’une comparaison des résultats du groupe contrôle avec ceux du groupe expérimental.