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PARTIE I L’INSTITUTION CARCÉRALE PERÇUE COMME UN ENVIRONNEMENT HOSTILE

1. Le milieu carcéral présenté comme un lieu de survie :

1.4 Un vécu carcéral spécifique à certains détenus de l’étude :

D’une part, le passage de la « population » à la « protection » a été abondamment décrit par les détenus qui l’ont effectué comme étant une expérience de vie extrêmement difficile. Ce passage a été accompagné d’une perte de statut social et d’une perte d’identité personnelle importante ainsi que d’une nouvelle réalité carcérale qualifiée de traumatisante à laquelle il représente un défi de s’adapter. De plus, certains détenus disent avoir été « programmés » pour détester certaines catégories de détenus et que, du jour au lendemain, ils ont dû apprendre à coexister avec ceux-ci. D’autres affirment qu’ils ont vécu des sentiments d’exclusion sociale en raison de leur différente mentalité par rapport à celle de leur nouveau groupe de placement. Ils se sont donc sentis marginalisés, seuls et isolés. Plusieurs participants indiquent d’ailleurs que ces difficultés d’adaptation associées à leur nouvelle réalité de « protection » ont motivé leur usage de violence à l’égard de codétenus :

« It’s bad enough you feel out casted from society but when you feel out casted from a prison pfff, then you feel low (…)» (James, 24 ans, 5 ans d’incarcération, dont 9 mois en

sécurité maximale-élevée).

« So I went to PC. The hardest thing I ever did in my life (…) » (Kyle, 31 ans, 15 ans

d’incarcération, dont 4 ans en sécurité maximale-élevée).

« It was where I was and it’s the people I was around and I despised them and what they represented. I transferred because of politics not because I’m a rape hound11 or a child

molester or a rat12. Which means I had to go to a joint that I really didn’t want to be in,

which had these types of offenders which I disliked » (Fred, 37 ans, 15 ans

d’incarcération, dont 9 ans en sécurité maximale-élevée).

« Ok most guys I’ve seen come from population who’ve been in population 8-9 years, and went through the solid trip (…), they’ve programmed themselves for that 10 years to think that PC is shit. So when they finally check in, they lose their will and heart because now they look at themselves like they’re shit » (Zack, 34 ans, 13 ans et demi

d’incarcération, dont 1 an et demi en sécurité maximale-élevée).

Toutefois, une fois l’adaptation à la « protection » effectuée, c’est-à-dire que le détenu s’acclimate au nouveau groupe de placement, il semble que le statut de ces détenus se voit grandement amélioré. Ils

deviennent fréquemment, selon les personnes rencontrées, des leaders au sein de la clientèle de « protection » c’est-à-dire qu’ils vivent une baisse importante de statut aux yeux de la « population » et à leurs propres yeux, mais vivent souvent une hausse dramatique de statut à l’intérieur de leur nouveau groupe d’appartenance. Même si, selon les explications de nos interviewés, ils se retrouvent moins marginalisés par les détenus avec lesquels ils sont logés, ils diront toutefois davantage soupçonnés par les autorités carcérales d’intimidation à l’égard de leurs codétenus.

D’autre part, on peut également constater une description différente de vécu faite par nos interviewés liée à l’adhésion au code de conduite. Ainsi, les interviewés ont expliqué que la force de l’adhésion diverge en fonction de plusieurs facteurs tels que l’importance des valeurs pour un individu donné, le niveau de sécurité de l’institution où la peine est purgée ainsi que la hiérarchie carcérale formelle et informelle du milieu (isolement, « super-protection », protection ou population). Les interviewés ne s’entendent cependant pas tous sur les différences d’adhésion aux valeurs dans les divers types de placements formels et informels pénitentiaires. Certains disent que l’adhésion aux valeurs du code de conduites est moins grande en « protection », alors que d’autres affirment que le niveau d’adhésion est similaire. Or, ils précisent tous que les individus en « protection » semblent moins camoufler leurs outrages au code de valeurs qu’en « population » :

« Well, in population, the fact of the matter is, you have to at least give the pretense that you have some morals and ethics (…).Why I say no ethics and morals in PC is because these people, generally speaking, would sell out their mother (…) simply to help their own situation». (Fred, 37 ans, 15 ans d’incarcération, dont 9 ans en sécurité maximale

élevée).

« Some really good guys started ending up in PC, some dangerous guys, right? And it kind of gave me and a lot of guys a different perspective on PC (…).I was in almost every population joint right across Canada, every max and both SHU populations and there was just as must shit in population as there is in PC, ok? I was locked up more in max population from guys ratting me out than I ever was in PC (…).You’ve got the same fucking trips that you’ve got in population over here, but it’s just sleazier » (Kyle, 31 ans,

15 ans d’incarcération, dont 4 ans en sécurité maximale-élevée).

L'ouverture à faire usage de violence afin de faire respecter les valeurs du milieu se combine au niveau d’adhésion des individus à celui du milieu d’appartenance pour créer des expériences d’incarcération différentes. En fait, certains perçoivent moins d’individus prêts à faire usage de violence afin de faire respecter les valeurs du milieu et une moins grande importance accordée à la réputation de la part des détenus de « protection ». Il y aurait donc un moins grand danger physique en « protection » qu’en

« population ». Cependant, les enjeux psychologiques y seraient plus intenses selon les participants. Par exemple, la nécessité d’être tolérant à l’égard d’individus qui ont des habitudes dérangeantes, à ceux qui ont une santé mentale fragile, aux détenus ayant commis des délits contrariants ainsi qu’à ceux ayant contrevenu au code de conduites ferait partie du quotidien de ces détenus pendant plusieurs années.

Il est à noter que, peu importe le type de placement carcéral soit la « population » ou la « protection », la victimisation physique et psychologique est davantage présente dans le vécu des détenus considérés au bas de l’échelle sociale du milieu:

« This is a PC environment and most of the people in PC are either informants or sex offenders, alright? (…). It gives them a lot more reason to be concerned in here. Because sex offenders aren’t safe (…).See, they had it written-up that I was a predator to sex offenders. Like muscling them for their canteen and shit like that right? And of course a few of my stab well, every one of the guys I stabbed were sex offenders (rigole), but you just can’t get away from them so, instead of stabbing them all, we’re gonna take everything that they got from them » (Eddy, 36 ans, 17 ans d’incarcération, dont 11 ans

en sécurité maximale-élevée).

« I think that’s why I got sent to the SHU for manipulating other inmates (…).We were putting PC13 in use getting their tokens, making or putting brews14 in their cells (…).They

were euh paying their rent more or less » (Oliver, 38 ans, 20 ans d’incarcération, dont 7

ans en sécurité maximale-élevée).

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