• Aucun résultat trouvé

PARTIE I L’INSTITUTION CARCÉRALE PERÇUE COMME UN ENVIRONNEMENT HOSTILE

1. Le milieu carcéral présenté comme un lieu de survie :

1.5 La vie à l’Unité spéciale de détention :

Les personnes rencontrées précisent que l’Unité spéciale de détention se distingue des autres milieux de placement carcéraux du Canada à bien des égards.

La principale différence est l’omniprésence du sentiment d’insécurité et l’emphase plus élevée placée sur la survivance que dans les autres milieux. Les participants soulignent que la mentalité de l’environnement combinée à la dangerosité des détenus hébergés à l’USD font de ce milieu, l’endroit le plus intense où purger sa peine au Canada. Par conséquent, certains détenus se disent plus enclins à faire usage d’armes à l’USD. Le port d’arme est, pour certains, considéré nécessaire pour se protéger,

surtout lorsque leurs comparses de rangée sont armés ou dans l’éventualité d’une erreur d’ouverture de porte par les surveillants correctionnels en la présence d’un incompatible :

« You’ve gotta do what you’ve gotta do. If you gotta fucking smoke a pig for him to stop bugging you, you do it. If you’ve gotta stab another inmate for him to stop fuckin with you, then you’ve gotta do it. If you let things slide, this place is so fuckin’ serious man! If someone looks at you wrong, (…) and you look at him again and if he keeps on staring and doesn’t look away, you say: « What the fuck’s your problem man! It’s on man! ». You’ve gotta prepare like in a split second (snaps fingers) or you get killed (…). When you’ve got your back turned you always gotta look you know at the guys walking behind you. You always gotta keep your guard up even with your friends » (Lewis, 20 ans, 1 an

et demi d’incarcération adulte, dont 1 an en sécurité maximale-élevé).

« This is the Special Handling Unit (…). It’s supposed to be for the worst of the worst in Canada so, while I’m in this place the way I look at it, is if I gotta reason to walk out and punch you in the mouth, I’ve gotta reason to walk out and stab you (…). Hey if you’re gonna fight with somebody here, because of the environment you don’t know if he ain’t gonna come back and stab you tomorrow. This is the mentality of this place right? So the way I see it is to go and deal with it right there, once and for all, and get it over with. Because afterwards you ain’t gonna see the guy again anyways. The fact is, if there was a stabbing (…), they’re gonna keep you separate on different ranges. So you’re not gonna have to worry (…). Like don’t get me wrong, these guys are all in a normal max too (…). This place here just breeds hatred. That’s what it does; you’ve got guys sitting in the common room conspiring to kill each other all night. And then the next day, they’re out in the yard (…). And euh, the range I was on at the time there was nobody on the range that didn’t have a shank15. So I’m not gonna be in an environment where I’m the only guy on the range without a weapon (…). Normally in a maximum security, I don’t normally carry weapons because I don’t need them. There are so many other weapons lying around if something happens out in the yard» (Eddy, 36 ans, 17 ans d’incarcération, dont

11 ans en sécurité maximale-élevée).

Puis, certaines conséquences néfastes ont été constatées par les participants face aux nombreuses séparations physiques présentes à l’Unité spéciale de détention pour éviter que les détenus ou différents groupes de placement interagissent lors de leurs déplacements. À cet égard, ils expliquent que la séparation physique ou le placement des détenus et des groupes de détenus dans certaines rangées étiquette non seulement les détenus, mais incite également les détenus à se détester et à s’instiguer à distance. Malgré l’apparence immédiate anodine de ces gestes de provocation en raison de la séparation physique des détenus, ces conflits à distance pourraient s’avérer dramatiques ultérieurement. De même, le fait d’être enfermé dans un espace restreint avec ses codétenus créerait des petites frustrations quotidiennes qui auraient tendance à s’accumuler. Le résultat ne serait plus uniquement des

tensions entre les types de population de détenus (protection, protection, super-protection), entre les détenus de diverses appartenances linguistiques ou culturelles, entre les groupes criminalisés, entre les détenus ayant des conflits interpersonnels comme ce serait le cas dans les autres pénitenciers, mais s’y ajouteraient également des guerres intra et inter rangées :

« Tsé comme là dans mon secteur y’a pas mal de tensions pis là ça me tape su ai nerfs tsé (…).C’est parce que là, nous autres on est pris en sandwich pis eux autres y s’aiment pas pis y’a des gars avec nous autres qu’y ai z’aiment pas tsé. Pis là t’es assis pis t’essaye de prendre ton café pis... t’as un malade mental qui s’en vient tapocher dans vitre pis qui veux t’arracher à tête (…). Dehors j'srais capable d'me contrôler tsé parce que dehors j'peux déménager d'place, j'peux aller voir ailleurs tsé. Mais icitte c'parce que t'es dans même salle pis les deux portes sont barrées tsé » (Ian, 25 ans, 5 ans d’incarcération, dont

4 ans en sécurité maximale élevée).

De plus, deux désavantages principaux sont relatés par les interviewés pouvant découler d’un séjour à l’USD. Premièrement, certains sont d’avis qu’ils sont plus à risque d’être vulnérables à la victimisation lors de leurs placements subséquents simplement en raison de leur assignation de rangée à l’USD :

« You’re just doing your own time. You’ve got no beefs with anybody and later on, because (…) we’re being separated between the fucking Mom Hell’s Angels supporters and your Bandidos supporters, it carries off in the different jails right across the country » (Oliver, 38 ans, 20 ans d’incarcération

adulte, dont 7 ans en sécurité maximale-élevée).

Un autre désavantage souligné par certains participants de l’étude concerne leur difficulté à effectuer une réinsertion sociale fructueuse s’ils sont libérés directement de l’USD :

« I was fucked up when I got to the street. I couldn’t really associate with people you know? I still had the SHU mentality right? (…). Like the SHU could never help a guy function on the street (…).Your senses in the SHU they get really fined tuned right? When your life depends on whether you’re gonna stab me tonight or you’re plotting to kill me or whatever right? When you’ve got to do that for so many years (…). And I took that mentality to the street with me » (Kyle, 31 ans, 15 ans d’incarcération, dont 4 ans en

sécurité maximale-élevée).

Enfin, bien que tous les sujets de l’étude avouent détester se retrouver en placement pénitentiaire, bon nombre de détenus ont cependant décrit certains avantages de la vie à l’USD. Denis (54 ans, 28 ans d’incarcération, dont 9 ans et ½ en sécurité maximale-élevée) dit s’être adapté à son environnement et apprécier le côté prévisible que lui procure l’Unité spéciale de détention comparativement au rythme de vie accéléré de la vie en liberté. Plusieurs autres détenus ajoutent qu’il est plus facile d’assurer sa

sécurité dans une rangée limitée à neuf détenus voire même, seul en isolement, que de vivre en établissement à sécurité maximale entouré de 400 à 500 personnes. Nick (35 ans, 13 ans et demi d’incarcération, dont 1 an et demi en sécurité maximale-élevée) et Zack (34 ans, 13 ans et demi d’incarcération, dont 1 an et demi en sécurité maximale-élevée), pour leur part, nous parlent du confort et de la simplicité du quotidien à l’USD. Par exemple, ils nomment les déplacements limités, les emplois offerts qui sont faciles et bien rémunérés, l’impossibilité que des codétenus rentrent dans leur cellule à l’improviste, la propreté des lieux, le fait de manger seul dans le calme au lieu d’être en compagnie de centaines de personnes bruyantes dans une cafétéria, les soins de santé gratuits et accessibles, la facilité de la cantine comparativement à la liberté où l’on doit apprendre à combler ses propres besoins :

« In here, I’m isolated by myself. So I have pretty much control over everything that goes on here, right? And euh when I go elsewhere, like I said, I don’t know what to expect. I made a lot of enemies over the years, I don’t know who’s in that joint and I may have problems. I may end up walking in there and having to do something or get stabbed the first night » (Eddy, 36 ans, 17 ans d’incarcération, dont 11 ans en sécurité maximale-

élevée).

Outline

Documents relatifs