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PARTIE I – PORTRAIT DE LA VIOLENCE EN MILIEU CARCÉRAL

2. Les éléments de compréhension de la violence intra murale liés aux individus :

2.2 Les éléments de la violence carcérale en lien avec la sentence :

Plusieurs auteurs stipulent que le meilleur prédicteur de violence future est l’usage passé de la violence et c’est ce que semblent révéler leurs données (Jayewardene & Doherty, 1985; Sylvester et al., 1977). Ainsi, de nombreux auteurs s’entendent pour dire que les détenus violents en institution possèdent un lourd passé criminel incluant des antécédents juvéniles et adultes, une précocité de leurs comportements déviants, un polymorphisme dans leurs conduites délinquantes, de nombreuses infractions disciplinaires, etc. (Shaffer, Waters, & Adam, 1994; Zamble & Quinsey, 1997). Plus spécifiquement, Coid (1998) ajoute que la violence en milieu carcéral est surtout le fait d’individus ayant commis des vols, des vols-à-main-armée, des tentatives de meurtre ou de voies de fait. Les individus ayant une peine pour homicide, homicide involontaire, délit sexuel ou délit en lien avec la drogue ont une participation inférieure à la moyenne dans la violence pénitentiaire. En ce qui a trait au suicide, le BJS (2005) nous informe que les détenus qui purgent des sentences pour des délits de violence aux États-Unis ont un taux de suicide deux fois plus élevé que les délinquants non violents. Seulement les détenus incarcérés pour des bris de probation ont des taux de suicide comparables aux personnes incarcérées pour violence. Les trafiquants de drogue, pour leur part, possèdent les taux les plus bas de suicide en institution carcérale par rapport à leurs pairs. De même, les individus enclins à faire la grève de la faim sont inculpés pour des délits plus graves (Bourgoin, 2001-2002). En ce qui a trait aux évadés, Lillis (1994) a remarqué que les détenus de son échantillon d’évadés provenant d’institution à sécurité minimale sont surtout incarcérés pour des délits contre les biens alors que Culp (2005) retrouve une majorité d’individus incarcérés pour des délits de violence (58%) dans son échantillon d’évadés qui étaient logés dans des établissements à sécurité moyenne et maximale au moment de l’évasion. Ce dernier auteur mentionne que 33% des évadés qui sont incarcérés pour des délits de violence y sont pour meurtre, 25% pour d’autres délits contre la personne tels que les voies de fait, les vols qualifiés et les agressions sexuelles, 36% pour des délits contre les biens ou pour des bris de conditions et 5,5% pour du trafic de stupéfiants.

Si nous nous retournons maintenant vers les individus les plus à risques de subir de la victimisation selon les divers auteurs, nous apprenons que les détenus incarcérés pour des gestes de violence sont

deux fois plus souvent victimes d’homicides que les autres détenus (Bureau of Justice Statistics, 2005). Dans l’étude d’Ireland (1999) sur le caïdage, les personnes qui ont tendance à être ce que l’auteur surnomme des « caïdes purs », purgent, de manière générale, les sentences les plus courtes, mais rapportent les plus longs historiques d’incarcération. Hann and Harman (1992) ont également constaté que le risque de passage à l’acte violent en incarcération diminue en fonction de la longueur de la peine. Bref, plus la peine serait courte, plus le risque d’agir violemment serait grand et inversement. Le groupe de détenus, qui a tantôt recours au caïdage et qui est tantôt ciblés par ce type de victimisation, est le plus grand groupe de détenus et est davantage composé par de jeunes détenus qui purgent des peines pour des gestes de violence (Ireland, 1999). Puisque la victimisation est une source de provocation pour les détenus selon l’auteur, cela pourrait expliquer pourquoi les agressés en milieu carcéral deviennent souvent des agresseurs. De plus, elle affirme que cela tendrait à confirmer que les plus jeunes détenus débuteraient en tant que victime dans le milieu carcéral pour devenir des agresseurs par la suite. Ireland (1999) ajoute à ce portrait que le groupe de victimes qualifié de « pures », ont la fréquence la plus basse de détenus purgeant des peines pour des délits de violence et sont plus âgés. L’auteur précise qu’il est possible que ce groupe n’ait jamais développé de stratégie pour se défendre contre les attaques de leurs codétenus. Quant à l’étude réalisée par le Human Rights Watch (2001) portant sur la violence sexuelle dans les institutions américaines, aucun lien n’a été trouvé entre le vécu d’agression sexuel en établissement, que ce soit en tant qu’agresseur ou de victime, et les délits à l’origine de la peine. Toutefois, une exception est apparue, soit un lien entre la victimisation sexuelle carcérale et le fait d’avoir commis des délits sexuels à l’égard de mineurs. Cette exception n’était présente que lorsque les antécédents d’un détenu venaient à l’attention de leurs codétenus. Bien que la majorité des individus victimes d’abus sexuels en prison ne soient pas, selon les auteurs, des individus incarcérés pour délinquance sexuelle, il ne reste pas moins que plusieurs d’entre eux ont rapporté de la victimisation sexuelle. Voici l’expérience d’une personne rencontrée par les auteurs du Human Rights Watch (2001) :

« It took about seven months before my crime became known (…). Then everyone came down on me. They beat me with mop handles and broom sticks. They shoved a mop handle up my ass and left me like that. » (Human Rights Watch interview 222, Texas,

October 1998)

« This man was transferred to another institution but other inmates who knew of his crime were transferred with him. Some three weeks after the transfer, his cellmate woke him up at 2:30 a.m. and raped him, bashing him in the back of the head with a combination lock. »

L’individu rencontré ajoute:

« The guy told me, “I will teach you what a baby raper is”. » (Human Rights Watch

interview 222, Texas, October 1998)

Dans un autre ordre d’idée, il semble important de tenir compte d’un aspect fondamental du milieu carcéral qui est, selon Vacheret et Lemire (2007a), le temps. Bien que le temps à l’extérieur des murs demeure une denrée rare, à l’intérieur des murs, « faire son temps » prendrait une signification bien particulière. En fait, ces auteurs précisent que la réalité du milieu carcéral s’organise autour du temps c’est-à-dire que le détenu se fixe une date probable de libération et vit en fonction de cette date. Le moment de la sentence pourrait-il, pour cette raison, exercer son influence sur l’usage de la violence à l’intérieur des murs? Les résultats de Jayewardene et al. (1985) suggèrent que la majorité des agresseurs et des victimes d’homicide dans les pénitenciers se trouvent dans la première année de leur sentence lorsque l’homicide survient. Pour Zamble (1992), l’étude de l’adaptation chez les détenus dotés de longues sentences révèle que le début de la sentence induit un inconfort psychologique considérable, ce qui peut expliquer l’incidence d’un plus grand nombre de comportements violents en début de sentence pour ces détenus. C’est également la conclusion de Gendron (2010) dans son étude sur les hommes qui vivent une première expérience d’incarcération. L’importance de considérer le moment de la sentence se révèle particulièrement vraie lorsque l’on s’attarde aux gestes de violence auto-agressifs (Bourgoin, 2001-2002; Lalande, 2009; Bureau of Justice 2005). Ainsi, Lalande (2009) indique que dans les institutions québécoises provinciales, 13% des suicides surviennent la première journée, 19% se produisent entre 2 et 10 jours et 19% entre 11 et 30 jours. Selon ces autres, 51% des détenus qui sont décédés ont eu recours au suicide dans les trente premiers jours d’incarcération. Le BJS (2005) obtient des résultats similaires aux États-Unis. Ils ont en effet rapporté 48% des incidents se concentrant dans la première semaine d’incarcération pour les années 2000 à 2002. De plus, 25% des détenus ont commis leur geste la journée même de l’admission (14%) ou le lendemain (9%). Bourgoin (2001-2002) nous informe qu’il y a une surreprésentation de l’automutilation et du suicide parmi les détenus qui n’ont pas encore reçu leur jugement définitif et que les grévistes de la faim agissent également à ce moment (Bourgoin, 1993a, 1993b). En somme, les résultats dans les écrits

suggèrent une vulnérabilité des individus face à l’usage de violence autodirigée en début de sentence. Ils indiquent également un risque plus élevé de victimisation en début d’incarcération.

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