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PARTIE II – LES ÉLÉMENTS-CLÉS S’ARTICULANT AUTOUR DE LA VIOLENCE EN MILIEU

2. Les éléments appartenant au milieu de placement qui peuvent augmenter la probabilité

Pour ce qui est des caractéristiques du milieu de placement qui pourraient engendrer un nombre plus élevé de relations conflictuelles et par conséquent, de gestes de violence, il est évident dans le discours des personnes rencontrées et dans la littérature, que les milieux à haut niveau de sécurité, où les privations sont plus nombreuses et où une hiérarchie basée sur la « loi du plus fort » est clairement définie, ont tendance à créer un contexte d’incarcération où les individus se placent conséquemment en mode de survie. Le discours le plus fréquent quant aux souhaits pour l’avenir des interviewés dont la sortie n’est pas imminente est d’accéder à des établissements à sécurité moyenne afin de recevoir ce qu’ils considèrent être des services dont ils nécessitent afin de vivre du succès en incarcération et en libération. Ils affirment que les enjeux de survie sont moins grands dans les établissements à sécurité moindre. La vaste majorité des individus rencontrés croient peu probable de ne plus devoir faire usage de violence à l’Unité spéciale de détention ou en établissement à sécurité maximale. Ils croient leurs options limitées à cet égard, ne sachant jamais où la vie institutionnelle les mènera dans ces milieux imprévisibles.

Tout comme certains auteurs (Reisig, 1998; Vacheret & Lemire, 2007a), les interviewés contrastent en précisant que les niveaux de violence ne sont pas les mêmes dans toutes les institutions à haute sécurité ni à toutes les époques dans l’histoire des institutions. À cet effet, les interviewés ciblent certaines institutions comme étant plus problématiques en ce qui a trait à la violence. Comme dans la littérature, les individus rencontrés dans le cadre de cette étude critiquent la gestion de certaines institutions, remarquent des insatisfactions chez le personnel, dénoncent une application arbitraire des règles ainsi que le mauvais traitement de la part des détenus à l’endroit du personnel qui engendrerait de la hargne de la part de certains surveillants correctionnels à l’égard des détenus. Ils ont également l’impression d’être injustement traités, parlent de corruption, d’usage illégitime de pouvoir et perçoivent que certains agents exacerbent leurs propres conflits avec les détenus ou en génèrent entre les détenus. Ils n’ont pas l’impression d’être écoutés ou consultés dans les décisions qui les concernent et c’est ce qui les placerait dans des situations où ils seraient à très haut risque de victimisation, voire même, de contre-attaque. De même, ils ajoutent que les mutations de personnel les découragent à se confier, étant déjà méfiants de nature. D’autant plus qu’ils ont l’impression de devoir constamment ressasser ce qu’ils qualifient être leurs pires expériences de vie, parfois pendant plusieurs dizaines d’années. Conséquemment, ils trouvent difficile de se sentir normaux, valorisés ou de passer à autre chose bref,

de tourner la page et de se concentrer sur la liberté. De plus, la lecture des rapports rédigés à leur endroit leur renvoie une vision très négative d’eux-mêmes et les pronostics faibles de succès en réinsertion qui leurs sont attribués par les intervenants sont vécus de manière démotivante. L’impact de cette dévalorisation de soi expliquerait, selon eux, leur manque d’ouverture à s’impliquer dans leurs projets de transfert ou de réinsertion, voire même, leur évitement face à l’exploration, avec leurs intervenants, d’autres recours que la violence pour gérer leurs conflits entre détenus. Nous avons d’ailleurs vu que la création d’un lien significatif avec un membre du personnel ou un proche à l’extérieur du pénitencier est importante pour les interviewés et peut amener un détenu à explorer des alternatives à la violence même dans des situations à très haut risque de victimisation. Une fois la survie assurée (besoin de sécurité), il semble que seul un lien de confiance peut permettre un processus de changement afin de combler les besoins d’estime et d’actualisation de soi des détenus. De même, les individus en isolement se disent, pour leur part, davantage à l’abri de victimisations potentielles de la part de codétenus et se sentent davantage en sécurité. Toutefois, ils avouent que la solitude et l’impossibilité d’avoir des interactions sociales saines en isolement, et ce, pendant de nombreuses années pour certains, devient un obstacle à leur sentiment de compétence interpersonnelle qui est lié à des besoins sociaux, d’estime et d’actualisation.

Quant à l’impact d’une forte concentration d’individus ayant des antécédents de violence dans un lieu de placement et l’impact de cette concentration sur le niveau de violence dans cet établissement, les personnes rencontrées avoueront tous qu’à l’USD, qui est selon eux, l’endroit qui a la plus forte concentration d’individus qu’ils qualifient de « dangereux », il est nécessaire d’adapter le niveau de violence utilisé pour limiter les chances d’attaque ou de contre-attaque d’un adversaire. Ils utilisent donc, pour ce faire, des gestes de violence plus graves que dans des établissements à sécurité moindre. Ainsi, plusieurs diront s’armer davantage à l’USD qu’en maximum régulier en raison de la dangerosité des détenus qu’elle abrite et l’inaccessibilité à des armes sous la main pour se protéger en cas d’urgence. On voit également apparaître, dans le discours des interviewés sur l’USD, le rôle que peut avoir la structure physique des lieux pour aggraver les conflits en restreignant au maximum les déplacements et en forçant l’association de petits groupes de détenus dans un espace verrouillé. Des difficultés émergent également au quotidien à l’USD en raison d’individus très diversifiés qui cohabitent dans un espace limité et clos. Les détenus plus âgés se plaignent du manque de respect des plus jeunes concernant le volume de leur radio, par exemple, les francophones se plaignent de leurs interactions avec les anglophones et ainsi de suite. Le défi pour les détenus rencontrés devient, dans cet espace clos et privatif, l’absence d’alternative d’évitement et de fuite envisageable pour se protéger ou

se retirer d’un conflit avant que celui-ci n'escalade. La violence deviendrait alors la seule option envisageable dans ces circonstances selon les détenus.

3. L’interrelation entre les éléments du milieu et des individus qui rendent l’usage de la violence

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