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PARTIE I L’INSTITUTION CARCÉRALE PERÇUE COMME UN ENVIRONNEMENT HOSTILE

2. Le milieu carcéral présenté comme un lieu de tensions interpersonnelles :

2.3 Les interactions avec les groupes organisés

Plusieurs personnes ont abordé, en entretien, l’importance et même l’impact de certains groupes sur les interactions sociales du milieu carcéral.

Tout d’abord, en ce qui a trait au comité des détenus, il serait le seul groupe organisé qui fait partie intégrante de la structure sociale formelle pénitentiaire. Le comité des détenus est, selon les dires des détenus rencontrés, une entité politique formée par des détenus qui sont élus par l’ensemble de la population carcérale afin de la représenter auprès des autorités carcérales.

Que ce soit l’implication dans le comité des détenus ou l’appartenance à des groupes criminalisés tels que les gangs de rue, les motards ou la mafia, ces groupes amènent tantôt des effets bénéfiques, tantôt des conséquences négatives sur les interactions carcérales dépendamment de la volonté de ceux-ci. D’un côté, il semble que ces groupes puissent avoir un rôle médiateur dans plusieurs conflits. Comme vous pourrez le constater dans les citations qui suivent, la présence de groupes organisés peut servir à créer un certain ordre social en limitant les guerres et le chaos associés aux tentatives continuels de renversement du pouvoir en place par divers individus ou groupes d’individus. De l’autre côté, plusieurs détenus dénoncent l’usage de violence et d’intimidation par ces groupes. Il appert que lorsque le groupe organisé en place est centré sur l’utilisation de la domination ou de la peur pour gérer des activités illicites ou pour obtenir du statut, les interactions des détenus avec celui-ci peuvent se révéler empreintes de méfiance et d’insécurité. Dans ce cas, les interactions de ce groupe avec les autorités carcérales deviennent également teintées de manipulations et d’affirmations mensongères. Des exemples d’agissements de groupes organisés qualifiés de « corrompus » par les interviewés est le fait d’ordonner des règlements de compte ou de générer des gestes de violence afin de protéger les intérêts du groupe, de refuser l’admission d’un détenu dans une rangée pour des motifs autres que les intérêts de tous :

« "I wanna see the committee", cause I know the committee is involved. In order for him to do something like that, committee’s gotta have okayed it cause I had a big click at the time and euh there's no way they would allow something like that to happen » (Peter, 34

ans, 16 ans d’incarcération, dont 3 ans en sécurité maximale-élevée).

« I was getting visits from my girlfriend. My girlfriend was bringing me all kinds of dope. And the committee (rigole) tried to fuckin’ take me on the arm for my drugs. I come out of the visits one day and they grabbed me. They said “Listen, man you and your buddy are disrespecting the committee, we’re confiscating all of your drugs euh and we better not see you in the basement or you’re getting it”» (Peter, 34 ans, 16 ans d’incarcération, dont

3 ans en sécurité maximale-élevée).

«Penitentiaries in Quebec are all gang orientated see? They’re all run by the bikers where everything’s done when they say it’s done. Ontario it’s not like that it’s not run by anybody, it’s run by whoever and anybody who wants to take control. It’s like drug addicts beefin’ each other, it’s like there’s no organization, there’s no respect. The stuff that’s going around in Ontario right now, wouldn’t be going on over here. The bikers would be saying “ Listen, you’re lighting fires for no reason you’re stopping business. Pfft, you leave (…)”. In Ontario, it’s rampid, there’s no control. The guards lost control; the inmate committees don’t have no control anymore. So what the staff do they try to get to the heavy hitters like myself, they give us jobs in certain parts of the institution. Cushy jobs like rep gang and stuff, hoping that we’re gonna keep things settled. Sure they’d let

us get away with a few stabbings and stuff so long as we don’t touch staff » (Zack, 34

ans, 13 ans et demi d’incarcération, dont 1 an et demi en sécurité maximale-élevée).

«Finally I’m on top of the guy and I’m giving it to him and euh committee grabs me off of him » (Peter, 34 ans, 16 ans d’incarcération, dont 3 ans en sécurité maximale-élevée).

La présence de groupes criminalisés en milieu carcéral donnerait lieu à de nombreuses « guerres ». Cette réalité serait davantage vécue au Québec, mais les retombées d’une présumée affiliation s’étendraient dans toutes les provinces du Canada.

« Chu pas dans aucune gang. Y m’associent comme de quoi chu dans une gang, comme de quoi chu d’in « nom du groupe de motards » pis des affaires de même (…). Pis dans mon dossier j’me suis jamais fait arrêter avec eux-autres (…). Ici, y’a eu un poignardage d’un détenu à cause de la guerre entre les Rock Machines pis les Hell’s Angels pis eux- autres y’avaient eu un message de nous éliminer en-dedans (…). Avant ça, on était toutes des chums» (Denis, 54 ans, 28 ans d’incarcération, dont 9 ans et demi en sécurité

maximale-élevée).

Enfin, les détenus identifiés à de tels groupes sont considérés comme étant les leaders des diverses populations carcérales. Ce statut suivrait les détenus à travers leur cheminement carcéral. Puisque l’appartenance à ces groupes serait souhaitable, certains détenus sont prêts à tout pour prouver leur valeur auprès de ces groupes et obtenir ce statut. Ils se rendent disposés à être recrutés, associés ou acceptés dans ces groupes allant même jusqu’à faire usage de violence, si cela est requis par le groupe, pour se prouver et y accéder. Toutefois, plusieurs détenus dénoncent le fait d’avoir été associés à un groupe criminalisé ou l’autre par les autorités carcérales et ceci, qu’ils soient affiliés ou non. Cette « erreur » aurait tendance à créer des incompatibilités qui influenceraient le cours de l’histoire carcérale des individus :

«I got into a couple of fights, and some people started to respect me. And they were bikers and they took me under their wing and they said “Listen, from now on, anybody who wants to fight this guy, it’s gonna be one on one or it’s gonna be a blood bath”. So I had some support. And it went to my HEAD! All of it went to my head! » (Peter, 34 ans,

16 ans d’incarcération, dont 3 ans en sécurité maximale-élevée)

« I ultimately became president of that institution. And you have to understand in this world that is the equivalent of being Prime Minister of Canada (…). And I did whatever it took to get to that position; of course it was a façade (…). My point is I’ve done some things that your average person, even your average inmate would not do because ultimately it could result in your death. And that’s how I worked my way up (…). Did I enjoy the status? Absolutely! Did it make me feel good? Absolutely! Not how I had to get

it (…). But once you have it, and I didn’t have it very long. I mean when you can’t do anything right or you feel you can’t do very much right in life in general you know it’s kind of nice to have status and it’s not like it was given to me. I mean I FUCKING earned it. I put my life on the line and not just once (…). Sometimes to make a positive change in an environment or in a social setting you have to do some things to put yourself in a position where you’ll be able to make those changes. And I guess in this case I sacrificed a part of me as a human being to put myself in this position (…). My purpose was only to try to make these people understand themselves or to make the environment better for them to live in… more conducive to positive change (…).When you become president of the committee, you work with social development with respect to programming, you get budget. And you become in control of all of that and you have a saying in all the day-to- day operations of the institution ok? You talk directly to the warden about the inmate concerns and the changes they want (…) and you are to make sure that everybody doesn’t impose themselves on every other crew. I guess I mean you’re treated with a measure of respect obviously and not just because of the position that you hold but because of what it took to get to that position. And so obviously you’re going to reap the benefits of that in different ways and have more opportunities too; if you’re into drugs, if you’re into social programs, or whatever you’re into » (Fred, 37 ans, 15 ans

d’incarcération, dont 9 ans en sécurité maximale-élevée).

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