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3.3. L’estime de soi : définition, structure, évolution et contextualisation

3.3.2. Unidimensionnalité ou multidimensionnalité de l’estime de soi ?

Classiquement dans la littérature portant sur l’estime de soi, deux modèles se distinguent concernant le caractère unidimensionnel ou multidimensionnel de sa structure. Les premiers travaux portant sur cette question se sont attachés à développer un modèle de l’estime de soi dite globale (Rosenberg, 1965) tandis que d’autres, tout en tenant compte de ce caractère global, ont envisagé l’estime de soi comme composée de plusieurs facettes, relatives à différents domaines de vie dans lesquels l’individu émet un jugement à propos de lui-même et de ses compétences (Crocker & Wolfe, 2001 ; Harter, 1982). Ces différents domaines de vie sont considérés comme hiérarchiquement organisés et comme fonctionnant indépendamment les uns des autres (Dorard, Bungener, & Berthoz, 2013 ; Dupras, 2012).

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3.3.2.1. Conceptions classiques : structure unidimensionnelle de l’estime de soi

3.3.2.1.1. Les travaux précurseurs de James (1890)

En rupture avec les approches philosophiques propres à son époque, James (1890) a été le premier à conceptualiser l’estime de soi dans une acception psychologique et à l’appréhender à partir du rapport entre les aspirations et les réussites (Dupras, 2012). Selon cette conception, plus les succès de la personne dépassent ses aspirations, plus son estime de soi sera élevée et inversement. Cette relation est également dépendante de l’importance accordée au domaine dans lequel les succès ou les échecs se produisent (Dupras, 2012 ; Cannard, 2015).

L’hypothèse de James (1890), concernant à la fois la nature et la dynamique de l’estime de soi, a ensuite été vérifiée et confirmée par les études menées auprès de populations d’enfants, d’adolescents et d’adultes (Harter, 1990). Dans le cadre de ces travaux, les concepts de réussites et d’aspirations, tels que développés par James (1890), ont respectivement été remplacés par les concepts de compétences perçues et d’importance accordée aux domaines, alors jugés plus opérationnalisables (Harter, 1986).

3.3.2.1.2. Les travaux de Cooley (1902)

Dans la continuité des travaux de James (1890), Cooley (1902) définit l’estime de soi dite globale à partir du concept de soi miroir (looking-glass-self) à comprendre au sens de

« ce que je suis dans le miroir du regard de l’autre » (Bardou & Oubrayrie-Roussel, 2014, p. 107). En ce sens, les autrui significatifs avec lesquels l’individu interagit dans ses différents milieux de vie sont considérés comme de véritables miroirs sociaux (Mead, 1934) au travers desquels il se perçoit et s’évalue. Dans cette perspective, l’estime de soi apparaît donc construite socialement par l’intermédiaire des interactions avec autrui (Bardou & Oubrayrie-Roussel, 2014).

Ancrée dans le courant de l’interactionnisme symbolique (Mead, 1934), la perspective de Cooley (1902) traite ainsi du lien inextricable entre Soi et le contexte, permettant ainsi de signifier le rôle exercé par autrui dans le développement de l’estime de soi (Cannard, 2015). Ces éléments permettent de signifier que l’individu recherche toujours, consciemment ou non, l’approbation des autres les plus significatifs pour lui en vue de s’autoévaluer.

Partie 1 - Chap. 3 - Facteurs sociaux et personnels impliqués dans le développement vocationnel 3.3.2.1.3. Les travaux de Rosenberg et de Coopersmith (1967)

Dans le cadre des travaux de Rosenberg (1965 ; 1979), l’étude de l’estime de soi porte sur l’évaluation globale de soi. Ici, l’estime de soi ne renvoie qu’à un seul facteur global, évalué par la Rosenberg Self-Esteem Scale (RSE, Rosenberg, 1965), et est mis en relation avec des dimensions de la personnalité (Bardou & Oubrayrie-Roussel, 2014). Cette conception unidimensionnelle a fortement été critiquée par les travaux ultérieurs dénonçant que le simple fait de considérer l’estime de soi sur son seul aspect global risquerait d’en diminuer « le pouvoir explicatif sur les attitudes » (op. cit., p.122), soulignant ainsi l’intérêt de considérer d’autres domaines d’évaluation de soi plus spécifiques. D’ailleurs, certains travaux, en voulant démontrer l’unidimensionnalité de l’estime de soi, ont finalement aboutit à des résultats contraires, démontrant ainsi l’importance d’une différenciation de l’évaluation de soi dans plusieurs domaines (Piers & Harris, 1964). Dans cette lignée, Coopersmith (1967) va alors plus loin dans ses propres travaux car, bien que son échelle aboutisse au calcul d’un score global d’estime de soi, il s’est tout de même attaché à inclure plusieurs dimensions de soi, concourant de fait à considérer la multidimensionnalité de l’estime de soi.

3.3.2.2. Conceptions contemporaines : structure multidimensionnelle de l’estime de soi

Afin de dépasser les conceptions traditionnelles où l’estime de soi est définie et étudiée en tant que construit « global, indifférencié et unidimensionnel » (Bouffard et al., 2002, p. 158), les conceptions contemporaines se sont attachées à la définir et à l’étudier dans une perspective à la fois multidimensionnelle, dynamique et développementale (Barbot, Safont-Mottay, & Oubrayrie- Roussel, 2019). Parmi ces conceptions, les modèles développés par Harter (1982) puis par Crocker et Wolfe (2001) se démarquent et apparaissent comme les plus cités dans la littérature actuelle portant sur l’estime de soi (Dupras, 2012).

3.3.2.2.1. Le modèle de l’estime de soi (Harter, 1982-1999)

Le modèle d’Harter, développé depuis le début des années 1980 (Harter, 1982, 1983, 1986, 1988, 1990, 1992, 1993, 1999) a notamment permis de concevoir l’estime de soi en tant que construit cognitif et social qui évolue tout au long du développement de l’individu et dont le niveau est fonction de l’importance du domaine considéré quant à l’évaluation de soi (Bardou &

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Oubrayrie-Roussel, 2014). Ce modèle propose ainsi d’étudier le sentiment global de valeur de soi tout en considérant les sentiments de valeur de soi propres à des domaines de vie spécifiques. D’ailleurs, « selon Rosenberg (1979), les deux (estime de soi globale et évaluations spécifiques par domaines) existent dans le champ phénoménal du sujet comme des entités séparées et distinctes, et chacune peut être étudiée pour elle-même » (Rosenberg, 1979, cité par Bariaud, 2006, p. 3).

Les différents domaines considérés par la personne apparaissent à la fois inter-reliés et indépendants les uns des autres (Bariaud & Bourcet, 1994 ; Terriot, Vignoli, Lallemand, & Bourcier, 2016). En d’autres termes, cela signifie que la personne peut s’autoévaluer positivement dans un certain domaine et négativement dans un autre sans pour autant que cela n’affecte son sentiment de valeur globale de soi et ce, en fonction de l’importance accordée à ces dits domaines. Harter (1988 ; 1999) propose aussi d’étudier l’estime de soi à partir d’une perspective résolument développementale selon laquelle le nombre de domaines et l’importance qui leur est accordée se diversifient avec l’âge (Bouffard et al., 2002 ; Terriot, Vignoli, Lallemand, & Bourcier, 2016).

3.3.2.2.2. Le modèle des contingences de l’estime de soi (Crocker & Wolf, 2001)

Dans cette lignée, Crocker et Wolf (2001) développe le modèle des contingences de l’estime de soi selon lequel une personne peut baser son sentiment de valeur de soi sur ses propres compétences, sur l’approbation ou la désapprobation d’autrui à son égard ou encore, sur la combinaison des deux (Dupras, 2012). En ce sens, un certain nombre de domaines peuvent être considérés comme étant contingents avec son estime de soi de sorte que chacun cherchera avant tout à la maintenir, la protéger et l’augmenter en maximisant ses succès et en minimisant ses échecs dans les domaines qu’elle considère comme contingents à son fonctionnement (Crocker, 2002).

À l’instar des travaux d’Harter menés sur cette même question, ce modèle considère que les contingences développées par chacun s’accroissent et varient au cours de son développement (Crocker & Wolfe, 2001). Il met également l’accent sur l’importance accordée aux domaines considérés au sens où l’autoévaluation de soi dans un domaine particulier est étroitement associée à la valeur que l’individu lui accorde et au niveau de réussite qu’il y rencontre (Martinot, 2001).

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