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3.1. Fonctions, pratiques éducatives et attitudes parentales

3.1.3. Les attitudes parentales spécifiques au développement vocationnel

L’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte constituent des périodes développementales clés pour l’étude du développement vocationnel. À ce moment-là en effet, s’engager dans un processus décisionnel visant à émettre un choix quant à son avenir représente une tâche développementale cruciale (Kanten, Kanten, & Yeşiltaş, 2016 ; Kracke, 1997).

Tenant compte de ces éléments, plusieurs modèles théoriques ont ainsi considéré le développement de carrière comme la résultante de processus à la fois intra et inter personnels et, ce faisant, comme co-construit dans le contexte familial via les interactions avec les parents (Ginevra, Nota, & Ferrari, 2015). Le contexte familial joue aussi un rôle majeur dans les transitions développementales vécues par le jeune, notamment celle intervenant dans le passage entre les mondes académique et professionnel (Guan, Capezio, Restubog, Read, Lajom, & Li, 2016). Les attitudes parentales constituent d’ailleurs les principales variables contextuelles explicatives du développement vocationnel des jeunes dans le cadre de ces transitions (Lee, Porfeli, & Hirschi,

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2016 ; Mortimer, Zimmer-Gembeck, Holmes, & Shanahan, 2002). De plus les parents, en tant que principale source de soutien, sont ceux vers qui les jeunes se tournent préférentiellement dès lors qu’ils sont confrontés à des problématiques importantes pour eux tel que le fait de s’investir dans un processus décisionnel engageant leur devenir (Otto, 2000 ; Tynkkynen, Nurmi, & Salmela-Aro, 2010). L’ensemble de ces travaux permet ainsi de souligner le rôle de premier choix qu’ils détiennent dans le cadre du développement vocationnel des jeunes (Keller & Whiston, 2008 ; Pinto & Soares, 2002).

3.1.3.1. La qualité des interactions avec les parents

Parmi les différents vecteurs essentiels à l’étude du développement vocationnel, l’exploration vocationnelle, l’efficacité personnelle ou encore, le développement d’une identité vocationnelle, ont souvent été étudiés comme étant influencées par la qualité des relations entre le jeune et ses parents (Dietrich & Kracke, 2009).

Dans ce cadre, l’exploration est essentielle afin que le jeune puisse recueillir un ensemble d’informations à l’égard de lui-même et des professions pour, plus tard, parvenir à les hiérarchiser et les analyser avant de pouvoir les mettre en lien et prendre une décision (Patton & Creed, 2007 ; Super, 1980). Elle représente d’ailleurs l’une des composantes de l’identité vocationnelle. L’auto- efficacité est également primordiale en ce qu’elle permet au jeune d’anticiper sa réussite dans certains domaines de formations et/ou de professions (Lent, Brown, & Hackett, 2002). En cela, il est en mesure de se convaincre de sa capacité à prendre une décision via les succès rencontrés dans les actions exploratoires entreprises (Betz & Hackett, 2006 ; Savickas, 2005).

Ces facteurs ont ensuite été étudiés au regard des relations d'attachement (Blustein, Walbridge, Friedlander, & Palladino, 1991), des styles éducatifs parentaux (Tracey, Lent, Brown, Soresi, & Nota, 2006) ainsi que de la qualité du climat familial (Hargrove, Inman & Crane, 2005). Les résultats issues de ces travaux ont principalement permis d’observer que l’exploration, l’auto- efficacité et le développement de l’identité vocationnelle sont favorisées lorsque le jeune entretient un lien d’attachement sécure avec ses parents, lorsque ces derniers adoptent un style autoritaire (niveaux élevés de contrôle et de sensibilité) et lorsque le climat familial est chaleureux (Guay, Sénécal, Gauthier, & Fernet, 2003 ; Tracey, Lent, Brown, Soresi, & Nota, 2006 ; Vignoli, Croity- Belz & Chapeland, 2005).

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D’autres études, portant plus spécifiquement sur les difficultés rencontrées lors de la prise de décision de carrière, font état de résultats contrastés, voire contradictoires (Dietrich & Kracke, 2009). En effet, si certains indiquent la faiblesse, voire l’absence, de liens entre les difficultés décisionnelles et différentes variables familiales (Santos & Coimbra, 2000), d’autres s’accordent sur l’effet médiateur de ces dites variables sur les difficultés de prise de décision (Tokar, Withrow, Hall, & Moradi, 2003). D’autres travaux ont pu conclure à de fortes associations entre variables familiales et difficultés décisionnelles (Constantine, Wallace, & Kindaichi, 2005 ; Santos, 2001).

3.1.3.2. La participation parentale au développement vocationnel

Partant des travaux de Super (1980 ; Super & Thompson, 1979) sur la maturité vocationnelle, Rebelo Pinto et Soares (2004 ; Soares, 1998) ont établi que la participation parentale au développement vocationnel s’illustre par deux principales dimensions. La première concerne l’importance que les parents accordent aux différents éléments que sous-tend le développement vocationnel tandis que la seconde porte sur la participation active des parents aux activités perçues comme favorables à ce développement.

En plus de ces deux dimensions, les auteurs observent la présence d’autres facteurs directement reliés aux préoccupations des parents ainsi qu’aux pratiques qu’ils mettent en place afin de favoriser le développement vocationnel du jeune. Les parents apparaissent effectivement fortement préoccupés par l’importance des informations recueillies et transmises quant aux opportunités de formations et de professions ainsi que par la favorisation de l’autonomie du jeune notamment dans l’accès à des expériences nouvelles, considérées comme pertinentes pour le développement vocationnel (Rebelo Pinto & Soares, 2004). Dans ce cadre, la participation parentale s’observe à partir d’actions telles la communication (conversations en lien avec le présent et l’avenir scolaire et professionnel, initiées par les parents ou le jeune) ou les activités (soutien parental aux nouvelles expériences éprouvées par le jeune visant à réussir sa scolarité pour envisager son avenir professionnel) (Astone & Mclanahan, 1991 ; Birk & Blimline, 1984 ; Young, 1994). Ces actions sont à la fois inter reliées et indépendantes au sens d’une influence plus ou moins forte sur le jeune selon ce qu’il perçoit et valorise (Jacobsen, 1971).

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3.1.3.3. Soutien, interférence et manque d’engagement parental : mécanismes clés dans le développement vocationnel des jeunes

Pour saisir la façon dont les parents s’engagent et influencent le développement vocationnel, il semble aussi nécessaire de chercher à identifier les processus par lesquels cette influence est effective (Dietrich & Kracke, 2009 ; Kanten, Kanten, & Yeşiltaş, 2016). Considérant que la prise de décision vocationnelle représente une tâche développementale cruciale à laquelle les parents et les jeunes participent activement, Young et ces collaborateurs (2001) se sont attachés à décrire l’influence parentale sur le développement vocationnel des adolescents et des jeunes adultes en identifiant les attitudes parentales facilitant ce développement. De leurs analyses, il est ainsi ressorti que le soutien, les encouragements, l’accompagnement parental ainsi que les conversations portant sur le champ scolaire et professionnel constituent les attitudes les plus favorables au développement vocationnel (Whinston & Keller, 2004). Dans cette lignée, certains travaux ont précisé ces attitudes via la réalisation d’études qualitatives (Phillips, Christopher-Sisk, & Gravino, 2001 ; Schultheiss, Kress, Manzi, & Glasscock, 2001). Ces études ont ainsi permis d’identifier trois types d’attitudes parentales directement associés au domaine vocationnel (Chope, 2005) :

Le soutien caractérise les parents qui laissent au jeune une certaine liberté de choix tout en l’accompagnant si nécessaire dans certaines activités telle l’écriture d’une lettre de motivation (Phillips, Christopher-Sisk, & Gravino, 2001). Dans ce cadre, les parents adressent leurs encouragements et leurs conseils au jeune pour favoriser son exploration et l’incitent à expérimenter toutes activités jugées pertinentes à son développement vocationnel (Schultheiss, Kress, Manzi, & Glasscock, 2001). Par-là, les parents visent à augmenter la motivation du jeune à s’engager activement dans le processus de préparation vocationnelle (Phillips, Blustein, Jobin-Davis, & White, 2002).

L’interférence incitative caractérise les parents qui adoptent des conduites contrôlantes à l’égard du jeune, notamment concernant ses choix de formations et/ou de professions, quitte à contraindre son exploration et à imposer leurs propres idées sur la question (Young et al., 2001). Avec de telles attitudes, les parents risquent d’interférer avec la motivation du jeune à s’engager dans le processus de préparation vocationnelle, voire même à le rendre totalement passif à son égard (Kanten, Kanten, & Yeşiltaş, 2016).

Le manque d’engagement caractérise les parents qui ne s’engagent peu ou pas dans le processus de développement vocationnel du jeune soit parce qu’ils n’y accordent pas assez d’importance, soit parce qu’ils sont trop occupés par ailleurs pour s’en soucier, soit parce

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qu’ils ne se perçoivent pas suffisamment compétents pour apporter leur aide(Dietrich & Kracke, 2009). De par ces attitudes, les parents peuvent réduire les progrès du jeune dans le processus de développement vocationnel (Mortimer, Zimmer-Gembeck, Holmes, & Shanahan, 2002).

L’ensemble de ces travaux permet de souligner la façon dont l’engagement des jeunes dans leur développement vocationnel se co-construit à l’intérieur même de la sphère familiale, notamment via les attitudes adoptées par les parents (Dietrich & Kracke, 2009 ; Guan et al., 2016 ; Kanten, Kanten, & Yeşiltaş, 2016). Toutefois, au-delà de l’influence de tels facteurs externes, il importe également de se questionner et de considérer tout autant la part de mécanismes plus internes au sujet comme ceux inhérents à sa construction identitaire, étroitement imbriqués aux processus de socialisation des jeunes, de l’adolescence à l’entrée dans l’âge adulte.

3.2. La formation de l’identité : de la théorie eriksonienne aux considérations

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