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2.2. Le processus décisionnel en orientation : de la décision à l’indécision

2.2.3. L’évolution des conceptions de l’indécision vocationnelle

2.2.3.1. Décidés versus Indécis : l’approche dichotomique

Dans le cadre de l’approche dichotomique, l’indécision vocationnelle est principalement pensée comme faisant état de l’absence de choix concernant son avenir scolaire et/ou professionnel (Lunneborg, 1975 ; Rose & Elton, 1971). Une opposition se dessine alors entre les personnes décidées et les personnes indécises à partir de leur (in)capacité à formuler des intentions d’avenir (Forner, 2007).

Partant de ces éléments, Crites (1969) distingue trois profils de personnes indécises. Le premier profil, multipotential individual, est typique d’un individu confronté à une multitude d’options parmi lequelles il ne parvient pas à faire un choix. Le deuxième profil, indecided individual, rend compte d’un individu qui ne parvient à faire aucun choix. Enfin, le troisième et dernier profil, uninterested individual, est illustratif d’un individu qui parvient à faire un choix sans pour autant manifester le moindre intérêt à son égard.

Cette première approche, qui se veut globale et indifférenciée, amène finalement vers une lecture en négatif de l’indécision vocationnelle, envisagée comme un « état quasi pathologique » (Faurie, 2012, p. 41) qu’il n’apparaît pas nécessaire d’expliquer (Forner, 2010). Fondée sur la dichotomie, indécis versus décidé, cette approche évacue ainsi la notion de processus que sous-tend l’indécision. Pour dépasser cette conception, de nouvelles approches se développent et s’attachent à identifier et à comprendre plus finement les mécanismes en mesure d’expliquer cette indécision (Dulu, 2014).

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2.2.3.2. Un état transitoire de l’adolescence : l’approche développementale

Dans le cadre de l’approche développementale, l’indécision vocationnelle est principalement pensée comme inhérente à la période de l’adolescence au sens où c’est bien au cours de celle-ci que les jeunes ont à élaborer des choix et à prendre des décisions concernant leur avenir scolaire et/ou professionnel ce qui peut, de fait, occasionner des phases d’indécision (Erikson, 1968 ; Ginzberg, Ginsburg, Axelrad, & Herma, 1951 ; Super, 1957). Aussi, en tant qu’état transitoire associé à l’adolescence, l’indécision vocationnelle est aussi étroitement liée au développement de la maturité vocationnelle (Forner & Dosnon, 1991) au sens où les niveaux plus ou moins élevés de maturité vocationnelle vont être liés aux niveaux plus ou moins élevés d’indécision (Westbrook et al., 1985).

Bien que cette nouvelle approche ait été confortée par un certain nombre de travaux, elle soulève tout de même deux principales limites (Neice & Bradley, 1979). La première renvoie au fait que l’indécision manifestée par certains jeunes ne diminue pas forcément au cours de l’adolescence. La seconde est inhérente au manque d’explications relatif au processus de résolution de problèmes dans lequel les jeunes s’engagent dès lors qu’ils sont amenés à faire des choix en matière d’orientation (Forner, 2007).

La prise en compte de ces limites fait naître de nouveaux questionnements permettant d’aboutir à la distinction de deux formes particulières d’indécision vocationnelle (Guay, Ratelle, Senecal, Larose, & Deschênes, 2006). D’une part est ainsi définie l’indécision transitoire, ou développementale, relative à un manque de maturité vocationnelle (Dosnon, 1996). D’autre part est définie l’indécision chronique, ou généralisée, directement liée à la personnalité, ici caractérisée d’indécise. L’indécision chronique peut d’ailleurs s’observer dans n’importe quel domaine de vie et, de fait, dépasser le seul cadre de l’orientation scolaire et professionnelle (Dosnon, 1996).

La mise à jour de ces deux formes d’indécision permet de dépasser la conception antérieure de l’indécision vocationnelle par la possibilité de concevoir l’existence d’une hétérogénéité de profils chez les personnes indécises et de proposer des hypothèses visant à l’expliquer (Faurie, 2012). L’approche développementale met ainsi l’accent sur le caractère d’instabilité propre à la période adolescente pour expliquer l’indécision vocationnelle tout en mettant à jour une autre forme d’indécision, celle liée à la personnalité (Forner, 1999). Elle permet également de considérer la situation à laquelle font face les jeunes dès lors qu’ils sont amenés à faire des choix d’orientation

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comme une situation de problème nécessitant d’être résolue. Cela donne lieu au développement d’une nouvelle conception de l’indécision vocationnelle à partir d’une approche cognitive.

2.2.3.3. Une situation de conflit à résoudre : l’approche cognitive

Dans le cadre de l’approche cognitive, l’indécision vocationnelle renvoie à une situation de résolution de conflit à laquelle la personne faire face (Crites, 1969 ; Janis & Mann, 1977 ; Peterson, Sampson, & Reardon, 1991). Elle est appréhendée au regard des modèles de la prise de décision qui postulent l’existence de plusieurs phases distinctes dont la résolution successive amène la personne à formaliser un choix et à prendre une décision (Forner, 2007). Selon cette approche, l’indécision vocationnelle est alors considérée comme la conséquence « d’un déficit et d’un dysfonctionnement de l’un des processus mobilisés » (Dulu, 2014, p. 99).

L’approche cognitive tend ainsi à dépasser l’approche dichotomique en mettant en avant l’aspect dynamique de l’indécision via la prise en compte du processus décisionnel dans son ensemble (Faurie, 2012). À partir de ces modèles et en complément de l’approche développementale, elle vise aussi à mettre à jour les « contenus des phases du traitement de l’information concernant la personne elle-même, les métiers, le monde du travail et celui des formations » nécessaires pour aboutir à une prise de décision (Forner, 2010, p. 3). À partir de cette nouvelle conception de l’indécision vocationnelle, l’état d’indécision dans lequel se situe une personne est donc indentifiable et identifié à partir de la mise en œuvre plus ou moins réussie des différents processus permettant de résoudre les phases de traitement nécessaires à la prise de décision (Peterson, Sampson, & Reardon, 1991).

L’approche cognitive tend ainsi à développer un modèle idéal de la prise de décision en considérant un profil prototypique de l’individu qui « construit de manière autonome une connaissance intégrée de soi et du monde et retient l’option la plus intéressante pour lui-même et sa communauté : il présente une identité vocationnelle construite (Holland, 1985), il est mature sur le plan de la carrière (Super, 1980), il est rationnel dans ses stratégies de décision (Harren, 1979), qu’il prend en état de vigilance (Janis & Mann, 1977) » (Forner, 2007, p. 220). Dans ce cadre, et à l’instar de l’approche dichotomique qui distinguait trois profils de personnes indécises (multipotentiel individual ; indecided individual ; uninterested individual, Crites, 1969), l’approche cognitive développe également deux profils-types. Le premier, undecideness, est représentatif d’un individu qui fait face à un certain nombre d’options parmi lesquelles il n’est pas

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en mesure de choisir (Forner, 2007). Le second, indecisiveness, est directement lié aux traits de personnalité de l’individu (Holland & Holland, 1977) et rend compte de stratégies de faire face non adaptées (Larson, Heppner, Ham, & Dugan, 1988).

Malgré son intérêt, cette nouvelle conception de l’indécision apparaît pourtant trop

« fidèle à la logique des processus » (Forner, 2010, p. 3) si bien qu’elle tend à occulter d’autres facteurs pouvant également présider et intervenir dans la prise de décision (Janis & Mann, 1977).

2.3. Opérationnaliser l’indécision vocationnelle : d’une structure multidimensionnelle

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