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3.3. L’estime de soi : définition, structure, évolution et contextualisation

3.3.3. L’estime de soi au cours du développement

Dans le cadre de ses travaux, Harter (1983, 1998, 2003) admet que le Soi est un construit à la fois cognitif et social. Ce faisant, l’évolution de l’estime de soi au cours du développement du sujet est fonction des remaniements des relations qu’il entretient avec les autrui significatifs présents dans ses différents milieux de vie et, également, de son développement cognitif.

3.3.3.1. L’estime de soi entre stabilité et changement

En tant qu’évaluation que chacun réalise à propos de lui-même, l’estime de soi semble, pour certains auteurs, relativement stable dans le temps (Coopersmith, 1967). Or, ce caractère de stabilité n’apparaît pas comme immuable au sens où l’estime de soi, dans son versant dynamique (Rosenberg, 1979), reste sujette aux changements, au gré des interactions et des expériences vécues par le sujet (Bardou & Oubrayrie-Roussel, 2014). Aussi, bien que les conceptions traditionnelles de l’estime de soi tendent à la définir par sa résistance au changement, il n’en reste pas moins que, d’un point de vue développemental, des variations s’observent de l’enfance à l’âge adulte (Cannard, 2015 ; Bardou & Oubrayrie-Roussel, 2014 ; Trzesniewski, Donnellan & Robins, 2003).

La littérature fait cependant état de contradictions à ce propos. En effet, alors que certains travaux rapportent le caractère relativement stable de l’estime de soi dans la première partie de l’adolescence (Bolognini, Plancherel, Bettschart, & Halfon, 1996), d’autres admettent une augmentation de cette dernière au cours de la même période (Cole et al., 2001), tandis que d’autres encore en mentionnent une diminution progressive (Jacobs, Lanza, Osgood, Eccles, & Wigfield, 2002). Cet état de fait a souvent été expliqué par deux facteurs : d’une part, les domaines d’évaluation de soi soumis à l’étude et d’autres part, l’âge des participants (Cannard, 2015). Par ailleurs et de façon plus contextualisée, la diminution de l’estime de soi observée auprès d’adolescents plus âgés peut s’expliquer par des attentes et des exigences scolaires, professionnelles, relationnelles et personnelles beaucoup plus élevées dans les sociétés actuelles (Bardou, 2011).

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3.3.3.2. Les variations de l’estime de soi entre l’enfance et l’adolescence

Au cours de l’enfance, l’estime de soi se construit progressivement par l’intériorisation de l’approbation ou de la désapprobation parentale (Cooley, 1902 ; Mead, 1934, cités par Bolognini & Prêteur, 1998). En effet, dans les premières années de vie, les parents constituent les premiers modèles identificatoires auxquels l’enfant peut se référer (Harter, 1999). Pour Harter (2003), trois stades, intervenant entre 8 et 11 ans, permettent d’ailleurs d’appréhender le développement du processus d’évaluation de soi à partir de la structuration des multiples représentations de soi que l’enfant réalise dans le jeu de la comparaison sociale. Dès l’âge de 8 ans, l’enfant est donc en mesure de développer un sentiment de valeur globale de soi tout en autoévaluant ses capacités dans différents domaines de vie. Toutefois, au regard de son développement cognitif encore immature, il ne peut pas encore réaliser une évaluation précise de lui-même.

Ce n’est que par la suite, avec l’acquisition du stade opératoire concret puis formel (Piaget, 1977), que l’adolescent peut se rendre compte et intérioriser les standards de réussites et d’échecs valorisés socialement afin d’autoévaluer ses propres compétences dans les domaines considérés (Dupras & Bouffard, 2011). De plus, avec la diversification de ses milieux de vie et des interactions avec les autrui qu’il y retrouve, l’adolescent obtient des feedbacks de multiples sources telles que les enseignants, les pairs ou encore, les ami(e)s - intimes - qui, au-delà de ses parents, peuvent l’aider à s’autoévaluer (Harter, 1990).

L’adolescence est également une période intense du développement, empreinte de nombreux remaniements qui peuvent venir affecter l’estime de soi (Kindelberger & Picherit, 2016). À ce sujet, les travaux ont ainsi pu montrer qu’en raison de ces nombreux remaniements l’estime de soi tend à diminuer fortement au début de l’adolescence (Benjet & Hernandez-Guzman, 2001 ; Robins, Trzesniewski, Tracy, Gosling, & Potter, 2002). À cette période, elle apparaît donc fortement mise à l’épreuve et fragilisée avant d’augmenter à nouveau en fin d’adolescence et de se stabiliser à mesure de l’entrée dans l’âge adulte et au-delà (Marsh, 2005 ; Trzesniewski, Donnellan, & Robins, 2003).

3.3.3.3. L’évolution de l’estime de soi de l’adolescence à l’âge adulte

Dès la fin de l’adolescence et avec l’avancée dans l’âge adulte, le jeune paraît de plus en plus à même « de se percevoir d’une manière beaucoup plus sophistiquée et mieux organisée » (Pfeifer & Blakemore, 2012, cités par Dorard, Bungener, & Berthoz, 2013, p. 110).

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Cela est notamment rendu possible par son développement cognitif, lui permettant d’accéder à de nouvelles compétences, à la capacité à penser son avenir et à s’y projeter ou encore, en raison de transitions scolaires, sources de nouveaux défis aussi bien personnels que sociaux (Robins & Trzesniewski, 2005).

Une étude longitudinale, menée auprès de 1083 adolescents (Birkeland, Melkevik, Holsen, & Wold, 2012) a d’ailleurs permis de conclure à la relative stabilité du niveau moyen d’estime de soi au cours de l’enfance et de la pré-adolescente ainsi qu’à une augmentation progressive de ce niveau moyen entre 14 et 23 ans. Il semble également important de mentionner l’existence des versants positif et négatif de l’estime de soi faisant qu’elle peut très bien osciller entre ces deux pôles. C’est d’ailleurs ce que montrent les résultats de l’étude menée par ces mêmes auteurs (2012) qui observent que 7% de leurs participants décrivent une courbe en « U ». Bien que soumise à des variations interindividuelles, l’estime de soi augmente progressivement au cours de l’adolescence et jusqu’au milieu de l’âge adulte pour ensuite atteindre un pic vers l’âge de 50 ans, avant de décroître à mesure du vieillissement (Dorard, Bungener, & Berthoz, 2013 ; Orth, Robins, & Widaman, 2012).

3.3.3.4. L’estime de soi selon le sexe

Au-delà de l’âge, le sexe constitue un second facteur essentiel à considérer dans les études portant sur l’estime de soi. En effet, bien qu’au cours de l’enfance les niveaux d’estime de soi rapportés sont sensiblement identiques entre les garçons et les filles (Guillon & Crocq, 2004), la tendance s’inverse dès l’entrée dans l’adolescence. À ce moment du développement en effet, les garçons rapportent généralement des niveaux d’estime de soi globale beaucoup plus élevés que les filles (Chabrol, Duconge, Roura, & Casas, 2004 ; Robins & Trzesniewski, 2005 ; Steinberg, 2005 ; McClure, Tanski, Kingsbury, Gerrard, & Sargent, 2010).

Dans le même sens, le sentiment de valeur globale de soi rapporté par les garçons augmente sensiblement entre 14 et 23 ans tandis qu’à l’inverse, celui rapporté par les filles diminue au cours de cette même période (Block & Robins, 1993). Ces constats se retrouvent également dans d’autres travaux qui observent une variation de l’estime de soi entre filles et garçons (Bardou, 2011 ; Safont, Oubrayrie, & de Léonardis, 1994 ; Oubrayrie, Safont, & Tap, 1991). Il en va de même considérant différents domaines dans lesquels chacun s’autoévaluent. Les filles tendent généralement à émettre une évaluation beaucoup plus negative d’elles-mêmes sur les plans scolaire et physique contrairement aux garçons (Bardou, 2011). Ces différences ont notamment été expliquées par les

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normes et les attentes sociétales qui diffèrent grandement selon le sexe (Bardou & Oubrayrie- Roussel, 2012).

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