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À partir de la fin des années 1950 et jusqu’à la fin des années 1970, une nécessaire réorganisation du système éducatif français se fait entendre. Durant cette période, le nombre croissant de jeunes scolarisés fait effectivement apparaître le besoin de repenser leur accueil et de démocratiser le système éducatif pour un accès facilité. En ce sens, la réforme Berthoin de l’enseignement, acte tout d’abord le prolongement de la scolarité en déplaçant l’âge obligatoire de 14 ans à 16 ans (ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant sur la prolongation de la scolarité obligatoire). À sa suite, le décret n° 59-57 du 6 janvier 1959 portant sur la réforme de l'enseignement public, marque l’intégration progressive de l’orientation professionnelle au domaine scolaire permettant ainsi le passage d’une orientation strictement professionnelle à une orientation scolaire et professionnelle. Alors que l’ordonnance vise uniquement à définir le type de métier vers lequel orienter le jeune, le décret tend à distinguer, parmi les différentes voies d’enseignement, celle qu’il pourra suivre parmi : l’insertion dans la vie active, l’enseignement technique ou encore, l’enseignement général. De plus, dans une soucis d’aide à la prise de décision, un Conseil d’Orientation, pouvant se référer aux Offices d’Orientation Professionnelle, est également mis en place. Les Collèges d’Enseignements Généraux (CEG) sont également créés, permettant la mise en place d’un cycle d’observation, correspondant aux classes de Sixième et de Cinquième, afin de préparer au mieux, et au plus tôt, l’orientation des élèves (Picard & Masdonati, 2012). À la suite de ce premier cycle d’observation, cinq voies d’enseignements sont mises en place : l’achèvement de l’enseignement obligatoire préparant à l’entrée dans la vie active, l’enseignement technique court, l’enseignement technique long, l’enseignement général court et l’enseignement général long.

La réforme Berthoin, seulement effective en 1967, est par ailleurs renforcée par la loi n°75- 620 du 11 juillet 1975 relative à l'éducation (dite loi Haby) qui promeut une démocratisation plus qualitative de l’accès à l’enseignement secondaire. Dans le but d’éviter au maximum les effets de ségrégation sociale dans l’accès aux études, cette réforme prévoit que tous les élèves sortant du primaire accèdent à la classe de sixième au sein de collèges uniques et qu’ils soient placés dans des classes aussi hétérogènes que possible. L’objectif est alors de « donner à tous les jeunes français une même culture de base et préparer leur orientation » (Garnier, 2015). La réforme prévoit également une orientation via le choix d’options, dès la classe de quatrième, qui permettront alors aux élèves de s’orienter vers un cursus général ou professionnel.

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Pour autant et malgré cette intégration progressive, la prise de décision relative à l’orientation, supposée reposer sur les mérites des jeunes et non plus seulement sur leur origine sociale, reste marquée par de forts présupposés déterministes. Pour tenter de remédier à cela, la réforme Fouchet-Capelle, par l’adoption du décret n° 63-794 du 3 août 1963 relatif à l’organisation pédagogique des collèges d’enseignement secondaire, créée les Collèges d’Enseignement Supérieur (CES) composés de trois filières. Cette nouvelle organisation, qui reporte de deux ans la phase décisive d’orientation, clarifie dès lors le prolongement entre les enseignements issus de l’école et ceux proposés au cours des deux premières années du CES (classes de Sixième et de Cinquième), tout en proposant une différenciation progressive en fonction de l’orientation suivie par l’élève. À partir de cette nouvelle organisation, il est aussi question d’éviter d’imposer trop précocement une orientation aux élèves et à leur famille d’autant que ces derniers pâtissent d’un manque manifeste d’informations à ce sujet.

Ce constat permet ainsi de souligner l’absence de dispositif d’informations relatif à l’orientation et à ce qu’elle recouvre, ne permettant donc pas aux principaux intéressés de réunir l’ensemble des conditions leur donnant la possibilité de formuler un choix éclairé. Pour palier cela, l’Office Nationale d’Information sur les Enseignements et les Professions (ONISEP) est alors créée (décret n° 70-239 du 19 mars 1970 relatif à l'organisation administrative et financière de l'office national d'information sur les enseignements et les professions (O.N.I.S.E.P)). Son objectif est de servir les actions des Centres d’Orientation Professionnelle par le recensement et le contrôle d’un ensemble d’informations dont chacun doit disposer en vue de prendre une décision concernant son orientation. En parallèle, le Centre d’Étude et de Recherche sur les Qualifications (CÉREQ) voit le jour. Sa principale mission consiste à appuyer l’élaboration du corpus documentaire de l’ONISEP à partir d’analyses menées sur l’environnement économique ainsi que sur les métiers et leur évolution, mettant dès lors en relation directe la formation et l’emploi (Andreani & Lartigue, 2006).

1.2.1. Lien formation-emploi et nouvelles missions de l’orientation

Le développement de ce lien particulier formation-emploi appelle à remettre en question la conception mécaniste de l’orientation jusqu’alors prépondérante dans le champ. À cet égard, Léon (1957) est d’ailleurs l’un des premiers à manifester quelques réserves sur les fondements de cette conception par la prise en compte des éléments contextuels de cette époque (Guichard & Huteau, 2006). Il souligne ainsi le manque de considération du caractère dynamique de l’individu,

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des aptitudes et des professions. À partir de cette réflexion, Léon (1957) préconise la mise en place d’une pédagogie de l’information professionnelle, prônant la participation active des jeunes quant à l’élaboration de leurs projets via la transmission d’informations permettant d’« élargir leur horizon professionnel et de choisir leur métier d’une manière plus réfléchie, plus motivée » (Léon, 1957, p. 55). S’ajoute à cela une période de grande crise économique, due au premier choc pétrolier, entrainant la fin d’une période de trente années prospères, les Trente Glorieuses, et faisant croître de manière considérable le taux de chômage. La prise en compte de ces éléments rend alors inadaptée aux préoccupations et aux réalités économiques et sociales du moment la conception de l’orientation défendue jusqu’alors. Il semble donc nécessaire de la dépasser.

Avec la fin des Trente Glorieuses, la relation formation-emploi ne peut effectivement plus être caractérisée par sa stabilité. Elle devient, au contraire, de plus en plus sujette aux difficultés prévisionnelles dont elle fait l’objet et aux nombreux changements, toujours plus rapides, des caractéristiques des emplois et des qualifications sous-jacentes. La conception mécaniste, naît dans une période de croissance économique, ne trouve plus sa place dans cette nouvelle période historique, plus que jamais marquée par l’incertitude à l’égard de l’avenir (Olry-Louis, Guillon, & Loarer, 2013). À ce stade, l’idée d’exercer une même profession tout au long de sa vie n’a plus lieu d’être (Savickas et al., 2010). Considérant cela, les services chargés de l’information et de l’orientation se voient confier de nouvelles missions, dont la définition permet de signifier plus fortement l’inscription de l’orientation dans le processus éducatif et de la relier à l’environnement socioéconomique dans lequel évoluent les individus (Canzittu & Demeuse, 2017). Pour consolider ces nouvelles directives, les premiers Centres d’Information et d’Orientation (CIO), les Services Communs Universitaires d’Information, d’Orientation et d’Insertion Professionnelle (SCUIO-IP) ainsi que les Centres Information Jeunesse (par exemple : CRIJ) sont créés. La formation des conseillers est également renforcée par la mise en place du Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Conseiller d’Orientation (CAFCO), élevant la formation au niveau de la Maîtrise (décret n° 71-541 du 7 juillet 1971 relatif à l’organisation des services chargés de l’information et de l’orientation).

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1.2.2. Les procédures d’orientation par palier au secondaire

Entre 1973 et 1975, sont progressivement mises en place les Nouvelles Procédures d’Orientation (NPO) qui marquent un véritable tournant dans l’organisation de l’orientation au niveau de l’enseignement du second degré. Le décret n°73-129 du 12 février 1973 justifie d’ailleurs de la pertinence des NPO pour répondre aux limites des dispositifs antérieurs tout en présentant leur structure, divisée en quatre phase (information, dialogue, orientation, affectation).

La première phase consiste à donner accès à une information de qualité à propos des différents types d’enseignements existants ainsi qu’aux débouchés professionnels qui leur font suite. Cette information se doit d’être diffusée, de façon égale, aux principaux acteurs de l’orientation soit principalement, les élèves, les parents et les enseignants. Aussi, pour appuyer le travail, déjà effectué par les structures dédiées à l’information et à l’orientation et les conseillers d’orientation qui y travaillent, deux nouveaux acteurs apparaissent dans le champ : le Professeur Délégué à l’Information et le Professeur Correspondant qui enseigne dans les classes ultérieures aux paliers d’orientation. Leurs missions respectives consistent à relayer l’action des conseillers d’orientation auprès des élèves et de faire le lien entre les établissements du premier et du second cycle d’enseignement. Le deuxième phase prévoit d’améliorer le dialogue entre les équipes pédagogiques et la famille. Cela constitue une avancée majeure dans les procédures d’orientation au sens où désormais, les décisions se prennent en concertation par la logique des vœux que l’élève et sa famille émettent et auxquels les équipes pédagogiques répondent. Dans le même sens, la troisième phase vise à mettre en place une procédure d’appel aux décisions d’orientation posées par le conseil de classe, octroyant de fait un certain pouvoir aux élèves et à leur famille quant aux décisions prises pour leur avenir. Jusqu’alors en effet, l’institution scolaire était la seule en mesure d’imposer une orientation aux élèves sans pour autant leur donner la possibilité de manifester un quelconque avis à son égard. Enfin, la dernière phase consiste à revoir et à simplifier les procédures d’affectation des élèves afin de permettre un traitement plus fluide des demandes et de réduire le risque d’admissions multiples au sein des établissements (Andreani & Lartigue, 2006).

Dans son ensemble, la mise en place des NPO a également été à l’origine de la réorganisation de l’enseignement secondaire en fonction des différentes phases d’orientation des élèves. Quatre cycles sont ainsi identifiés : le cycle d’observation (classes de Sixième et de Cinquième), le cycle d’orientation (classes de Quatrième et de Troisième), le cycle de détermination (classe de Seconde) et, enfin, le cycle terminal (classes de Première et de Terminale).

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Ces quatre cycles permettent une nouvelle fois de décaler le temps des choix afin que l’orientation de chacun puisse se penser et se préparer au mieux.

1.2.3. L’insertion socio-professionnelle des jeunes sortants en question

La crise initiée par le premier choc pétrolier au début des années 1970 se poursuit jusqu’au début des années 1980, faisant croître la courbe du chômage à un niveau critique. En 1983, près de 30% de la tranche d’âge des 16-19 ans se retrouve ainsi touchée, faisant du chômage l’une des problématiques sociétales les plus préoccupantes du moment. Les jeunes âgés de 16 à 25 ans deviennent ainsi le public prioritaire en matière d’orientation professionnelle (Guichard & Huteau, 2006). Entre 1984 et 1988, des programmes relatifs à la formation professionnelle se développent et poursuivent deux grands objectifs qui sont d’amener les jeunes vers un niveau de formation toujours plus élevé tout en favorisant l’insertion socioprofessionnelle des publics en difficulté (Caroff, 1987). Dans le même sens, la circulaire Chevènement (n° 85-009 du 8 janvier 1985 intitulée

« Pour une école de la réussite : préparation de la rentrée 1985 ») ajoute aux missions des conseillers d’orientation celle d’élargir leur travail au public lycéen.

En parallèle, la parution du rapport Schwartz intitulé « L'insertion professionnelle et sociale des jeunes » (1981), préconisent le développement d’outils à l’attention de certains publics, dits vulnérables, afin de garantir à tous l’accès à la formation. En cela, les Permanences d'Accueil, d'Information et d'Orientation (PAIO) sont mises en place par l’ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de seize à dix-huit ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale. L’objectif est ici d’accompagner les jeunes dans leur insertion en les aidant à élaborer un projet et à formuler des choix relativement à leur avenir. Les Missions Locales, dont les objectifs rejoignent ceux des PAIO, sont également créées. Positionnées dans des zones dites difficiles, leurs actions s’étendent également aux problématiques liées au logement, à la santé et aux loisirs. Dans le même sens, en 1986, le Dispositif d’Insertion des Jeunes de l’Éducation Nationale (DIJEN) ainsi que les Cycles d’Insertion Professionnelle en Alternance sont créés pour accueillir des jeunes âgés de plus de 16 ans et leur permettre d’accéder à une formation de niveau V.

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