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Une profonde mutation technique de la navigation intérieure.

PREMIÈRE PARTIE : CRISE ET REDRESSEMENT (début des années 1840-1871)

Carte 4. Carte des voies fluviales dans le bassin parisien

B. Survivance de la batellerie.

2. Une profonde mutation technique de la navigation intérieure.

a) La révolution du barrage mobile.

La cause essentielle des difficultés de la navigation résidait dans l’impuissance des ingénieurs à maîtriser complètement les rivières. S’ils semblaient briller dans le creusement des canaux, ils ne parvenaient guère à résoudre les problèmes de filtration et d’évaporation. Les canaux de l’Ourcq, de Saint-Martin, de Saint-Quentin et de Bourgogne connaissaient ainsi de manière récurrente des carences en termes d’alimentation en eau. D’autres problèmes survenaient pour les canaux plus anciens, à l’instar du canal du Loing, de Briare et du Centre dont les écluses se révélaient trop étriquées, tandis que la navigation sur le canal du Nivernais devait cohabiter avec le flottage217… La mutation du réseau des voies navigables devait donc passer par une meilleure maîtrise des cours d’eau. Les ingénieurs trouvèrent enfin un moyen

216 Patrick Verley, La Révolution industrielle, Paris, Gallimard, Folio histoire, 1997, pp.200-206.

217

François Aulagnier, Études pratiques sur la navigation du Centre, de l’Est et du Nord de la France et des principales voies navigables de la Belgique, Paris, Carilia-Guoeury et Vve Dalmont, Libraires, 1841, p.8.

de réguler correctement les rivières : le barrage mobile. On doit essentiellement cette invention à l’ingénieur ordinaire de l’Yonne, Charles Antoine Poirée 218

. Dès 1820, il conçut l’idée d’établir en travers de la rivière des hangars offrant la particularité d’être entièrement mobiles. Il adjoignit ultérieurement une écluse à ce dispositif, inventant ainsi le barrage mobile éclusé. Il effectua lui-même de 1837 à 1843 les réalisations initiales sur la Seine. Le barrage mobile éclusé autorisait la canalisation des rivières de plaine qui s’avérait impossible avec des barrages de maçonnerie fixes. Le principe résidait dans le fait de monter le niveau de l’eau, la maintenir à un niveau constant quel que fût le débit de la rivière, d’où une navigation constante219. Cela représentait un progrès décisif dans l’aménagement des rivières220, même s’il s’agissait en réalité de la combinaison de deux techniques plus anciennes221

, à savoir la canalisation par barrage fixes et la navigation par lâchures ou « navigation par éclusée », consistant en des barrages à pertuis et à portes marinières. Jusque-là, le savoir des ingénieurs excellait à la construction de canaux et à celle de barrage. De par leur caractère même, les possibilités qu’offraient les barrages fixes à la navigation apparaissaient des plus limitées, voire impossible sur les cours d’eau de plaine et à rives basses… La maîtrise de la construction des canaux et des écluses ouvraient la possibilité de suivre le modèle anglais de canaux de dimensions réduites en nombre important. Pourtant, telle ne fut finalement pas la voie suivie, dans la mesure où elle limitait les gabarits des bateaux. Cette solution fit les beaux jours de la navigation fluviale aux débuts de la révolution industrielle anglaise qui avait elle-même précédé celle de la France. Or, pour concurrencer la voie ferrée, la batellerie française se devait d’emporter davantage de marchandises. En tant qu’ingénieur de la Haute- Seine, l’ingénieur Poirée connaissait bien la technologie des pertuis et il l’adapta pour réguler

218 Jacques Henri Chanoine, « Barrages automobiles ; fusion des systèmes Poirée et Thénard ; mémoire », in

Annales des Ponts et Chaussées. Mémoires et documents relatifs à l’art des constructions et au service de l’ingénieur ; lois, ordonnances et autres actes concernant l’administration des Ponts et Chaussées,

Paris, Carillan-Gueury et Vve Dalmont, 3e série, 2èmesemestre, n°5, 1851, pp. 133-166 ; Jacques Henri Chanoine,

Notice sur les barrages mobiles et automobiles, Paris, V. Dalmont, 1855, 24p.

219 Les retenues étaient formées par des pièces métalliques que Poirée avait baptisées « fermettes » par analogie

aux fermes soutenant les toitures. Lesdites pièces pouvaient tourner autour d’un axe horizontal. C’était contre ces fermettes que venaient s’appuyer en amont les aiguilles, c’est-à-dire des pièces en bois avant de coucher les fermettes sur le radier, en retirant les barres de réunion et la passerelle. Pour le relever, il fallait, dans un premier temps, redresser les fermettes en les reliant l’une à l’autre avant d’installer la passerelle et placer les aiguilles. L’abattage du barrage se révéla une opération très longue et délicate, voire dangereuse, les accidents mortels pouvant intervenir au moment d’une crue subite de la rivière. L’autre inconvénient de ce système résidait dans l’étanchéité insuffisante, les agents du service de la navigation ayant recours à du foin, des escarbilles pour colmater les interstices entre les aiguilles!… Cela dit, on ne pouvait guère contester l’importance de ce procédé, car ce type d’écluse permettait une navigation continue de la rivière.

220

François Beaudouin, Paris et la batellerie du XVIIIe siècle au XXe siècle, Musée de la batellerie de Conflans-

Sainte-Honorine, éditions Maritimes et d’Outre-Mer, 1979, p.22.

221 François Beaudoin, « La canalisation de la Seine par barrages mobiles éclusés au XIXe siècle », in les

Cahiers du Musée de la Batellerie, Bulletin de l’Association des Amis du Musée de la Batellerie, Conflans-

les cours d’eau avec des moyens relativement modestes. En un sens, il s’agissait davantage d’un recyclage de techniques déjà éprouvées sur l’Yonne et les canaux du Bourbonnais. L’originalité du « nouveau procédé » résida plus dans sa capacité à rendre opératoire leur combinaison.

L’Yonne a servi de champ d’expérimentation du barrage mobile222. Avant d’arrêter un

système de travaux pour améliorer la navigation si précaire de cette rivière, l’Administration souhaita entreprendre l’essai d’un barrage mobile en aval de l’embouchure du canal de Bourgogne. La loi du 19 juillet 1837 ouvrit un crédit de 1 050 000 de francs qui fut consacré à la construction de ce barrage situé près d’Épineau, ainsi qu’à améliorer les parties les plus vétustes du chemin de halage et des rives de l’Yonne, et entre autres, aussi la construction de ports à Joigny, Sens et Pont-sur-l’Yonne. Ces différents travaux furent achevés en 1839. Un nouveau crédit fut accordé par la loi du 8 juillet 1840, se montant à 1,2 millions de francs, pour l’établissement de quatre autres barrages à Pêchoir, Joigny, Villeneuve-le-Roi et Saint- Martin, à proximité de Sens ainsi que pour l’amélioration des berges et du chemin de halage. Ces quatre barrages ont été édifiés en 1841 et 1842, ils démontrèrent la pertinence du barrage mobile, car les conditions de navigation avaient été notoirement améliorées, d’Épineau jusqu’à Pont-sur-Yonne, la rivière offrait un tirant d’eau de 0,90 m à comparer aux 0,60 et 0,70 m antérieurs de haut-fond des éclusées223…

Une allocation de 6,5 millions de francs fut affectée à la poursuite des travaux de perfectionnement de l’Yonne par la loi rendue le 31 mai 1846 sur les propositions de l’année précédente224. Les ouvrages prévus par cette loi comportaient cinq écluses de grandes dimensions accolées aux barrages déjà établis, six nouveaux barrages dotés d’écluses à Auxerre, Monéteau, Bassou, Champfleury, Port-Renard et Cannes, un grand réservoir à établir sur la Cure, aux Settons pour l’alimentation de la rivière, quatre barrages sur la haute Yonne, la défense des rives, fixation et approfondissement du chenal navigable, l’agrandissement de divers ports, l’élargissement des arches marinières de Villeneuve et de Montereau et quelques autres ouvrages accessoires. Après une expérience concluante sur l’Yonne, on décida de procéder à un premier essai en Seine. On aménagea un barrage avec écluses, en dérivation entre 1838 et 1840 au passage de la Marne.

222 Jacques Henri Chanoine, « Barrage automobiles : fusion des systèmes de MM. Poirée et Thénard », in

Annales des Ponts et Chaussées, 2ème semestre, 1851, pp.133-140.

223 François Aulagnier, Études pratiques sur la navigation du Centre, de l’Est et du Nord de la France et des

principales voies navigables de la Belgique, Paris, Carilia-Guoeury et Vos Dalmont, Libraires, 1841, p.2.

224

Loi relative à la navigation intérieure, 31 mai 1846, Bulletin des Lois du Royaume de France, IXe série, juillet

Figure 3 Système Poirée : 1 = aiguille, 2 = appui, 3 = passerelle, 4 = fermette, 5 = pivot, 6 = heurtoir, 7 = radier. (Source : Wikipédia)

b) Une solution originale aux insuffisances de la navigation intérieure : le touage.

On ne porta pas les améliorations exclusivement sur le réseau, mais elles concernèrent aussi les modes de tractions. Parmi elles, figurent le toueur. Il s’agit d’un bateau symétrique doté d’un gouvernail à chacune de ses extrémités, ce qui lui permettait de naviguer dans les deux sens. Ce bateau était équipé d’une machine à vapeur actionnant un treuil sur lequel s’enroulait une chaîne posée au fond de la rivière sur toute la longueur de la section à parcourir, comme par exemple les 70 km séparant Conflans-Sainte-Honorine de Paris. Une poulie portée par un bras articulé faisait monter la chaîne à bord du toueur, s’enroulant plusieurs fois autour du treuil et redescendant dans l’eau à l’arrière. Le treuil mis en marche, le toueur avançait le long de la chaîne entraînant derrière lui les bateaux remorqués. Ce procédé formait une alternative intéressante par rapport au halage animal, présentant l’avantage sur ce dernier d’être axial et non pas oblique et d’autoriser une concentration de puissance supérieure225.

Le touage à vapeur et à chaîne continue a été mis au point vers 1820 par l’ingénieur Tourasse226 et ne devait connaître que des modifications secondaires par la suite227. La

225 François Beaudouin, Paris et la batellerie du XVIIIe siècle au XXe siècle, Musée de la batellerie de Conflans-

Sainte-Honorine, éditions Maritimes et d’Outre-Mer, 1979, p.23. 226

Tourasse (ingénieur-mécanicien), François-Noël Mellet, Essai sur les bateaux à vapeur appliqués à la navigation intérieure et maritime de l’Europe, sur les bateaux aqua-moteurs et particulièrement sur le touage par la vapeur, ou remorque à points fixes, accompagné de considérations sur les transports par terre et par eau et sur les chemins de fer, Paris : Malher et Compagnie, 1828, 236p.

première ligne de touage à vapeur à chaîne continue fonctionna à Paris à partir de 1845228, entre le pont de la Tournelle, à la sortie amont du petit bras de la Seine et à Port-à-l’Anglais, en amont de la confluence de la Marne avec la Seine. La concession de ce système de remorquage avait été accordée au sieur Delagneau et Cie de par une ordonnance en date du 18 mars 1845, elle était d’une durée de cinq ans à partir du jour de la suppression effective du halage sur berge. La première ligne à longue distance a été établie de Conflans-Sainte- Honorine à la Briche à l’écluse de la Monnaie, à la suite de la construction du barrage de Suresnes229.

L’efficacité s’avéra totale, ce qui conduisit les pouvoirs publics à prescrire par la loi du 31 mai 1846, le réglage du fleuve. Malgré tout, le touage ne s’imposa que vers 1850230. C’est ainsi que le toueur « Austerlitz » assura de façon permanente le remorquage des convois entre le pont de la Tournelle et Charenton. Le gouvernement impérial donna son accord pour de nombreuses concessions qui furent autorisées surtout en faveur de la Basse-Seine. Les concessions des 6 avril 1854, 13 août 1856 et du 16 août 1857 concernaient les sections des écluses Monnaie-Conflans-Sainte-Honorine (72km), de la Monnaie-Montereau (104km), Conflans-Sainte-Honorine-Rouen-Trait…

Le touage contribua à une restructuration de la navigation fluviale sur la Seine, avec l’émergence de société susceptible d’assurer un transport de masse. Trois compagnies furent constituées afin d’assurer ces services : la Compagnie de la Basse-Seine et de l’Oise, la Compagnie de touage de la Haute-Seine. Les canaux virent aussi apparaître le touage sur les sections où les conditions d’exploitation s’avéraient délicates (souterrains et sections étroites…). Le touage connut ainsi un vif succès, il absorba, par exemple, 90% de la section alors que la ligne entre Conflans Sainte-Honorine et Paris venait à peine d’être créée 231! L’avantage du touage résidait dans son efficacité motrice par rapport aux conditions de navigation de la fin du Second Empire, soit 75-80% contre 60% pour la roue à aube et 50%

228 Michèle Merger, « La Seine dans la traversée de Paris et ses canaux annexes : une activité portuaire à l’image

d’une capitale (1800-1939) », dans Paris et ses réseaux : naissance d’un mode de vie urbain, XIX e

-XXe siècle, pp.349-386, sous la direction de François Caron, Jean Derens, Luc Passion et Philippe Cebron de Lisle, Paris, Direction des affaires culturelles et Université de Paris-IV Sorbonne Centre de recherche en histoire de l’innovation, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, 1990, pp.360-363.

229 Jacques Cambuzat, « Substitution d’une navigation continue à l’aide de barrage mobile à la navigation

intermittente produite par les éclusées de l’Yonne sur la Seine et sur l’Yonne entre Paris et Auxerre », in Annales des Ponts-et-Chaussées, 1873, pp.177-242.

230 AN C3283 : note de Jean-Baptiste Krantz datée du 1er mai 1871.

231

Molinos, A. de Bovet, « Le touage sur la Seine », rapport présenté au 5ème congrès international de navigation

pour l’hélice232 233… M. Eugène Godeaux a obtenu, le 4 avril 1854, une concession lui

autorisant d’établir un touage sur chaîne noyée sur 69 km entre l’écluse de la Monnaie à Paris et Conflans Sainte-Honorine en Seine234, avec un prolongement sur l’Oise jusqu’à Pontoise (14 km)235. Le cahier des charges spécifiait qu’il ne s’agissait pas d’un monopole. Le tarif s’élevait à 1 centime la tonne par kilomètre, ce qui en pratique signifiait qu’une péniche chargée de 200 tonnes de houille partie de la Briche (à l’embouchure du canal Saint-Denis avec la Seine) et acheminée par un toueur à l’écluse de la Monnaie, au niveau du Pont-Neuf, c’est-à-dire un trajet de 29km, devait payer 58 francs pour le remorquage, 12 francs pour le pilotage et 5 francs pour la location des cordages, ce qui faisait un total de 75 francs236. L’industriel avait formulé auparavant une requête encore plus ambitieuse, consistant à noyer une chaîne entre Paris et Rouen, et entre Conflans et Janville… Cependant, le projet inquiéta l’Administration qui limita sur le plan administratif l’espace de cette technique nouvelle. En effet, le risque était que les toueurs, en tant qu’entrepreneurs, ne favorisent leurs propres bateaux, ce qui ne correspondait pas aux principes des Ponts et Chaussées selon laquelle les voies navigables devaient servir à l’État et aux usagers de contrepoids contre un éventuel monopole des voies ferrées237. Le but n’était donc pas de substituer un monopole par un autre. Le Conseil général des Ponts et Chaussées proclamait, lors de la séance du 12 juillet 1855 : « mais c’est par les réductions de tarifs qu’elle impose au voies de fer que la batellerie est

appelée à rendre de grands services au commerce et à l’industrie ; qu’en fait, par l’amélioration de son matériel et par les perfectionnement qu’il reçoit tous les jours, l’industrie des transports par eau est entrée dans une voie de progrès, or il convient de l’encourager et de la soutenir comme le seul modérateur utile de la puissance des chemins de fer238 ». Le 17 juillet 1855, la Compagnie du touage de la Basse-Seine et de l’Oise vit le jour. La chaîne fut accrochée, dans les mois qui suivirent, à l’une des piles du pont routier de Conflans. Le service se cantonna dans un premier temps à trois toueurs circulant entre

232 Jean-Baptiste Krantz, Note sur l’amélioration de l’amélioration de la navigation de la Seine entre Paris et

Rouen, Saint-Germain-en-Laye, 1er mai 1871, p.18. 233

Bernard Le Sueur, Conflans Sainte-Honorine. Histoire fluviale de la capitale de la batellerie, Paris, L’Harmattan, 1994, p.276.

234 Jean Millard, Paris, histoire d’un port, du port de Paris, au Port autonome de Paris, Paris, L’Harmattan,

1994, p33.

235 « Le service de traction entre Conflans et Paris » in Le Journal des transports, 25 octobre 1884.

236

Maxime Ducamp, « La Seine à Paris, les Industries fluviales et la Police du fleuve », in Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 72, 1867, p.180.

237 Louis Girard, La politique des travaux publics du Second Empire, op. cit., p.155.

238

AN (site de Pierrefitte-sur-Seine), F14 10912 130 Lagrené, Cours de navigation intérieure, II, 126, AN (site de

Conflans et la Briche239. Peu à peu, les résultats de cette compagnie se sont révélés tout spectaculaires, en s’accaparant de 85 à 95% du total du trafic de la Seine sur cette section. Pour la seule année 1868, ses navires ont remorqué 10387 bateaux transportant le volume colossal de 1,6 millions de tonnes entre Conflans et la Briche, le tonnage d’un train moyen s’élevant entre 1 200 et 1 500 t, voire 2 000 t240

. Entre Paris et Conflans, ces bateaux naviguaient à une vitesse moyenne de 3 km/h à la remonte et 8 km/h à la descente, mais ils pouvaient avancer à une vitesse supérieure entre Conflans et Rouen.

En amont de Paris, a été créée la Compagnie de la haute Seine, destinée alors à un service de moindre importance qu’en basse Seine. En effet, le trafic s’accomplissait avant tout à la remonte, le tonnage des trains s’avérait plus réduit, ainsi que l’effort de traction241

. Moins ambitieuse que son homologue en aval de Paris, cette société semblait plutôt viser une économie de capital que celle de la consommation de combustible proprement dite. Les craintes de l’Administration d’un potentiel monopole de ces sociétés de touage n’étaient donc pas infondées, mais elles avaient préfiguré la possibilité une véritable industrialisation de la navigation fluviale. Les bateaux à vapeur convoyeurs de marchandises se sont multipliés et commencèrent à s’imposer au début des années 1860, tout au moins sur la Basse-Seine242. Pour l’essentiel, ces nouveaux types de bateaux appartenaient à de grandes compagnies, qui les louaient aux mariniers, désormais obligés d’y recourir, le halage ayant été prohibé dans la traversée de Paris. La chaîne de touage était « appelée à devenir le rail de la navigation243 »

Tableau 2. Halage et remorquage sur la Basse-Seine, entre Paris et Rouen 1847-1853.

Années Total des bateaux

montants

Bateaux halés Bateaux remorqués

239 Bernard Le Sueur, Mariniers, histoire et mémoire de la batellerie artisanale, Paris, Éditions du Chasse-Marée

/ Glénat, tome 2, 2005, pp.162-163.

240 Jean-Baptiste Krantz, Note sur l’amélioration de l’amélioration de la navigation de la Seine entre Paris et

Rouen, Saint-Germain-en-Laye, 1er mai 1871, p.18. La Compagnie entre Conflans et Rouen avait quant à elle procédé au remorquage de 3 500 bateaux transportant 417 000 tonnes.

241 Ces toueurs présentaient une force de 35 chevaux, sans condensation et tiraient 0,40 m d’eau. Les toueurs en

basse Seine étaient quant à eux dotés d’une hélice, ils descendaient sans recourir à la chaîne noyée, car cela ne s’avérait guère possible pour un fleuve aussi sinueux.

242 Inspection de la Navigation, Registres de Correspondance, 8 juin 1863.

243

Charles-Denis Labrousse, Navigation intérieure : Traité du touage sur chaîne noyée : Établissement et exploitation : Technologie et discussion, Paris, Liège, Noblet et Baudry, 1866.

1847 969 510 459 1848 522 129 393 1849 632 192 440 1850 766 223 543 1851 810 251 547 1852 1233 391 681 1853 1513 363 738

Source : Ernest Grangez, Précis historique et statistique des voies navigables et d’une partie de la Belgique, Paris, N. Chaix, 1855, p.776.

Pourquoi la navigation éprouva-t-elle tant de mal à se motoriser ? On a montré l’effet d’entraînement limité de la voie d’eau sur l’économie, du moins en comparaison avec les chemins de fer. Il convient de s’interroger pourquoi la navigation fluviale est si longtemps demeurée « traditionnelle », la vapeur en tant que motorisation ne s’imposant que tardivement. Et encore s’agissait-il de remorqueurs ou encore du touage… tirant plusieurs chalands… en bois !… Il s’agissait là d’un cercle vicieux puisque la batellerie, moins consommatrice d’énergie, ne pouvait pas peser autant que ne l’ont fait les chemins de fer. Les compagnies minières, qui même si elles étaient favorables à la concurrence entre les différents transports, ne pouvaient pas s’aliéner le débouché si considérable que représentaient les voies ferrées. On aurait pu espérer que les compagnies de chemin de fer travaillant hors des zones minières (PO, Midi244…) fissent appel à la batellerie… Ce fut parfois le cas, mais le plus