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Controverse autour du canal de l’Ourcq : alimentation en eau ou navigation ?

CHAPITRE II. AMBIVALENCES DE LA QUESTION PORTUAIRE SOUS LE SECOND EMPIRE.

A. Un canal dont l’histoire a débuté par une controverse pour finir par un compromis.

2. Controverse autour du canal de l’Ourcq : alimentation en eau ou navigation ?

Le canal de l’Ourcq est né d’une controverse liée à un double objectif 402

: l’alimentation de la ville en eau et la traversée de Paris. Pour ce qui est du dernier point, on a pu se rendre compte des difficultés de la navigation dans la capitale et plus particulièrement du « verrouillage » que représentait le centre de la ville pour la navigation d’aval et d’amont403

.

Villette. Longueur totale 107,914 km ; longueur dans le département de Seine-et-Marne 67,700 Km. La cuvette du canal a 4,50 m au plafond et 9 à 10 m au plan d’eau. Le tirant d’eau moyen est de 1,50 m. Le canal de l’Ourcq est, avant tout, un canal d’alimentation pour la ville de Paris ; il ne sert qu’accessoirement à la navigation et n’admet que des bateaux dits « flûtes de l’Ourcq », ayant 3,10 m de largeur sur 29 m de longueur. Le halage, tant à la remontée qu’à la descente, s’accomplissait, le plus souvent, au moyen de chevaux, sur un chemin empierré de 2 m de largeur moyenne qui suivait la rive gauche. On étudie actuellement un projet de touage à vapeur entre Claye et Meaux. La vitesse de marche ordinaire était de 2 km par heure à la remonte et de 3 km à la descente, en comptant le passage des écluses. Le canal offrait une pente totale de 15,36 m rachetée par dix écluses et par la pente même des biefs variant entre 0,0625 m et 0,12366 m. Ces écluses présentaient 60 m de longueur utile, mesurée entre la pointe des buses, et 3,20 m de largeur. Il existait des ports à May, Lizy, Congis, Meaux, Villenoy, Vignely, Claye ; on pouvait d’ailleurs débarquer partout où se trouvaient des chemins à proximité. On trouve à Villenoy un bassin de radoub et de construction de bateaux. Il n’y avait pas de chômage. L’arrêt moyen par les glaces était de 10 jours; l’arrêt a été de 30 jours au maximum. Des écluses sont établies à Varreddes, à Meaux (à l’extrémité du faubourg Saint-Nicolas), à Villenoy, à Vignely et à Fresnes. Le canal est alimenté par les eaux de l’Ourcq, dont il n’est qu’une dérivation, par les eaux de la Collimance, du Clignon, de la Gergogne, de la Thérouanne, du Rutel, de la Beuvronne, de l’Arneuse, et par deux prises d’eau sur la Marne, l’une au barrage d’Isles-les-Meldeuses, l’autre à Trilbardou.

399 François Beaudoin, « Le canal de Paris », in Béatrice de Andia et Simon Texier (dir.), Les Canaux de Paris,

Paris, Délégation à l’action artistique de la Ville de Paris, 1994, p.68.

400 Ou rigole d’alimentation. Les enjeux entre « rigole d’alimentation » et canal seront envisagés plus en détails.

La nuance s’avère cruciale.

401 Canaux de Paris (Les), Paris, Délégation à l’action artistique de la Ville de Paris, 1994, 222p.

402 Fréderic Graber, Paris a besoin d’eau. Projet, dispute et délibération dans la France napoléonienne, Paris,

CNRS éditions, 2009, 417p.

La Seine constituait jusque vers la fin du XVIIIe siècle la principale ressource en eau de la capitale. Les pompes installées à l’époque classique se révélaient insuffisantes si bien que l’on songea à les remplacer par des machines plus régulières et plus puissantes. Jacques Périer forma, en 1781, une société404 afin d’installer une pompe à feu à Chaillot. Deux machines à vapeur importées de Grande-Bretagne (plus précisément de Birmingham) aspiraient l’eau du fleuve et alimentaient quatre réservoirs édifiés sur la colline de Chaillot. Devant leur succès, il installa, sur la rive droite, au Gros-Caillou405, une machine similaire en 1786-1788. Ces machines n’en demeuraient pas moins insuffisantes pour l’alimentation de toute la capitale406. La qualité de l’eau se révélait souvent médiocre pour un prix onéreux407. Une autre solution, fondée sur l’écoulement gravitaire, concurrençait les pompes à feu. En 1762, l’académicien Deparcieux avait lu son Mémoire, sur la « possibilité d’amener à Paris, à

la même hauteur à laquelle y arrivent les eaux d’Arcueil, mille à douze cent pouces d’eau, belle et de bonne qualité, par un chemin facile et par un seul canal ou aqueduc ». Imprimé

l’année d’après408

, ce mémoire préconisait de dériver de la petite rivière de l’Yvette, renforçant sensiblement le volume d’eau disponible à Paris. En effet, il y avait fort à faire dans ce domaine, car la Ville ne disposait, selon les calculs de Deparcieux, que de 200 à 230 pouces par jour. Les ingénieurs Perronnet et Fer de la Nouerre reprirent ses évaluations, dans leurs projets de dérivation de l’Yvette409

.

Si Perronnet envisageait un aqueduc en pierre, pour un coût de 8 millions de livres, Fer de la Nouerre, de son côté, limitait la dépense à un million en renonçant à la maçonnerie. Il citait l’exemple la dérivation de la source de Chadwell et de la rivière de Lew, alimentant Londres depuis 1608, qui avait procuré des économies substantielles. Le principe demeurait néanmoins assez proche, les deux ingénieurs envisageaient des travaux hydrauliques d’une vaste ampleur. Le caractère onéreux de ces réalisations était censé être compensé par une plus

404 Compagnie des eaux de Paris. Voir J. Bouchary, L’eau à Paris à la fin du XVIIe siècle. La Compagnie des

eaux de Paris et de l’entreprise de l’Yvette, Paris, 1946, pp.37 et suivantes.

405 Dans l’actuel 7e arrondissement.

406 Voir Marc Gayda, Les canaux parisiens, Valignat, Éditions de l’Ormet, 1995, p.24. Sur les fontaines,

consulter : Michel Belloncle, La ville et son eau. Paris & ses fontaines, s.l., Serg, 1978, 287p.

407 Près d’un sou pour 15 litres pour la livraison de 268 litres par jours…

408 Antoine Deparcieux, Mémoire lu à l’Assemblée publique de l’académie royale des sciences, le samedi 13

novembre 1762, sur la possibilité d’amener à Paris, à la même hauteur à laquelle y arrivent les eaux d’Arcueil, mille à douze cent pouces d’eau, belle & de bonne qualité, par un chemin facile & par un seul canal ou aqueduc, Paris, 1763, p.8. Deparcieux publia un Second mémoire sur le projet d’amenée à Paris la rivière d’Yvette, reprenant en grande partie les arguments du premier mémoire.

409 Jean Rodolphe Perronnet, Mémoire lu à l’Assemblée royale des sciences le 15 novembre 1775 sur les moyens

de conduire à Paris une partie de l’eau des rivières de l’Yvette et de la Bièvre, Paris, 1776 ; Fer de la Nouerre, Mémoire sur le projet d’amener à Paris les eau des rivières de l’Yvette et de la Bièvre, s.i.n.d. Sur l’ensemble de la querelle, lire J. Bouchary, op. cit., pp. 33 et suivantes.

grande fiabilité par rapport à des machines susceptibles d’avaries et de vieillissement410

. Ces arguments furent repris par l’académie des sciences, préférant ouvertement l’écoulement gravitaire à la multiplication des pompes à feu. Fer de la Nouerre obtint par la suite la concession des travaux de l’Yvette, mais devant de graves difficultés techniques et surtout financières, il abandonna son entreprise en 1793. On peut encore signaler les analyses de Parmentier qui jugeait la Seine amplement suffisante aux besoins parisien. Il publia à cet effet une Dissertation sur la nature des eaux de la Seine, en 1787, où il attribua au fleuve des qualités de pureté, liées à son mouvement, ayant la capacité de purifier les matières et dépôts de toutes sortes s’y accumulant : « Loin donc que l’eau de la Seine se vicie en traversant

Paris, il me semble au contraire qu’elle y acquiert de la qualité par l’augmentation de son mouvement411».