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Des barrières qui restent à lever

Dans le document Handicaps et emploi (Page 198-0)

4.4 L E MILIEU DE TRAVAIL ENVISAGÉ COMME UN CONTINUUM

4.4.3 Une dynamique d’évolution

4.4.3.3 Des barrières qui restent à lever

La volonté réaffirmée de favoriser la fluidité des parcours et l’objectif de développer les sorties

« vers le haut » à partir des Esat et entreprises adaptées se heurtent dans les faits au cloisonnement des dispositifs et au maintien de barrières administratives que les récentes mesures de réforme n’ont pas supprimées. f La rigidité de l’organisation institutionnelle

La rigidité de l’organisation institutionnelle

Le caractère univoque des décisions prononcées par les Commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui orientent les travailleurs reconnus handicapés soit vers le milieu ordinaire soit vers le milieu protégé, oblige à représenter un dossier pour bénéficier de tout dispositif ou opportunité relevant d’une autre orientation. La lourdeur des procédures et les délais qu’elles engendrent conduisent certaines MDPH à prononcer des doubles orientations « milieu protégé ou ordinaire », formule qui a le mérite du pragmatisme sinon de la conformité réglementaire puisque les textes actuels ne le permettent pas.

Comme le souligne le rapport IGAS-IGF sur les entreprises adaptées, ces deux dispositifs font l’objet d’une gouvernance éclatée entre deux programmes budgétaires et deux ministères distincts :

les Esat relèvent de la sphère sociale et du programme 157 « handicap et dépendance », géré par le ministère des Solidarités et de la Santé. Depuis le 1er janvier 2017, le financement des Esat est assuré par l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et les ressources propres de la CNSA. Le budget de la CNSA intègre donc désormais les dotations destinées à leur fonctionnement, soit 1,469 milliard d’euros pour environ 1 350 Esat.

les entreprises adaptées (EA) relèvent de la sphère emploi et du programme 102 « accès et retour à l’emploi » géré par le ministère du Travail, de l’emploi et de la Formation professionnelle.

Aucun acteur ne dispose de ce fait d’une vision consolidée de ces dispositifs. Malgré la complémentarité des Esat et EA, la convergence de leurs missions, les recoupements de leurs publics, les décisions budgétaires et stratégiques concernant l’un et l’autre des dispositifs restent prises de façon isolée par chacun des deux ministères, sans cohérence d’ensemble.

Il existe de nombreuses formes d’accompagnement vers l’emploi des travailleurs handicapés, qui comprennent celles construites par les Esat et les entreprises adaptées, mais ne se limitent pas à ce périmètre. On peut notamment citer :

les mesures mises en place par le ministère du Travail dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018 pour l’accompagnement des transitions professionnelles entre les entreprises adaptées et le milieu ordinaire : les CDD Tremplin et les entreprises adaptées de travail temporaire (cf.

partie 4.4.3.2) ;

l’accompagnement réalisé en milieu ordinaire par les Esat hors les murs, (cf. partie 4.4.3.2) ;

l’emploi accompagné, fonctionnant sur un principe novateur, qui vise à accompagner conjointement un salarié et une entreprise (cf. partie 3.3.2) ;

« l’accompagnement global » de Pôle emploi, réalisé conjointement par un conseiller Pôle emploi et un travailleur social du département, réservé à des publics très fragilisés sur le marché du travail.

Une demi-douzaine de dispositifs susceptibles d’accompagner les personnes handicapées en milieu ordinaire de travail coexistent. Mais leur autorisation administrative, leur pilotage, le financement

et leurs interventions sont régis par des autorités et des règles distinctes, ce qui ne facilite pas leur appropriation par les usagers – salariés ou entreprises.

Les obstacles rencontrés lors du passage en milieu ordinaire

Aller vers le milieu ordinaire lorsqu’on travaille en Esat, ou vers une entreprise « classique » lorsqu’on est salarié d’une entreprise adaptée, représente un effort et une prise de risque. Les personnes se heurtent de plus à une série de freins institutionnels, qui tiennent notamment à :

La perte de revenus ou d’avantages divers

Plusieurs études de cas mettent en évidence des pertes de pouvoir d’achat en cas de sortie d’Esat vers le milieu ordinaire, liées à la perte de l’allocation adulte handicapé (dont la « portabilité » est actuellement limitée à six mois), au caractère imposable du salaire, à la perte de droits et d’avantages annexes comme des tarifs préférentiels dans les transports en commun ou la perte d’un logement lorsque celui-ci est adossé à un Esat.

Par ailleurs, le travailleur handicapé quittant le milieu protégé pour un emploi en entreprise adaptée ou un emploi « classique » s’expose à un risque de licenciement. La période antérieure d’activité dans un établissement médico-social est inéligible à toute indemnisation de chômage.

La personne doit donc avoir acquis une ancienneté suffisante dans son nouvel emploi salarié pour bénéficier de prestations chômage.

L’absence d’un droit effectif au retour

La transition vers le milieu ordinaire, même si elle est soigneusement préparée et accompagnée, demeure un processus précaire et le maintien durable dans l’emploi peut constituer un véritable défi. Des dispositifs existent en droit pour répondre aux aléas de la sortie mais rencontrent en fait des limites importantes.

S’agissant des salariés qui quittent une entreprise adaptée, le législateur a prévu une priorité d’embauche au cas où ils souhaiteraient revenir. Mais il ne s’agit pas d’une garantie de réintégration.

Pour les travailleurs qui sortent d’Esat, un droit au retour est prévu en cas de signature d’une convention d’appui avec l’entreprise d’accueil.

Conventions d’appui et droit au retour

Le travailleur handicapé accueilli en Esat qui conclut un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée, ou un contrat aidé, un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation en milieu ordinaire peut bénéficier d’une convention d’accompagnement passée entre son Esat, son employeur et, éventuellement, le service d’accompagnement à la vie sociale.

Destinée à accompagner la personne handicapée et son employeur pendant la durée du contrat de travail dans la limite d’une durée maximale d’un an renouvelable deux fois, cette convention précise les modalités de l’aide apportée par l’Esat et éventuellement le service d’accompagnement à la vie sociale.

La mise en œuvre de ce dispositif « passerelle » est assortie d’un droit au retour pour le travailleur handicapé. Ainsi, en cas de rupture de son contrat de travail ou lorsqu’il n’est pas définitivement recruté, il est en principe réintégré de plein droit dans son Esat d’origine ou, à défaut, dans un autre Esat avec lequel un accord a été conclu.

Il s’agit toutefois d’une garantie formelle :

une minorité de sorties donnent lieu à convention ;

une place doit être disponible dans l’Esat en cas de retour.

Un droit au retour effectif implique pour l’Esat de garder un poste pour le salarié parti mais susceptible de revenir. Les Esat interprètent différemment cette obligation selon les régions, notamment en lien avec la politique de gestion des postes par les agences régionales de santé.

C’est pourquoi le rapport IGAS-IGF sur les Esat, qui entend « systématiser les conventions d’appui et d’aide au retour », recommande de « décontingenter l’aide au poste en cas de retour » : les Esat seraient autorisés à accueillir temporairement en sureffectif un travailleur de retour et percevraient l’aide au poste correspondante.

La non-disponibilité des prestations d’insertion de droit commun

Le classement des Esat dans la sphère médico-sociale engendre une autre série d’obstacles qui tiennent à l’articulation avec le Service public de l’emploi. Ainsi, le statut d’« usager d’un établissement médico-social », qui est celui des personnes travaillant en Esat, ne permet pas de bénéficier des prestations des Cap Emploi pourtant spécifiquement conçues pour traiter l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Il y a là un évident paradoxe puisque les barrières administratives créées par le cloisonnement des dispositifs s’opposent à la fluidité des parcours, objectif pourtant répété des politiques publiques.

Dans le document Handicaps et emploi (Page 198-0)