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d’une recomposition urbaine soutenable

II. Une démarche intégrée et cohérente indispensable

II.2.  Une gouvernance appropriée

Le recours à une démarche intégrée implique une gouvernance adaptée. La gouvernance représente « l’ensemble des processus et des institutions qui participent de la gestion

politique d’une société » (Le Gales, 2003, p. 418). Elle renvoie aux acteurs intervenant dans

les processus de prise de décision relative aux intentions collectives de la communauté.

II.2.1. Une gouvernance transversale et locale renforcée 

L’approche transversale s’applique évidemment à la gouvernance territoriale, parce qu’elle sollicite diverses compétences et réclame une démarche interdisciplinaire et multipartenariale, à différents échelons territoriaux. Une gouvernance transversale fait appel à de nombreux acteurs, venant des milieux politique, institutionnel, associatif, entrepreneurial, syndical, administratif, commercial, etc. qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble. Il s’agit d’une nouvelle façon de travailler, dans « un espace-temps bien plus vaste

que celui du mandat » (Emelianoff, 2005, p. 142).

Une démarche intégrée suppose ainsi la mise en réseau et l’entente des différents acteurs territoriaux quels que soient leurs fonctions, leur statut juridique et leur échelle de compétence (le langage institutionnel parle souvent de “partenaires”) pour définir des priorités, des financements, des calendriers précis de mise en application des actions et prévoir un processus d’évaluation1. Au final, la mise en œuvre d’une recomposition urbaine soutenable implique une dynamique collective et donc une interaction des acteurs territoriaux,

en mobilisant les ressources et les compétences, en élargissant le cercle de décision au-delà

des élus, en y incluant les habitants, les cadres d’entreprise, les acteurs sociaux…

Cette association des “partenaires” aux décisions prises par les élus accentue le poids de l’échelon local dans le système de gouvernance des territoires. Une gouvernance adaptée à l’approche transversale bouleverse naturellement les rapports verticaux traditionnels et renforce l’approche ascendante (bottom up) des projets d’aménagement. Ce renforcement, voire cette émancipation de la gouvernance locale, s’appuie sur de nouvelles structures       

1 Cela fait appel à de nouveau outils législatifs comme la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) en France, qui a instauré le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT).

 

comme les communautés d’agglomération1, qui donnent plus de poids au niveau de l’agglomération en tant que « lieu de définition et de pilotage d’une politique locale du cadre

de vie en mettant l’action sur les compétences de l’aménagement » (Mathieu, Guermond,

2005, p. 66). Enfin, certains élus locaux peuvent jouer un rôle majeur par leur capacité à mobiliser des fonds pour subventionner telle ou telle implantation (économique, culturelle …) ; ainsi le réseau et la personnalité de Jean-Louis Borloo, alors maire de Valenciennes, ont été déterminants dans le choix d’y implanter l’usine Toyota en 1998.

II.2.2. La gouvernance participative 

« La  Charte  d'Aalborg  met  l'accent  sur  le  potentiel  et,  indissociablement,  le  pouvoir  des  villes  de  résoudre  un  certain  nombre  de  problèmes  écologiques  et  sociaux.  Elle  les  invite  à  se  réapproprier l’espace politique local, celui de la démocratie urbaine. »  

Cyria Emelianoff, 2004 

La gouvernance participative se fonde sur la concertation en mobilisant tous les acteurs de la société civile, professionnels ou citoyens, dans les processus de décision, au-delà de la seule démarche informative. Il s’agit d’ouvrir les processus décisionnels à tous les habitants, qu’ils se présentent en tant qu’individus, membres d’une association ou d’un comité de quartier, le quartier étant l’échelle privilégiée de la consultation.

La démarche consistant à associer les citoyens par la concertation donne de meilleures garanties à la réussite des projets, elle permet de donner un regard, une transparence, et une responsabilité à la population, par son expertise d’usage, et facilite l’action publique par l’adhésion collective. L’objectif est aussi d’éviter des actions d’urbanisme spontané, particulièrement l’étalement pavillonnaire, mais au contraire de mettre en place une planification réfléchie, ambitieuse, concertée et fédératrice.

La consultation des citoyens et de leurs associations a été renforcée depuis une vingtaine d’années en Europe2 par le législateur et par des initiatives de plus en plus courantes, le rapprochement des citoyens et des élus pouvant se faire sous plusieurs formes : des réservoirs d’idées (think tanks), des jurys citoyens… De nombreuses grandes villes européennes ont adopté des systèmes de gouvernance participative ; à Barcelone par exemple,       

1 Instituées en France en 1999 par la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement : communautés urbaines, communautés d’agglomération, communautés de communes. En 1983, les compétences communales avaient déjà été élargies par les lois de décentralisation.

2 En France, le code de l’urbanisme indique une obligation de réaliser des enquêtes publiques pour la plupart des opérations d’aménagement, la loi Voynet (1999) a rendu obligatoire la constitution de « conseils de développement » composés de membres de la société civile, … 

« des centaines d’associations urbaines ont participé à la préparation du plan stratégique

économique et social, instrument majeur du développement urbain. » (Mega, 2008, p. 160).

À Lille, un site de 80 hectares laissé vacant par l’arrêt de ses différentes activités industrielles accueille aujourd’hui un projet d’écoquartier dit de “l’Union”, mêlant l’implantation de nouvelles activités économiques et la construction de logements neufs, pour lequel la “communauté urbaine Lille Métropole” revendique une gouvernance participative ambitieuse en termes de concertation et d’information, à l’image de ces extraits du site internet dédié au projet :

 

« L'enjeu  est  de  taille  puisqu'il  s'agit  d'imaginer  et  de  répondre  aux  besoins  et  aux  attentes  des 

habitants, salariés et entreprises qui vivront sur ce site. » 

« L'Union est un morceau de ville à créer, à inventer, et à relier au tissu urbain existant. » 

Document 4 : Extraits du site internet dédié au projet de “l’Union” (Lille Métropole)  (www.lunion.org/eco‐quartier/acteurs ‐ consulté en février 2012) 

« À côté des acteurs économiques privés participant à la production de l’urbanisation,

les acteurs publics forment un groupe qui relaye ou temporise des aspirations sociales nombreuses et des demandes économiques multiples. Ils s’appuient sur la légitimité démocratique et l’expertise des aménageurs pour investir le champ des politiques publiques.

[…] Critiquant et produisant de plus en plus souvent de la contre expertise, les associations

d’habitants, les comités de quartiers, les groupes de défense et nombre d’associations interviennent dans le débat du développement urbain durable » (Wolff J-P., 2004, p. 119).

 

Cependant, la gouvernance participative présente des limites, comme les compétences réduites de certains habitants sur certains sujets, mais surtout l’implication d’intérêts particuliers dans les débats publics, la somme des intérêts particuliers ne correspondant quasiment jamais à l’intérêt général (Haëntjens, 2008, p. 87). De plus, la mise en œuvre rigoureuse d’une démocratie participative peut être problématique du fait de la forte mobilisation locale qu’elle réclame, de l’implication demandée aux habitants aux moyens à dégager par les communes. De ce fait, elle consulte parfois de manière plus sélective, ou ne s’esquisse que sous la forme de forum, dans un schéma où le citoyen ne demeure que spectateur ou commentateur de l’avancement du projet.

En définitive, l’ambition d’une recomposition urbaine soutenable est de recomposer en amont et en aval avec la majorité des acteurs et utilisateurs identifiés sur le territoire urbain.

Seuls un effort pédagogique et un engagement financier fort des pouvoirs publics permettraient une réelle implication citoyenne. Haëntjens (2008, p. 87-88) ajoute que la gouvernance participative relève d’un système de décision obligeant « les pouvoirs urbains à

formuler des projets suffisamment forts et séduisants pour emporter l’adhésion du plus grand nombre. Pour changer la ville, il est aujourd’hui impératif de “créer du désir” »1. Les délais sont certes rallongés, mais cela permet aux citoyens « de passer progressivement d’une

gouvernance critique et localisée (l’association de défense) à une gouvernance positive et stratégique. » Toutefois, il arrive de rencontrer des contre-exemples, à l’image du musée

Guggenheim à Bilbao, auquel la population se serait largement opposée en cas de consultation, devant l’investissement public de 150 millions d’euros annoncé dans un contexte de chômage (Masboungi, 2008, p. 141). Le succès du musée Guggenheim, sur lequel nous reviendrons dans le chapitre 4, est donc un risque pris par les élus de l’Etat basque sans gouvernance participative effectuée en amont.

Précisons enfin que la gouvernance participative ne se limite pas à inclure les citadins en amont des projets, elle doit permettre son adhésion également pendant leur mise en œuvre, par le biais d’une communication destinée à informer la population (exposition pédagogique,

sites internet, réunions publiques …).   

      

1 L’implication de la population a une valeur particulièrement forte concernant les choix faisant appel à la mémoire collective.

Conclusion du II. 

Plus que de simples recommandations, ces principes doivent s’imposer comme préalable indispensable à l’action. La démarche transversale est un précepte fondamental d’une recomposition soutenable, afin d’intégrer les actions qui la structurent, qu’il s’agisse de sa vitalité économique, de ses enjeux démographiques et immobiliers, de ses défis environnementaux et énergétiques, des aspirations individuelles et collectives de ses citoyens, etc. Toutefois cela implique forcément des compromis, lorsque certains objectifs ne sont ni compatibles ni complémentaires.

Une recomposition urbaine soutenable doit concilier des objectifs pluriels :

- dans l’espace : de l’échelle du bâtiment à celle du quartier et au-delà de la ville ou de l’agglomération ;

- dans le temps : à court, moyen et long termes.

Parce qu’elle s’oppose à la segmentation des stratégies mises en œuvre sur un territoire en recomposition, l’intégration requiert un emboitement des politiques et des actions entreprises de manière à ce qu’elles constituent un ensemble cohérent et plus efficace, recourant à une gouvernance transversale et participative.

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