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Le cas de l’ancien bassin industriel franco‐luxembourgeois  et de la haute vallée de l’Alzette

IV. La  formation  d’une  conurbation  industrielle  dans  la  haute  vallée de l’Alzette

IV.1.  Un  développement  industrialo‐urbain  du  versant  luxembourgeois  centré  sur Esch‐sur‐Alzette

 

IV.1.1.  L’industrie  sidérurgique  et  minière  eschoise  depuis  son  éclosion  jusqu’aux années 1970 

L’exploitation du minerai autour de la ville d’Esch-sur-Alzette débute au cours des années 1840 dans le but, dans un premier temps, de l’acheminer vers des forges et hauts-fourneaux en Allemagne (38 %), en Belgique (28 %) et installés à l’extérieur du bassin minier, vers le centre du Luxembourg. Dès la fin des années 1860, des galeries sont creusées en plus des zones d’extraction à ciel ouvert. Au Sud de la commune, la mine Cockerill, appelée ainsi après la Seconde Guerre mondiale mais exploitée dès 1881, symbolise les activités d’extraction de la minette qui se concentraient dans le sud de la commune et occupaient déjà

10 sociétés minières en 1870 et près de 1 200 ouvriers.

La dynastie familiale des Metz a eu un rôle considérable dans l’histoire de l’industrie eschoise. La famille Metz commence à acheter des terrains miniers autour de la commune à partir de 1838, ce qui lui permet d’acheminer du minerai dès la fin des années 1840 vers son usine d’Eich (au nord de Luxembourg). Elle s’associe avec la Société Anonyme des Mines du

Luxembourg et des Forges de Sarrebruck afin de construire en 1870 la Metzeschmelz (site

le bassin minier luxembourgeois1 si l’on excepte la forge de Lasauvage. L’année suivante est créée la Brasseurschmelz (site de “Terre-Rouge”) par les frères Brasseur. Ces deux premières implantations, dont l’emplacement a été dicté par le tracé des premières voies ferrées, marquent véritablement le début de l’épopée sidérurgique de la ville d’Esch-sur-Alzette.

La population eschoise approche déjà les 4 000 habitants en 1870 mais connaît une explosion démographique (fig. 8) intimement liée à celle de son industrialisation avec l’application du procédé Thomas, acquis par la société Metz et Cie le 21 avril 18792. Par ailleurs, la loi de 1882, obligeant les détenteurs de concessions minières à traiter le minerai à l’intérieur des frontières nationales, a été particulièrement importante pour le développement des usines de production de fonte puis d’acier dans la région d’Esch-sur-Alzette.

Photo 1 : La Metzeschmelz en 1889 – Carte postale ancienne (Scuto, 1993) 

 

Première usine de fonte du bassin minier luxembourgeois, la Metzeschmelz deviendra plus  tard l’usine d’Esch‐Schifflange du groupe ARBED. A l’arrière‐plan se repèrent les deux “boutons”  (buttes témoins) de Soleuvre et un espace qui apparaît comme étant encore très rural. 

L’importance des moyens financiers à engager pour suivre les progrès techniques, l’obligation d’innover et de rester compétitif, de même que la concurrence entre les sociétés rhéno-westphalienne et celles du bassin minier luxembourgeois, ainsi que l’intérêt pour des producteurs de coke de s’associer à des sociétés sidérurgiques, sont autant de facteurs qui expliquent les processus de concentration qui ont lieu ensuite. C’est en effet dans ce contexte

1 Les hauts-fourneaux se concentraient jusqu’alors au centre du pays.

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La construction d’aciéries Thomas a permis l’essor prodigieux de la sidérurgie grand-ducale. La première coulée Thomas est effectuée en avril 1886 dans l’aciérie construite par le groupe Metz à Dudelange. Toutefois la production de fonte reste longtemps majoritaire et l’usine de Dudelange demeure la seule aciérie Thomas au Luxembourg jusqu’en 1900.

d’intérêts communs que naît la société Rhein-Elbe-Gelsenkirchener

Bergwerks-Aktiengesellschaft (GBAG), suite à la fusion de trois sociétés1 en janvier 1905. Cette nouvelle société achète en 1909 les terrains forestiers (bois du Clair Chêne) et marécageux qui correspondent à l’actuel site de Belval, en vue d’y construire une usine moderne : la

Adolf-Emil-Hütte (photo 2) nommée ainsi jusqu’en 1919.

Entre-temps, le 30 octobre 1911, est constituée la société ARBED par la fusion de la Société des Forges d’Eich Le Gallais, Metz et Cie, de la S.A. des Mines du Luxembourg et

des forges de Saarbruck et de la S.A. des Hauts-Fourneaux et Forges de Dudelange.

L’ARBED, qui avait jusqu’alors deux grandes sociétés allemandes face à elle, finit par dominer le secteur sidérurgique du Grand-Duché. Tout commence avec la fondation (avec des capitaux luxembourgeois, belges et français) de la Société Métallurgique des Terres Rouges, qui parvient à acheter en novembre 1919 les usines de la GBAG : les usines Brasseurschmelz,

Adolf-Emil et celle d’Audun-le-Tiche, avec leurs importantes concessions minières

(Mont-Rouge Saint-Michel). L’ARBED, un de ses principaux actionnaires, devient propriétaire de 99 % du capital de la Métallurgique en 1926 avant de l’absorber en 1937. Nombreux sont les regroupements, participations, absorptions qui font de l’ARBED la société sidérurgique emblématique de l’industrie lourde au Luxembourg. Son monopole, acquis dès l’entre-deux-guerres, se renforce tout au long du XXème siècle et lui permet de moderniser ses installations, à l’image du haut-fourneau A de Belval, mis en service en juin 1965 et qui est alors l’un des plus modernes et des plus puissants du monde. Les trois sites sidérurgiques (Esch-Schifflange, Terre-Rouge et Belval) sont de plus en plus étendus, au point de dépasser les limites communales eschoises vers Schifflange, mais surtout vers le village de Belvaux2 (commune de Sanem) et au-delà de la frontière avec la France, avec, entre autres, les crassiers de l’usine de Terre-Rouge.

L’ARBED, en absorbant en 1967 le groupe HADIR3, devient propriétaire des usines de Differdange et Rumelange, et possède donc la totalité des usines sidérurgiques de la “région Sud” luxembourgeoise, à l’exception de celle de Rodange qui ne passe aux mains du groupe qu’en 1994. En 1971, l’ARBED emploie 23 479 personnes au Luxembourg. Le point culminant de sa production d’acier brut est atteint en 1974, au moment où la crise qui touche l’industrie lourde prend de nouvelles proportions ; 26 hauts-fourneaux et 3 usines d’agglomérations fonctionnent à cette date sur le territoire grand-ducal. La commune

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Les groupes Rothe Erde de Gelsenkirchen, Schalker Gruben- und Hüttenverein et Gelsenkirchener

Bergwerks-Verein A.G.

2 qui possède par ailleurs une importante concession minière.

sur-Alzette, avec le développement de ces trois usines, s’est imposée comme le premier centre sidérurgique et minier du pays, ce qui n’a pas été sans conséquence sur son développement urbain et, secondairement, sur celui des communes voisines.

Photo 2 : L’usine de Belval au début des années 1920 (Agora ‐ Archives ArcelorMittal) 

 

  Plutôt que de continuer à transporter la fonte produite dans ses usines d’Esch‐sur‐Alzette  vers  les  aciéries  d’Aix‐la‐Chapelle,  la  société  Rhein‐Elbe‐Gelsenkirchener  Bergwerks‐ Aktiengesellschaft  (GBAG)  décide  de  créer  une  usine  capable  de  fabriquer  des  blooms  (barres  d’acier  destinées  à  être  laminées  pour  la  fabrication  de  produits  longs :  poutrelles,  rails,  palplanches…) et des produits finis sur place, de manière à regrouper, dans un souci technique  et économique évident, les hauts‐fourneaux, les aciéries et les laminoirs. Toutefois, l’étroitesse  du  site  de  l’usine  de  Terre‐Rouge,  bloqué  entre  la  route  d’Audun  et  le  chemin  de  fer,  incite  la  société  à  trouver  un  autre  emplacement  à  proximité.  Or,  il  apparaît  que  les  terrains  les  plus  avantageux dans la perspective du transport de la fonte liquide se situent du côté lorrain, sur la  commune  de  Russange,  où  les  tentatives  de  la  Gelsenkirchener  pour  faire  l’acquisition  d’une  surface suffisante se heurteront à l’extrême parcellisation des terrains (non‐remembrés) et à des  négociations  difficiles  avec  les  paysans  lorrains.  C’est  ainsi  que  la  société  décide  de  se  tourner  vers la municipalité d’Esch‐sur‐Alzette et parvient progressivement à acquérir 222 ha de terrains  (dont  92  ha  de  terrains  forestiers)  à  l’ouest  de  la  commune,  à  proximité  des  exploitations  minières et entre la ligne ferroviaire Esch‐Pétange et la route qui relie Esch à Belvaux. En 1911, le  raccordement  ferroviaire  est  effectué  et  les  deux  premiers  hauts‐fourneaux  sont  mis  à  feu  en  octobre, puis quatre autres au premier semestre de 1912. Une aciérie Thomas et cinq trains de  laminage  sont  mis  en  service  en  mai  1912.  En  1913,  la  production  de  Belval  s’élève  à  475.000  tonnes de fonte et 361.000 tonnes d’acier ; l’usine, dénommée Adolph‐Emil‐Hütte, emploie alors  2 528  ouvriers.  Après  la  Première  Guerre  mondiale,  l’usine  devient  la  propriété  de  la  Société  Métallurgique des Terres Rouges, qui entreprendra d’importants travaux de rénovation. Toutes  les étapes de la production d’acier, à l’exception d’une cokerie, ont été peu à peu intégrées sur  le  site  de  Belval.  Entièrement  unie  à  l’ARBED  en  1937,  l’usine  n’a  cessé  de  se  moderniser  et  d’accroître  ses  capacités  de  production,  devenant  le  principal  complexe  sidérurgique  du  bassin  minier luxembourgeois et l’un des plus modernes d’Europe. 

IV.1.2. Un développement urbain dans l’urgence  

L’implantation de l’industrie minière, métallurgique et sidérurgique a considérablement bouleversé les paysages urbains et les modes de vie du bourg d’Esch-sur-Alzette, qui accueillait 1 489 habitants en 1851 et franchissait pourtant la barre des 10 000 habitants au seuil du XXème siècle. Le bourg rural d’Esch-sur-Alzette est ainsi devenu une ville industrielle, voire une ville-usines, la frontière entre les deux dénominations étant brouillée par son histoire complexe de petite ville fortifiée mais détruite à maintes reprises1.

La première cité minière eschoise fut construite par Metz et Cie dans le secteur de Terre-Rouge. Toutefois le tournant se situe véritablement en 1870 et 1871, lorsque s’installent les deux premières usines (la Metzeschmelz et la Brasseurschmelz). D’autres cités, ouvrières cette fois, sont alors bâties à proximité de ces nouveaux sites de production. Le noyau originel éclate ainsi avec l’industrialisation lourde de la commune. Presque exclusivement du même côté de la voie ferrée (fig. 10), de nouveaux axes se forment, le réseau routier s’élargit et la trame-viaire s’organise à présent de façon géométrique contrairement à celle du noyau villageois.

Les sociétés industrielles bâtissent plusieurs types d’habitations, dont la taille et le niveau de confort varient en fonction de la position sociale et des responsabilités de leurs futurs occupants (ouvriers, employés, ingénieurs…). Des appartements plus ou moins modestes, des logements pour les ouvriers célibataires et des ensembles de maisons ouvrières modèlent de nouvelles rues et de nouveaux quartiers2.

La construction de l’usine Adolf-Emil sur le site de Belval à partir de 1909 a constitué une troisième implantation avec celles de Terre-Rouge et de Schifflange, la ville se retrouvant ainsi cernée à l’ouest, au sud et au nord-est, en même temps que sa population ne cessait de s’accroître. Le tissu urbain a continué de se densifier autour des axes principaux et de se développer à proximité des usines à l’initiative des sociétés industrielles3.

1 Le village d’Esch-sur-Alzette s’est en effet transformé en petite bourgade fortifiée au XIIIème siècle, mais connut une histoire mouvementée avant de finalement s’affirmer comme un important centre sidérurgique et minier. Le noyau villageois originel s’inscrivait dans une forme ovale que délimitaient les remparts (démolis au XVIIème siècle) à l’intérieur desquels s’étendait un espace bâti aux parcelles irrégulières ; l’habitat, disposé autour de l’église (point culminant) se composait de fermes et de maisons d’artisans, de commerçants, de notables... Seules de petites extensions, notamment vers l’Est, se dessinaient à l’extérieur du tracé des remparts (doc. 2) avant l’extraordinaire développement industrialo-urbain que connut la commune.

2 Par exemple, la société Aachener-Hüttenverein fait construire entre 1901 et 1904 une grande cité ouvrière, constituée de 35 maisons jumelles alignées de part et d’autre de deux rues rectilignes (rue des Mines, rue Renaudin).

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Ainsi la compagnie Gelsenkirchen a notamment fait bâtir deux grandes cités pour les ouvriers et les chefs d’équipe (les cités Léon Weirich et Dr. Welter), douze logements d’employés, un bâtiment administratif et un casino.

Figure 8 : Évolutions par communes et cumulée des populations d’Esch‐sur‐Alzette, de  Schifflange et de Belvaux + Soleuvre entre 1871 et 1975 

(Del Biondo d’après les chiffres du STATEC et de la mairie de Sanem)  

De 1871 à 1930, la population eschoise passe de 3 946 à 29 421 habitants, son niveau le plus élevé au XXème siècle (fig. 8). Cette croissance spectaculaire est le résultat d’un solde migratoire positif alimenté par les travailleurs venant des campagnes et de l’étranger1 pour répondre à la forte demande en main-d’œuvre des sociétés industrielles.

Dans les années 1920, l’emprise foncière des usines constitue un carcan industriel pour la ville : alors que les surfaces bâties de la ville d’Esch représentent quelque 125 ha, les trois usines s’étendent sur une superficie de près de 260 ha, sans compter les crassiers et la cimenterie installés sur les communes voisines. La commune d’Esch-sur-Alzette s’est retrouvée cadenassée par les lourdes infrastructures de ses activités sidérurgiques et minières, au point qu’elle s’opposa en 1914 à l’installation de nouveaux crassiers au nord de la ville, risquant d’aggraver davantage ses difficultés à organiser son développement urbain.

Bien que les sociétés sidérurgiques aient bâti des cités parallèlement à la construction de leurs usines, les autorités communales se sont, dans un premier temps, trouvées dépourvues face au développement rapide des implantations industrielles et au besoin de loger cette

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nouvelle population. Ce n’est qu’au début du XXème siècle que furent mis en place les premiers outils d’aménagement de la ville et un programme d’urbanisme établi dans l’urgence par la ville avec l’appui de l’Etat et l’ARBED. Avec l’urbanisation d’Esch-sur-Alzette se développent, souvent précipitamment, de grands projets d’équipement de la ville : réseau d’égouts, gaz, électricité1, alimentation en eau potable. Les rives en grande partie marécageuses et difficilement constructibles de l’Alzette ont nécessité le recouvrement de la rivière (depuis les années 1890 jusqu’aux années 1970).

En plus des nombreux logements, tout un ensemble d’institutions publiques telles que des hôpitaux et des écoles a été créé afin de relever le niveau de vie. Particulièrement entre 1870 et 1920, le patronat des grandes usines a ainsi cherché à stabiliser la main-d’œuvre2. Le réseau de transport a également été enrichi, à l’image des inaugurations successives (1927-1931) des lignes de tramway électrique3 reliant Esch aux autres communes du bassin minier luxembourgeois. Dans les années 1910 et 1920, on a également commencé à aérer la ville, en aménageant des espaces verts, à l’image de la création du parc du Galgenberg dès 1910.

C’est également l’ouverture de terrains d’exploitation miniers qui marque le point de départ du développement industrialo-urbain de la commune rurale de Schifflange, qui put d’ailleurs ainsi s’émanciper en 1876 de sa commune-mère Esch-sur-Alzette. Mais ce n’est véritablement qu’au début des années 1910 que le nombre d’habitants augmente (fig. 8) suite à l’intégration de l’usine de la Metzeschmelz au sein de l’ARBED. L’usine, qui jouxte la limite communale schifflangeoise, est agrandie et modernisée, et la société entreprend également la construction de cités ouvrières sur la commune de Schifflange, donnant lieu à un accroissement d’une population qui était jusqu’alors très faible (fig. 8).

L’exploitation de la mine de Belvaux et le développement industriel d’Esch, notamment du site de Belval4, ont également impacté les deux communes satellites de Sanem que sont Belvaux et Soleuvre, dont la population cumulée est passée de 742 à 9 359 habitants entre 1871 et 1975 (multiplication par 12,6).

Pour être tout à fait complet, il faut enfin préciser que la commune de Mondercange a été très superficiellement touchée par la dynamique industrialo-urbaine, avec la construction dans les années 1950 de la cité Steichen au sud du territoire communal.

1

L’usine électrique est mise en service en 1900 par la société générale électrique de Nancy. Elle devient usine électrique municipale en 1911.

2

Le 1er hôpital de la ville fut créé en 1878 par la Metzeschmelz, une école des Mines fut ouverte en 1909, l’ARBED contribua à l’installation d’équipements sportifs,… les exemples d’interventions des sociétés sidérurgique et minières sont nombreux, en plus des multiples services que la municipalité a fourni à ses citoyens (cinéma, bains municipaux, théâtre, conservatoire de musique,…). Ainsi la volonté de paternalisme patronal a été fondamentale mais n’est pas à l’origine de la totalité des services et équipements communaux.

3 Elles seront néanmoins progressivement supprimées au milieu du XXème siècle.

Document 2 : Représentation aérienne de la ville d’Esch‐sur‐Alzette à la fin des années 1920  (Carte d’ensemble dressée par G. Peltier) 

(Archives nationales de Luxembourg ‐ cote Arbed‐CP‐01‐001 – non datée)   

  Ce dessin représente une vue aérienne vers le sud‐sud‐est datant vraisemblablement de la  fin  des  années  1920.  Il  donne  une  idée  de  l’état  de  la  croissance  industrialo‐urbaine  de  la  ville  d’Esch‐sur‐Alzette  à  cette  période,  permettant  de  constater  l’importance  (en  volume  et  en  surface) de ce triangle industriel relié par un réseau ferré dense et auquel s’ajoutent les reliefs  naturels et artificiels (mines à ciel ouvert, crassiers) … autant d’éléments qui cadenassent le tissu  urbain eschois.     Ce dessin offre en outre une vue au‐delà de la frontière, où s’étire le versant lorrain de la  conurbation industrielle de la haute vallée de l’Alzette. L’usine d’Audun‐le‐Tiche (Terres‐Rouges)  apparaît en arrière‐plan, de même que les cités ouvrières qui se multiplient, notamment sur le  talus.  

Cette métamorphose urbaine intimement liée à l’industrialisation s’est poursuivie jusqu’aux années 1960/70. Pour pallier une demande en logements constamment restée plus ou moins forte, les autorités publiques1 et privées ont construit ou aidé à la construction d’habitations. Sans surprise, l’ARBED est la société qui a eu l’influence la plus décisive sur le développement urbain de l’agglomération eschoise2. Les nouvelles cités se sont multipliées,

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par le biais de structures telles que la Société Nationale des Habitations à Bon Marché (promoteur social fondé en 1919).

2 en bâtissant par exemple entre 1947 et 1952 les cités Raemerich et Weierwues, constituées de maisons unifamiliales, puis, à partir de 1955, en construisant des maisons isolées ou des rues entières comme dans le quartier de Lalange. La commune a eu également un rôle important, en réalisant par exemple une centaine de maisons qui ont formé les cités Lallinggerspesch, Dr Schaeftchen, Eugène Reichling, etc.

souvent construites pour un public spécifique, à l’image de la cité Albert Schweitzer qui se distinguait par ses logements pour personnes âgées et ses maisons de retraite. Par ailleurs, il arrivait régulièrement que les constructeurs (la commune ou l’ARBED) revendent à bas prix pour permettre à des familles ouvrières de devenir propriétaires. Les améliorations quantitatives se sont généralement accompagnées d’améliorations qualitatives, en termes d’architecture et d’équipements intérieurs. L’ARBED, par son rôle économique, social et urbanistique, a globalement contribué à élever le niveau de vie des Eschois.

Enfin, bien qu’il soit avant tout lié à l’industrialisation de la commune et de la région, le réseau ferré a également participé à l’équipement en infrastructures de la ville ; il est sans cesse densifié jusqu’aux années 1960/70 avec par exemple l’ouverture du viaduc ferroviaire d’Esch (796 mètres) en décembre 1965 ou encore la création d’une liaison entre les usines ARBED de Belval et de Differdange en 1974. La gare d’Esch, édifiée en 1879, sera modernisée et agrandie en 1933. Quant à l’autoroute A4 en direction de la capitale, le premier tronçon (Esch-Pontpierre) est mis en service en 19691.

La commune d’Esch-sur-Alzette, qui occupe une place essentielle (deuxième agglomération après la capitale) dans la structure urbaine actuelle du Grand-Duché, peut être définie comme une ville-usine. Bien que comptant déjà pratiquement 1 500 habitants au milieu du XIXème siècle (1 489 en 1851), ce qui en faisait déjà statistiquement une ville, c’est incontestablement l’industrie qui déclencha l’explosion démographique d’Esch-sur-Alzette : elle atteint en effet 3 946 habitants dès 1871 et franchit la barre des 10 000 habitants en 1900.

De façon certes moins fulgurante, la commune de Schifflange et le couple Belvaux / Soleuvre (Sanem) correspondent également à des villes-usines au vu de leur progression démographique (fig. 8), même s’il faut néanmoins préciser qu’il s’agit davantage de “villes-mines”.

Au final, le développement industrialo-urbain du versant luxembourgeois s’est nettement centré sur la commune d’Esch-sur-Alzette, au-delà d’un noyau villageois déjà conséquent, avant de déborder sur ses communes voisines. Le fonctionnement territorial est passé d’un système minier et sidérurgique primitif à la fin du XIXème siècle à un véritable

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