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Le cas de l’ancien bassin industriel franco‐luxembourgeois  et de la haute vallée de l’Alzette

II. L’implantation  de  l’industrie  sidérurgique  et  minière  dans  le  bassin  ferrifère franco‐luxembourgeois

II.1.  Les conditions initiales : quels éléments de départ ?

Le démarrage de l’industrie dans le bassin ferrifère franco-luxembourgeois s’explique par un dénominateur commun : la présence d’un gisement ferrifère de “minette” (diminutif utilisé par comparaison au fer fort) qui sera pleinement exploité notamment grâce au procédé Thomas.

II.1.1. L’exploitation d’un abondant minerai à faible teneur en fer 

C’est à la nature de leur sous-sol que le Pays-Haut lorrain et la “région Sud” luxembourgeoise doivent leur identité et leurs paysages industriels. La formation géologique de l’Aalénien date du secondaire et a offert à ce bassin minier transfrontalier une abondante quantité de minerai pauvre en fer. Les dépôts concernent une large bande comprise entre le sud du Luxembourg et le secteur de Nancy, interrompue par l’anticlinal de Pont-à-Mousson (fig. 6). Enfouis sous les formations calcaires des Côtes du Bathonien – Bajocien (Dogger), l’abondance de ce minerai de fer a constitué une importante richesse géologique à l’origine du colossal essor économique du bassin minier à partir du XIXème siècle.

Figure 6 : Le gisement ferrifère lorrain transgressant les frontières belge et luxembourgeoise  (Del Biondo, d’après Boucon, 2001) 

Le  bassin  ferrifère  lorrain  déborde  des  frontières  nord  de  la  Lorraine.  Environ  3%  du  gisement minier se situe au Luxembourg. 

Le minerai de fer oolithique, appelé “minette” a permis la création de forges1 dès le XIIIème siècle à Moyeuvre et à Villerupt, à Hayange au XIVème siècle etc., mais aussi dans la partie grand-ducale du bassin minier, comme à Lasauvage au XVIIème siècle. Toutefois, cette proto-industrie n’exploitait pas exclusivement le minerai alluvial et transformait également le fer fort (minerai pisolithique) présent en petite quantité sur les plateaux – Saint-Pancré étant le gîte de fer fort le plus connu. A l’inverse, la “minette” a l’avantage d’être très abondante, mais elle est pauvre en fer (environ 30 %) et phosphoreuse (0,5 à 1 %) ; il a donc fallu s’affranchir de ses impuretés, qui rendaient la fonte cassante, et enrichir la connaissance de l’immense gisement par la prospection des ressources du sous-sol.

II.1.2. Une découverte fondamentale : le procédé Thomas 

Le véritable point de départ de l’épopée sidérurgique correspond à la découverte en 1877 du convertisseur Thomas (procédé de déphosphoration du fer brut lors de la fonte, élaboré par les ingénieurs britanniques Sydney Thomas et Percy Gilchrist), permettant la fabrication d’un acier de bonne qualité. Henri De Wendel a acheté le brevet de ce convertisseur en 1879, donnant lieu à la première coulée d’acier “Thomas” à Hayange en 1881, alors que plusieurs maîtres de forges du bassin de Longwy se procuraient cette même licence. L’essor de la production d’acier suite à la découverte du procédé Thomas a conduit à l’exploitation du gisement de fer de Longwy à Hayange en passant par Villerupt, Tucquegnieux, Piennes, ... et jusque dans la Meuse autour de Bouligny. Ainsi démarrait l’industrialisation rapide de l’ensemble du bassin minier ; des villes sont nées et des villages ont crû considérablement, grâce à leurs activités minières et/ou sidérurgiques (cf. III). L’application industrielle du procédé Thomas, à partir de 18792, a donc été décisive, sans oublier l’intégration de la Moselle à l’Empire allemand, car les espaces restés français ont cherché à compenser cette perte territoriale en exploitant au maximum leur partie du gisement.

Par ailleurs, les processus d’industrialisation n’auraient pas été permis sans la construction de lignes de chemin de fer, notamment :

- Metz - Thionville en 1854, prolongée jusqu’à Luxembourg (via Bettembourg) en 1859 ; - Bettembourg vers Esch-sur-Alzette et Rumelange en 1860 ;

- Longwy - Charleville et Thionville - Longuyon dans les années 1860 ;

- Esch-sur-Alzette vers Pétange et Athus (« la ligne des minières ») puis vers Longwy

1 Les forges ont profité de l’abondance des forêts du plateau.

progressivement mise en service dans les années 1870 et définitivement achevée en 1880 ; - Esch- sur-Alzette et Audun-le-Tiche mise en service en avril 1880.

 

II.1.3. Un appel indispensable à une main‐d’œuvre étrangère  

Le bassin minier franco-luxembourgeois a été une terre d’immigration massive1 jusque dans les années 1960 afin d’alimenter en main-d’œuvre les secteurs minier et sidérurgique. A partir de la fin des années 1880, le besoin de main-d’œuvre étrangère s’est accéléré. L’accession au brevet de déphosphoration des fontes a marqué le début d’un recrutement considérable d’ouvriers en dehors de la Lorraine et du Luxembourg, dans les régions et les pays frontaliers. Au début du XXème siècle, la population locale (paysans prolétarisés pour la plupart) et l’apport frontalier n’ont plus suffi et les besoins en hommes ont changé d’échelle, avec en premier lieu la mise en place de circuits d’appel vers la main-d’œuvre italienne, dont la communauté n’a cessé de progresser jusqu’au début des années 1960 (50 % de la population étrangère en Lorraine en 1962). Des structures ont spécialement été mises en place dans les années 1920 par les différentes nations (d’origine et de destination) pour encadrer ces migrations.

Après les Italiens, ce sont les Polonais qui représentaient l’essentiel des ouvriers étrangers œuvrant dans le fer et le charbon lorrain. À partir de 1949, de nombreux travailleurs Nord-Africains se sont installés dans le Pays-Haut, formant, avec la communauté portugaise, les plus récentes vagues d’immigrations. Ainsi, jusqu’aux années 1960, le recours aux immigrés a été nécessaire pour compenser le déficit en main-d’œuvre du secteur industriel.

Par son niveau de vie supérieur dès le début du XXème siècle et l’emploi qu’il offrait par sa production de fer et d’acier, le Luxembourg est passé du statut de pays d’émigration à celui de pays d’immigration. Face à l’ampleur de sa production (en 1913 : 2.548.000 tonnes de fonte et 1.425.000 tonnes d’acier), trois grandes vagues d’immigration se sont relayées pour satisfaire ses besoins en main-d’œuvre : une première, allemande, de 1875 au milieu des années 1930, puis une deuxième, italienne, des années 1890 aux années 1960 et la dernière, portugaise, depuis 1960, celle-ci se poursuivant encore aujourd’hui mais pour d’autres secteurs d’activité.

   

1 Cet aspect aura également un rôle en termes d’épaisseur identitaire avec laquelle les territoires doivent recomposer.

II.2. L’avènement de la sidérurgie et son évolution de part et d’autre de la 

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