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territoires industrialo‐urbains ?

II. Le redéveloppement mixte des friches industrialo‐urbaines

nouvelles entreprises diversifiées, complémentaires, intégrant des nouvelles technologies et profitant d’installations à la fois fonctionnelles et d’un cadre de vie plus harmonieux.

L’objectif final consiste à susciter un rayonnement et un attachement par la valorisation de l’environnement économique et urbain, de manière à produire une dynamique vertueuse plutôt que d’espérer un investisseur “magique” qui règlera tout une fois implanté. « Beaucoup

croient qu’il suffit de constituer des milieux effervescents pour que le reste suive : l’innovation se développera dans ses diverses dimensions et produira une richesse qui sera captée localement et qui permettra de faire tourner la machine urbaine. Ce raisonnement devient d’autant plus un dogme qu’il existe suffisamment d’éléments factuels pour le conforter. Deux conditions interdépendantes permettraient d’y parvenir : attirer la population innovante (chercheurs, créateurs, etc.) et créer une ambiance d’innovation. »

(Bourdin, 2010, p. 51-52).

Quelle que soit la réponse à la crise, il faut retenir le caractère indispensable des aides publiques dans les processus de recomposition urbaine, et particulièrement de revitalisation économique. Les États et l’Europe ont occupé une place essentielle pour maintenir ou inciter l’installation d’entreprises (industrielles ou non) dans les anciens espaces industrialo-urbains, mais une grosse enveloppe budgétaire ne suffit pas à résoudre les problèmes économiques et sociaux et n’exempte pas les acteurs locaux de penser de manière globale. Dans certains cas, la solution de la réindustrialisation a pu être un succès ; ainsi, dans l’ancien bassin sidérurgique de Pompey, un nouveau tissu industriel diversifié a remplacé la monoactivité des aciéries, mais cette nouvelle industrie s’est accompagnée d’autres éléments : tertiaires, logistiques, paysagers… Plus fréquemment, ce type de reconversion s’est révélé insuffisant, par exemple dans le bassin de Longwy, où le remplacement de l’industrie sidérurgique par une autre industrie, certes accompagnée par une puissance publique nationale et européenne, n’a pas eu l’effet escompté.

II. Le redéveloppement mixte des friches industrialo‐urbaines 

Par extension à son utilisation dans le domaine agricole, le terme de friche a été repris pour définir tout terrain autrefois utilisé en attente d’une éventuelle réappropriation. Lorsque la fonction spécifique initialement dédiée à un espace cesse, celui-ci devient une friche, laquelle conserve ou non des vestiges architecturaux, selon qu’il y ait eu table rase ou non. Le

plus souvent, les friches expriment les conséquences d’un déclin économique, voire une déprise démographique.

L’expression “friche urbaine” est employée lorsque les terrains sont pris dans le tissu urbain. Les friches urbaines ne concernent pas uniquement les anciens territoires industrialo-urbains. Elles constituent des espaces inutilisés et souvent peu entretenus, qui résultent de l’abandon de sites autrefois consacrés à des activités (industrielles, commerciales, militaires…), à des infrastructures de transport (voies ferrées, canaux…), voire à l’habitat1.

Les changements globaux de l’économie (révolutions technologiques, restructurations, délocalisations), conjugués aux bouleversements politiques, ont modifié le rapport des activités urbaines au temps et à l’espace, notamment les relations entre la ville et l’industrie. Au-delà des vastes emprises libérées par ces mutations structurelles, nombre de terrains de taille variable sont délaissés, pour des raisons diverses, d’ordre global ou local : sites industriels, anciennes emprises ferroviaires, portuaires, militaires…

Dans une grande majorité des cas, leur reconquête se situe au cœur des tensions actuelles entre le souhait d’une ville plus compacte et la réalité de l’étalement urbain. Certains sites conservent un héritage bâti, dont la réaffectation, bien que techniquement compliquée et coûteuse, peut avoir un intérêt économique mais aussi une valeur patrimoniale ; ils constituent alors des marqueurs territoriaux et des points de repères identitaires pour la collectivité.

Dans les anciens territoires industrialo-urbains, la question du redéveloppement des friches est au cœur des processus de recomposition urbaine soutenable. Les friches symbolisent plus que tout l’effondrement du système industrialo-urbain, elles « ne traduisent

pas seulement l’existence d’un processus de dégradation accélérée de l’économie ; elles représentent un élément de déstructuration des milieux urbains, des milieux sociaux, des paysages et offrent toujours une image très péjorative de la région concernée. Les friches peuvent donc constituer un réel obstacle, vis-à-vis des efforts déployés pour assurer la sortie de crise. » (Fischer, 1999, p. 53).

Toutefois, les anciens territoires industrialo-urbains souffrent la plupart du temps d’un manque de moyens suite à l’effondrement de leur économie, contrairement aux grandes villes dont les anciens espaces industriels ne caractérisent qu’une partie de leur histoire économique et urbanistique. Nous détaillerons dans un premier temps les avantages de leur redéveloppement, avant d’exposer les lourdes contraintes auxquelles ils doivent faire face.

      

1 Les friches résidentielles constituent un cas particulier, assez rares en Europe occidentale, plus fréquentes dans les pays en transition de l'Europe centrale et orientale dans des villes qui ont connu un fort recul démographique.

 

II.1. Mettre à profit une somme d’atouts …  

Dans le cas de l’industrie lourde, qui avait nécessité des installations industrielles volumineuses et une stricte différenciation des espaces, des friches particulièrement grandes sont apparues lors de la fermeture des usines. Ces grandes surfaces, qui constituent des vides béants dans le tissu urbain, représentent un potentiel foncier particulièrement intéressant. Leur redéveloppement présente plusieurs avantages.

 

II.1.1. La densification urbaine et le recyclage foncier 

Le recyclage1 des friches a le double avantage de leur redonner une fonction et de contrer l’artificialisation de nouveaux terrains. Leur redéveloppement permet de densifier le tissu urbain, or la soutenabilité d’une recomposition urbaine repose en grande partie sur la maîtrise de la consommation d’espace et donc sur l’utilisation des opportunités de densification qu’elle recèle, particulièrement intéressante dans le cas des anciens territoires industrialo-urbains.

Alors que leur présence impacte fortement l’image du territoire – avec des variantes selon leur taille et leur degré de dégradation – la lutte contre l’étalement urbain a été un élément décisif dans le changement de perception des friches industrialo-urbaines, qui créent des opportunités de recycler des espaces en déshérence dans une démarche d’économie d’espace et de renouveau urbain.

 

II.1.2. La création de nouveaux quartiers centraux 

La situation souvent centrale et la grande taille des friches issues de l’industrie lourde fournissent un support d’urbanisation idéal. De même, elles bénéficient généralement d’une simplification parcellaire héritée des anciens propriétaires industriels. Souvent localisées dans des secteurs centraux ou à proximité des centres urbains, les friches industrialo-urbaines constituent des réserves foncières intéressantes, à proximité de quartiers souvent encore densément occupés. S’étalant sur plusieurs dizaines, voire centaines d’hectares, elles offrent la possibilité de concevoir intégralement ou presque de nouveaux quartiers urbains mixtes.

Le redéveloppement des friches donne donc l’occasion de corriger le zonage voulu par l’industrie, qui avait dessiné des espaces bien différenciés. L’appareil productif industriel

      

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occupait généralement une place centrale dans le système industrialo-urbain ; à présent, les espaces libérés peuvent servir de socle au renouveau, en devenant de nouveaux centres ou en prolongeant les centres existants.

À ce titre, les friches peuvent avoir une valeur foncière qu’il faut également préserver d’une récupération précipitée et non concertée, d’où l’importance de la maitrise du foncier développée dans le chapitre précédent.

II.1.3. La revalorisation de l’image du territoire  

Dans le cadre d’une recomposition urbaine soutenable, le recyclage des friches s’avère également indispensable à la revalorisation paysagère et identitaire du territoire, pris dans une spirale dépréciative dès lors que ces vastes friches s’installent dans le paysage et caractérisent l’image de la ville : bâtiments en ruine, installations rouillées, instables, paysages scarifiés. Les friches constituent des nuisances paysagères, des blessures identitaires et des plaies ouvertes dans le tissu urbain. Elles deviennent parfois des décharges sauvages, des zones marginales, non sécurisées…

Il s’agit donc de se réapproprier tout à la fois les symboles d’un passé glorieux et d’un effondrement douloureux. Une fois le temps de deuil accompli, la reconquête des anciens sites industriels peut condenser les sentiments de fierté, d’un point de vue identitaire, particulièrement lorsqu’il s’appuie sur des éléments patrimoniaux valorisés (se référer au paragraphe III.), mais aussi en termes d’urbanisme et d’architecture, selon la nature et l’ambition du projet de conversion entrepris. Elle permet de cicatriser la plaie urbanistique et paysagère, matérielle et visuelle, que constitue la friche dans le tissu urbain.

II.1.4. Faire d’une “coupure” une “couture” urbaine 

Pour reprendre les termes habituellement employés à propos des frontières, la réutilisation d’une friche industrielle, particulièrement lorsqu’elle occupe une vaste emprise foncière, permet de relier des quartiers autrefois séparés par les activités industrielles et donc d’en faire une “couture” urbaine plutôt qu’une “coupure”.

Les coupures que constituent les friches industrielles, donnent une image négative et fragmentent le territoire, c’est pourquoi leur réappropriation permet de relier les quartiers autrefois séparés et de repenser la trame fonctionnelle qui compose le territoire urbain. En plus d’y créer de nouvelles voies de déplacement, les acteurs de son redéveloppement peuvent

 

s’appuyer sur les anciennes infrastructures linéaires (voies ferrées, canal …) qui la traversent et ainsi créer un nouveau maillage urbain.

Cet aspect sera plus largement développé dans le IV.

  Figure 16 : Synthèse des atouts du redéveloppement d’une friche industrielle 

 

Le  redéveloppement  des  friches  condense  donc  plusieurs  atouts,  résumés  dans  la  figure  suivante. Néanmoins, faire “repousser la ville” sur le socle de l’industrie nécessite de composer  avec de lourdes contraintes techniques et financières. 

 

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