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« Pour comble enfin Roderic épousa La parenté de Madame Honnesta » Jean de La Fontaine, « Belphégor », Fables, Livre XII, 1693 « L’histoire n’est rien que la succession des générations qui viennent les unes après les autres dont chacune exploite les matériaux, les capitaux, les forces productives légués par toutes les générations précédentes (…). »

Karl Marx & Friedrich Engels,

L’idéologie allemande, avril-mai 18462

Dans l’ombre du roi et des conseillers des Indes letrados ou titrés, une famille de commis laborieux œuvra dans les secrétariats du Pérou et de la Nouvelle Espagne pour administrer les vastes territoires américains. Elle vient de Castille et suit les mouvements migratoires vers Madrid qui s’échelonnent de 1560 à 1620. Sur plus de trois générations, de Philippe II à Philippe V, les membres de cette famille exercèrent la fonction de commis (oficial) de secrétariat gravissant les échelons de la hiérarchie administrative de manière plus ou moins régulière atteignant pour l’un d’entre eux la prestigieuse place de conseiller. Le fondateur de la lignée des Fernández de Madrigal-Díez de la Calle comme famille de commis dans les secrétariats du Conseil des Indes est Juan Fernández de Madrigal (1566-1632). L’étude de cette famille est éclairante à plusieurs titres (Les arbres généalogiques se trouvent en Annexes 3 et 4).

D’une part, ses membres appartiennent au monde peu étudié des infra-letrados alors que numériquement il représente une bonne part du personnel administratif castillan. Dans l’ensemble, la composition et le destin de cette famille sont un exemple d’ascension sociale qui diffère peu d’autres milieux socioprofessionnels, comme celui des officiers de finances

mexicains3. Cette petite noblesse ou bourgeoisie administrative s’inspire des modèles donnés par l’élite qu’elle fréquente dans le monde des conseils royaux : celui des letrados ou des membres du Conseil de Castille4. Globalement les modalités de gestion de la famille (alliance matrimoniale, endogamie, etc.) sont proches, bien que le statut des infra-

letrados offre une perspective de carrière limitée : sauf exception, le plafond de premier

commis est atteint après avoir passé par tous les échelons. Aussi, partant de plus bas, l’ascension devient-elle plus spectaculaire lorsqu’elle a lieu mais elle est le fruit du labeur de deux générations.

Dans quelle mesure est-il possible de comparer ce milieu des familles de commis avec celui des marchands qui recourt à des « stratégies offensives, appuyées sur des activités qui facilitent l’accumulation de fortunes rapides, fondées sur la transmission d’un savoir faire et de réseaux de relations plus que sur la transmission de biens matériels »5 ?

Dans le cas des commis du Conseil des Indes, ce n’est pas l’accumulation de fortunes rapides qui favorise les stratégies offensives mais plus leur fonction de gestionnaires des emplois des officiers et d’ecclésiastiques aux Indes. Cette situation d’intermédiaire entre le pouvoir régalien de nomination et les quémandeurs leur offrait un capital immatériel très élevé. Ainsi, dans ce chapitre, nous tenterons de déterminer le rang social de ces commis, leur origine géographique, leur choix matrimoniaux, etc. En somme, tout ce qui permet de dresser un portrait le plus précis possible du commis Juan Díez de la Calle dans son environnement familial6.

D’autre part, soulignons d’emblée que cette famille évolue dans un contexte politique unique : celui de la Monarchie catholique, c’est-à-dire une entité politique dont le territoire s’étend sur plusieurs continents et qui remplit plusieurs caractéristiques d’un empire. Dans quelle mesure la politique impériale influença-t-elle les stratégies de ces

3 BERTRAND Michel, Grandeur et misère de l’office. Les officiers de finances de Nouvelle-Espagne XVIIe-

XVIIIe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999

4 PELORSON Jean-Marc, Les letrados juristes castillans sous Philippe III. Recherches sur leur place dans la

société, la culture et l'État, Poitiers, 1980 ; FAYARD Janine, Les membres du conseil de Castille à l’époque moderne (1621-1746), Genève, Droz, 1979.

5 DEDIEU Jean-Pierre, cours non publié, 2008

6 CHACÓN JIMÉNEZ Francisco, « Estructuración social y relaciones familiares en los grupos de poder

castellanos en el antiguo régimen. Aproximación a una teoría y un método de trabajo », in CASTELLANO Juan

Luis, DEDIEU Jean Pierre, LÓPEZ-CORDÓN Victoria (éds), La pluma, la pitra y la espada. Estudios de historia institucional en la edad moderna, Madrid, Marcial Pons, 2000, p. 359 : « esta perspectiva exige que desde el levantamiento de genealogías sociales sean los miembros de una determinada familia y los enlaces y relaciones que establezcan con otras a través del matrimonio y las relaciones de parentesco, los protagonistas y el objeto de atención prioritario antes que las propias instituciones. De esta manera podremos llegar a conocer y comprender, en una escala de tiempo generacional, fundamental para poder medir los procesos de movilidad social, el paso, la presencia, la permanencia y la transcendencia de las distintas instituciones dentro de las estrategias familiares de conservación, perpetuación y reproducción del status social, así como de la movilidad y promoción social. »

acteurs ? Les alliances matrimoniales permirent à cette famille de tenir un temps les rênes des deux secrétariats du Conseil des Indes : cela résulte-t-il des facilités octroyées par le Conseil des Indes et le souverain qui voyait d’un bon œil une gestion familiale des secréta- riats ? En outre, certains membres de cette famille vont réussir à se hisser dans les hautes sphères de l’État, dépassant ce statut initial d’infra-letrados ; d’autres vont servir le roi dans les territoires « périphériques ».

Ainsi, nous étudierons, tout d’abord, le profil de Juan Díez de la Calle, de ses ascendants et de ses descendants. Ensuite, nous procéderons de la même façon pour son beau-père, Juan Fernández de Madrigal, le patriarche d’une lignée de commis. Enfin, nous terminerons ce chapitre par l’analyse des stratégies familiales, de leurs cohérences internes et de l’influence de la politique royale dans ces domaines.

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