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Une génération prestigieuse de serviteurs de la Couronne Au fil des sources, nous avons relevé l’existence certaine de cinq enfants.

Lucas

De son deuxième mariage avec Ana Maria Fernández Carrasco, Juan eut deux fils dont un seul vécut assez longtemps (ou réalisa une assez bonne carrière) pour figurer dans les sources. L’aîné des Fernández de Madrigal bénéficia d’un traitement particulier et unique dans la lignée Fernández de Madrigal : Lucas (1598-1650) fit des études de droit à l’université de Salamanque et sortit avec le grade de licenciado130. Cette donnée nous

apporte quelques informations sur l’avancement social des Fernández de Madrigal vers 1610-1620. En effet, l’entrée de Lucas à l’université prouve de manière certaine sa

limpieza de sangre131. Autre critère de sélection pour rentrer à l’université : la richesse. En

effet, bien qu’initialement créées pour des jeunes gens pauvres, les études dans les colegios

mayores étaient devenues de plus en plus coûteuses132. Salamanque abritait les collèges majeurs les plus onéreux et aussi les plus prestigieux devant ceux d’Alcala ou de Valladolid133. Nous ne savons pas si Lucas fit ses études au collège San Bartolomé, le plus renommé de toute l’Espagne, ou un des autres collèges de Salamanque. Ceux-ci ouvraient

128 PELORSON, op.cit., p. 82 129 Ibid., p. 208

130 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp. 2971, f. 20. Gaspar Rodriguez Cortes, rapporteur du Conseil

royal de Castille affirme avoir été « ami et compagnon d’études à Salamanque de D. Lucas de Madrigal ».

131 PELORSON, op. cit., p. 195, « L’exigence de pureté de sang constitue (…) un des éléments discriminatoires

les plus puissants, dès le stade des universitaires. »

132 D’une part, la vie chère était un problème généralisé et encore plus prégnant dans les villes universitaires

comme Salamanque ; d’autre part, l’obtention des grades était payante. Cf. FAYARD, op. cit., p. 45 : « L’obligation de pauvreté fut vite abandonnée ».

la « voie royale », selon les mots de J. Fayard, pour parvenir aux hauts postes de l’État ; on devenait alors colegial, catégorie d’étudiants très favorisée au XVIIe siècle.134 Retraçons le cursus théorique de Lucas : il prépare pendant cinq ans le baccalauréat, qu’il obtient à l’âge de 20 ans, puis il entre à l’université de Salamanque vers 1618-1620, il y étudie pendant quatre à six ans pour obtenir sa licence vers 1624135. Les letrados trouvent très rarement rapidement un poste dans un organe centralisé. Ils font d’abord leurs armes dans les provinces136.

Dans un premier temps, il semblerait que, Lucas ait été avocat dans différents Conseils137. Cependant, il obtient très vite le poste de procureur (fiscal) de la Junte de

Almirantazgo, institution créée en 1626 par Olivarès puis réformée et incluse dans le

Conseil de Guerre en 1643, et chargée de contrôler les compagnies commerciales et de lutter contre le commerce interlope hollandais138. Elle était compétente dans le contrôle des

navires et des marchandises et avait également une fonction juridictionnelle. Cette institution a évidemment beaucoup à voir avec l’administration des Indes occidentales. La présence de juristes était nécessaire et Lucas obtint le poste dès la création de la Junte comme en témoigne l’acte de recrutement cosigné par le roi et le secrétaire de la Junte, Antonio Carnero139. Ce dernier était surtout le secrétaire particulier d’Olivarès140. De plus, il n’est pas inutile de rappeler que la création de juntes pour traiter d’un problème précis n’était pas une nouveauté en 1626, mais Olivarès chercha par ce moyen à développer une administration alternative à celle des Conseils. En effet, « les membres des juntes pouvaient être sélectionnés par Olivarès lui-même »141 alors que les conseils avaient leur voie interne de recrutement difficilement contrôlable par le comte-duc. Comme des dizaines d’autres individus, Lucas Fernández de Madrigal appartenait à la sphère (même s’il n’était pas en première ligne) du valido, le personnage le plus puissant de l’Espagne des années 1620-1640142. La disgrâce d’Olivarès semble lui avoir été préjudiciable : à deux reprises, les 23 octobre 1648 et 18 juin 1649, il est proposé en dernière position par la

134 FAYARD, op. cit., p. 45 et 68

135 PELORSON, op. cit., p. 36-40. Les statuts de Salamanque (1595) prévoient quatre ans minimum entre le

baccalauréat et la licence pour les juristes. Solórzano y Pereyra, licencié à 24 ans, commente ainsi : « edad

muy temprana », dans son Memorial y discurso informativo.

136 FAYARD, op. cit., p. 70

137 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp. 2975, p. 142

138 D

IAZ GONZALEZ Francisco Javier, « La creación de la Real Junta del Almirantazgo (1624-1628) », Espacio, Tiempo y Forma, Serie IV, H." Moderna, t. 12, 1999, p. 91-128

139 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp 2975, p. 113

140 ELLIOTT John H, El conde-duque de Olivares, Barcelona, Mandadori, 1998, p. 326 141 Ibid., p. 336 et STRADLING R.A., op.cit.,
p. 128

cámara de Indias pour le poste de juez letrado de la Casa de la Contratación mais il est

refusé à chaque fois143.

Dans la famille Fernández de Madrigal (et Díez de la Calle), Lucas est le seul pour lequel nous conservons l’inventaire des biens après décès. Parmi ses exécuteurs testamentaires, on trouve Juan Díez de la Calle et Francisco Fernández de Madrigal144. Tout d’abord, le mobilier montre une situation d’opulence : un grand lit de bronze et quatre autres lits d’appoint, de nombreux buffets, un beau service en argent. Il est créditeur de 7 868 ducats et 34 812 maravédis auprès de neuf débiteurs (dont la ville de Madrid). Sa bibliothèque compte quatre-vingt-onze titres dont beaucoup en plusieurs tomes, elle est principalement composée d’ouvrages juridiques (dont le De Iure Indiarum de Juan de Solórzano Pereira)145. Son capital total est estimé à 2 019 600 maravédis (en plus de la dot qui était de 1 620 560 maravédis). C’est loin d’être une grosse fortune mais Lucas est à l’aise. Il demande à être enterré au couvent des franciscains dans la chapelle de la confrérie du troisième ordre de saint François à laquelle il appartenait. L’enterrement coûta un peu plus de 200 ducats ce qui était peu.

Lucas épousa doña Feliciana de Parraga y Zuñiga à une date qui nous est inconnue et il est difficile d’affirmer si le mariage influença sa carrière146. Cependant, dans l’acte de

baptême de Francisco II Fernández de Madrigal datant de 1618, les parrains ne sont autres que Lucas et doña Feliciana147. En effet, en 1618, Lucas a vingt ans, ses études ne peuvent être terminées ; ainsi l’entrée dans la carrière s’est effectuée alors que Lucas entretenait déjà des relations avec la fille des Parraga y Zuñiga148. Qui sont ces derniers pour avoir permis à Lucas d’accéder rapidement à organe centralisé de l’État dans l’orbite d’Olivarès ?

L’enquête de 1664 pour l’obtention de l’habit de chevalier de Santiago de Gabriel Fernández de Madrigal (fils de Lucas) nous en apprend davantage sur cette famille. Nous savons que Feliciana avait un frère du nom de Francisco de Parraga y Rojas, ce qui nous laisse deux options. D’une part, d’après le témoignage de Gabriel de Parraga, cousin

143 A.G.I., Indif. Gen., 765. Consulta de Cámara 23 octobre 1648 ; Indif. Gen. 766, Consulte de Cámara du

18 juin 1649

144 A.H.P., T. 6761, f. 147 2nde foliation), Inventario y tasación de los bienes de Lucas Fernández de

Madrigal, abogado de los Reales Consejos, en 26 de noviembre de 1650.

145 Ibid., f. 147-152 (2nde foliation)

146 L’âge moyen de mariage des filles est de 20 ans, l’éventail allant de 15 à 28 ans. Cf. LARQUIÉ Claude, “La

famille madrilène du XVIIe siècle”, in Mélanges de la Casa Velázquez, 1988, t. XXIV, p. 142-143

147 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp. 2971, f. 40 v.

148 FAYARD, op. cit., p. 68. Chez les conseillers de Castille, « les cas l’influence [des alliances matrimoniales]

germain de Gabriel Fernández de Madrigal, doña Feliciana serait la sœur de don Francisco de Parraga y Rojas, secrétaire du roi et de l’ambassade à Rome de Manuel de Moura marquis de Castel Rodrigo. Ce dernier, fils du ministre portugais et favori de Philippe II, fut un allié pour Olivarès dans sa conquête du pouvoir en 1618 même si leur relation se compliqua par la suite149. D’autre part, le testament de Lucas évoque quant à lui Francisco de Parraga y Rojas, secrétaire du vice-roi du Pérou Diego Fernández de Córdoba, marquis de Guadalcazár (1620-1628), avant vice-roi de la Nouvelle Espagne (1612-1620)150. Nous penchons pour la deuxième option car le testament de Lucas est établi plus tôt et que doña Feliciana était à ce moment-là présente. Par ailleurs, en 1635, Lucas et sa femme vivent dans la maison du « Secrétaire Francisco Parraga y Rojas, rue del Orno »151. Un frère aussi influent a pu aider Lucas à trouver un poste dans une junte olivaresque.

De plus, la famille Parraga était une vielle famille reconnue de Madrid. D’après l’enquête, elle remonterait au XVe siècle : un certain Diego de Parraga aurait participé à la concordia de Bobadilla en 1477. Les enquêteurs ont retrouvé les testaments du grand-père

et de l’arrière grand-père de Gabriel. Don Pedro Calderón de la Barca, sollicitait comme témoin dans la même enquête, affirme connaître les grands-parents qui « possédaient leurs propres maisons mitoyennes du couvent des sœurs du Duc d’Uceda dans la paroisse de Santa Maria où ils possèdent chapelle et enterrement de longue date »152. En effet, les Parraga ont leur chapelle dans la paroisse de Santa Maria de la Almedena. Le curé de l’église, don Manuel de Mollinedo, « sait qu’une chapelle de cette église qui est à l’entrée de la sacristie et où se trouvait, avant, la statue de notre dame de Almadena est appelée [chapelle] des Paragas; il ne sait si elle appartenait à cette famille ou si elle y a été enterrée »153 Ces discussions sur l’existence ou non d’une chapellenie témoigne de l’importance de cette marque extérieure de noblesse selon les mots de Jean-Paul Zuñiga:

« Les chapellenies, tout en conservant la mémoire d’une famille de notables face à la communauté, constituent le point d’attache d’un lignage, l’espace où se cristallise la parentèle, où se matérialisent les liens du sang, aussi bien par le prestige qu’elles apportent au nom que par les obligations qu’elles impliquent. »154

149 ELLIOTT, op.cit., 1998 p .65 et 350

150 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp. 2975, p. 134 et A.H.P., T. 6761, f. 100 (3e foliation) 151 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp. 2976, f. 15

152 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp. 2975, p. 6

153 Ibid., p. 147, « sabe que una capilla de esta iglesia que esta en la entrada de la sacristia y donde antes

estava la imagen de nuestra señora de Almadena, se nombra de los Parragas, no sabe si por ser proprio de esta familia o por tener entierro en ella. »

Francisco (1618-1685) : infra-letrado mais finalement conseiller

Francisco réalisa une très belle carrière sur les pas de son père au Conseil des Indes. Né le 19 mai 1618 rue de la Merced (Madrid), le second fils, fruit du troisième mariage de Juan Fernández de Madrigal, n’a pas fait d’études ; le titre de bachiller n’apparaît nulle part. Son père meurt alors qu’il avait 14 ans, l’âge pour rentrer à l’université. Francisco gravit un à un les échelons du Conseil des Indes : en 1640, il a 22 ans quant il obtient le titre de commis aspirant dans le secrétariat du Pérou du Conseil des Indes155. Et seulement neuf ans plus tard, on le retrouve premier commis156. En 1655, il change d’administration

pour devenir Secrétaire du roi à la Junta del Comercio de Cámara. En 1664, il obtient l’habit de chevalier de Santiago157. Il est secrétaire du Conseil des Finances de 1670 à 1674

puis revient au Conseil des Indes pour exercer la fonction de secrétaire de la Nouvelle Espagne puis du Pérou. Enfin, il obtient le titre de conseiller des Indes de cape et d’épée le 7 mai 1682158.

Il semblerait que pour un infra-letrado deux générations aux services de l’État four- nissaient une équivalence pour l’accès aux postes à responsabilité. Pour E. Schäfer, cette promotion était purement honorifique et, donc, inutile au bon fonctionnement du Conseil, voire coûteuse.159 La promotion de secrétaire au rang de conseiller n’était pas extraordinaire, il existait d’autres cas : Veita Linaje et Amolaz y Larrea160.

Le mariage de Francisco témoigne également de la stratégie de cohésion familiale des Fernández de Madrigal. En effet, Francisco s’unit en 1643 à sa nièce doña Catalina de León y Madrigal (1628- ?), fille unique de don Gerónimo de León y Ocampo (1612-1637) et de doña Ana Fernández de Madrigal (1610-1632). Les León y Ocampo habitaient à Oropesa, bien qu’ils fussent originaires de Guadalupe en Estrémadure.161 Cette pratique n’est pas exceptionnelle : pour être sûr que les biens restent dans la famille on n’hésitaient pas à se marier entre cousins germains162. D’autant plus que doña Catalina était fille unique et qu’elle devint orpheline à 9 ans ; elle fut mariée à 15 ans163 avec son oncle avec qui elle

eut deux enfants : Francisco Antonio et Luis Francisco.

155 A.G.I., Indif. Gen., 454, LA23, f. 47 156 A.G.I., Indif. Gen., 436, L14, f. 322-324

157 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp. 2971 158 SCHÄFER, op. cit., p. 347 et 354.

159 Ibid., p. 261.

160 Ibid., cf. note de bas de page n°7

161 A.H.N., O.M., Caballeros de Santiago, Exp. 2973 162 PÉLORSON, op. cit., p. 289

José, encore un commis

Le cadet des Fernández de Madrigal, José (1630-1694), ne fit apparemment pas d’études supérieures mais obtint un poste honorable de secrétaire du roi et de premier commis du Secrétariat de la Junte des travaux et des bois, sorte de tribunal du patrimoine privé du roi164. En 1682, José était fait chevalier de l’ordre de Santiago165. Il se maria deux fois, la première avec doña Ana Josepha Vidal avec qui il n’eut pas d’enfant, la seconde, en 1683, avec doña Maria de Ledesma, originaire de Inojas del Campo dans la région de Soria. De ce dernier mariage, il eut trois enfants : don José Francisco, don Juan Pablo Ramon et doña Ana Maria Paula. La fille se maria avec don Alonso Muñiz, fils de Juan Muñiz, secrétaire du roi, comptable du Conseil des Indes. Son testament montre une certaines aisance puisqu’il lègue à sa confrérie et à ses enfants des diamants et des émeraudes ; à son serviteur un arquebuse, il offre des épée ornées de pierre à ses cousins.

« Je lègue à la dite doña Maria de Ledesma mon épouse en signe de notre affection deux vitrines contenant deux enfants qui sont saint Jean et l’enfant Jésus de Naples avec les buffets et une image en ivoire du Christ crucifié (…) qui me vient des Indes »166.

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